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JUSTICE

RDC: ceux qui ont tué Floribert Chebeya et Fidèle Bazana

Pour la première fois, deux policiers reconnaissent avoir participé à différents degrés à l’assassinat des militants des droits de l’homme congolais, Floribert Chebeya et Fidèle Bazana et pointent les responsabilités de tous les protagonistes. Ce double meurtre est parmi les crimes les plus emblématiques de la présidence de Joseph Kabila. Depuis l’arrivée au pouvoir du Félix Tshisekedi, les appels se multiplient pour demander la réouverture du procès, jusqu’ici en vain, malgré les promesses du chef de l’État.
Le mardi 1er juin 2010 en fin de matinée, Hergil Ilunga wa Ilunga, simple adjudant de la police nationale de la République démocratique du Congo (RDC), reçoit deux appels qui vont changer sa vie. Le premier provient de son supérieur hiérarchique, le colonel Daniel Mukalay, inspecteur général à la direction des renseignements généraux et services spéciaux ; le second, du chef de l’opération du jour : le major Christian Ngoy Kenga Kenga. Cet officier commande le bataillon « Simba », l’un des plus redoutés de la police. Ancienne unité de l’armée reversée dans la Légion nationale Police d’intervention rapide (PIR), il est composé de fidèles du général John Numbi, l’homme des basses besognes sous la présidence de Joseph Kabila (2001-2019), aujourd’hui encore sous sanctions des États-Unis et de l’Union européenne. Depuis l’arrivée au pouvoir du président Félix Tshisekedi, ces officiers jadis intouchables ont connu quelques déboires. En juillet 2020, le général John Numbi a été écarté de tout poste de commandement, lui qui n’a pourtant jamais été inquiété par la justice. Sans affectation, il vit désormais quasi-reclus dans sa ferme du Haut-Katanga. Le major Christian Ngoy Kenga Kenga a, lui, été arrêté quelques semaines plus tard dans un restaurant de Lubumbashi pour port d’armes illégal et transféré le 3 septembre 2020 à Kinshasa, la capitale. Considéré en fuite depuis plus de dix ans, il avait été condamné par contumace pour l’assassinat de M. Chebeya et Bazana.
« C’est à l’inspection qu’on les a étouffés »
En ce 1er juin, Hergil Ilunga wa Ilunga ne sait rien des projets macabres de sa hiérarchie. Simplement qu’il doit se rendre à l’inspection générale de la police dirigée à l’époque par le général Numbi et « rester en stand-by », qu’une mission importante l’y attend. « C’est à l’inspection qu’on les a étouffés », explique Hergil Ilunga en ligne depuis un pays d’exil dont il souhaite taire le nom. « Je ne connaissais pas Floribert Chebeya et son chauffeur Bazana avant », finit-il par ajouter. Même s’il n’a jamais fait partie des accusés dans ce dossier, Hergil Ilunga revendique être membre du commando de sept policiers chargés d’exécuter le plus célèbre des militants des droits de l’homme congolais. Le directeur exécutif de l’ONG La Voix des sans Voix, l’incorruptible Floribert Chebeya, a été retrouvé le 2 juin 2010 à Mitendi, en périphérie de Kinshasa, asphyxié dans sa voiture, avec des préservatifs et des faux ongles éparpillés sur le sol. Le corps de son assistant et ami, Fidèle Bazana, n’a jamais été retrouvé. De plus en plus de policiers comme Hergil Ilunga se disent prêts à « tout dire » à la justice, eux qui connaissent l’opération dans ses moindres détails. Tout ce qu’ils réclament, c’est l’arrestation du général John Numbi et la sécurité pour leurs familles. ►À lire aussi : Mort de Floribert Chebeya en RDC: la Fondation Clinton demande la réouverture du procès Hergil Ilunga se souvient des noms des agents impliqués, comme de chaque voiture qu’ils ont utilisée. Il y a la « Mazda grise » avec laquelle les deux activistes se sont rendus à l’inspection générale de la police, la « Defender blanche » du colonel Daniel Mukalay dans laquelle Fidèle Bazana a d’abord été étouffé. « Le major Christian Ngoy était le commandant de l’opération, il nous a dit de prendre le chauffeur de Chebeya et de l’amener dans la Defender, raconte Ilunga. C’était dans mon véhicule, il y avait Jacques Mugabo et Saddam ». Le commando s’est ensuite occupé de Floribert Chebeya. Hergil Ilunga et ses collègues vont chercher l’activiste qui attend toujours son rendez-vous avec le général John Numbi. « On l’a étouffé dans une autre jeep, celle de la police canine. Il y avait Jacques Mugabo, Bruno (Nyembo) Soti et Doudou (Ngoy) Ilunga », énumère encore Hergil Ilunga. Un septième policier, l’adjudant Ngoy Mulanga, est également présent, il garde l’entrée principale de l’Inspection générale de la police.
« Je les vois encagouler Floribert Chebeya »
Toute la scène est observée par un autre policier à travers des caméras de vidéosurveillance. Paul Mwilambwe fait partie des condamnés par contumace pour le meurtre de Floribert Chebeya et Fidèle Bazana, il a été le premier policier à fuir et à donner les noms de tous les présents ce jour-là, dont celui d’Hergil Ilunga. Sa première interview, il l’a accordée à Radio France internationale (RFI) le 12 novembre 2012 et ne cesse de dénoncer les auteurs de ce crime. Il vit en exil depuis. Le 1er juin 2010, Paul Mwilambwe est à son bureau, il est le chef de la sécurité de l’Inspection générale de la police. Floribert Chebeya lui est présenté par le major Christian Ngoy Kenga Kenga comme l’invité de marque de son patron, le général John Numbi. Les heures passent, le général est sorti et ne revient pas. « Quand il est venu le récupérer, le major lui a dit : le général s’excuse, je vais t’emmener à la résidence », relate Paul Mwilambwe...   

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