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SÉCURITÉ

Révolution en Libye: dix ans après, le jeu sans fin des puissances étrangères

Dix ans après le début de la révolution, la Libye vient de se doter d'un nouvel exécutif unique chargé de réunifier le pays. Mais le Premier ministre et le conseil présidentiel ne suffisent pas à cacher les vrais maîtres du pays : Ankara, Moscou ou encore Abou Dhabi.
De notre correspondant régional à Tunis, Si une révolte populaire, partie de Benghazi, à l'est du pays, est à l'origine de la révolution du 17 février 2011, la victoire finale sur Kadhafi est le résultat d'une alliance internationale : France-USA-Royaume-Unis-Qatar. Dix ans plus tard, le 5 février dernier, 74 délégués libyens ont nommé, sous le contrôle étroit de la mission des Nations unies en Libye (Manul), un Premier ministre et un Conseil présidentiel de trois membres censés réunir le pays et organiser des élections générales, le 24 décembre 2021. Là encore, les acteurs étrangers sont à la manœuvre comme à chaque étape post-révolution, mais a une différence près :  le trio Ankara-Moscou-Abu Dhabi a remplacé le quatuor Paris-Washington-Londres-Doha.
Turquie et son pré-carré de la Tripolitaine
Jusqu'en 2016, le président turc, Recep Erdogan, n'avait pas la Libye dans le viseur, davantage préoccupé par le voisin syrien. L'État d'Afrique du Nord était surtout perçu comme une terre de business. Les entreprises turques de construction profitaient notamment de la frilosité des concurrents européens, rebutés par l'instabilité. L'arrivée en 2016 d'un premier Gouvernement d'union nationale (GUN) à Tripoli, né des accords de Skhirat menés sous l'égide de l'ONU, a changé la donne. Cet exécutif a rapidement été sous la coupe politique et sécuritaire de Misrata, puissante cité portuaire liée historiquement à l'empire Ottoman. La Turquie a ainsi été le seul pays à répondre à l'appel à l'aide du GUN quand Khalifa Haftar et ses troupes venus de l'Est ont voulu, en vain, s'emparer de la capitale (avril 2019-juin 2020). Depuis, la Turquie est le « protecteur » de la Tripolitaine, région la plus peuplée du pays, ce qui en fait un acteur incontournable. Preuve en est : les quatre candidats au poste de Premier ministre en février, tous issus de l'Ouest, étaient proches de la Turquie, d'une façon ou d'une autre. Le vainqueur, Abdel Hamid Dbeibah, appartient à une famille misrati richissime qui a d'importants intérêts financiers dans le Bosphore. Militairement, la Turquie possède désormais une base aérienne côtière à Watiya (27 km à l'est de la frontière tunisienne), où même les Libyens ne peuvent accéder librement. Elle fait régulièrement voler sa vingtaine de drones au-dessus de la capitale. Officiellement, ce sont des exercices en cas d'une nouvelle attaque contre Tripoli. Officieusement, ces survols permettent de garder un œil sur l'activité des nombreuses milices de la ville. Économiquement, depuis 2019, Ankara et Tripoli ont signé plusieurs accords de coopérations, dont l'un prévoit une possibilité pour les compagnies turques d'exploiter les richesses sous-marines libyenne. « La Turquie est là pour des années encore. Ses ambitions sont avant tout économiques et militaires. Le pays est mal en point financièrement et veut rapidement obtenir de juteux contrats de reconstruction. La base de Watiya renforce sa présence en Méditerranée centrale », détaille Jalel Harchaoui, chercheur à l'Initiative globale contre la criminalité transnationale organisée. En contrôlant la Tripolitaine, principal lieu de départ des migrants subsahariens pour l'Europe, Erdogan s'assure également une carte maîtresse dans son bras de fer avec l'Union européenne.
Russie, le diviseur en chef...   

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