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RDC: main basse sur les «billets impropres» de la Banque centrale

Une enquête interne de la Banque centrale congolaise a révélé, il y a plus d’un an, des malversations dans son antenne de Lubumbashi. Des milliards de francs congolais y auraient été détournés alors qu’ils devaient être détruits ou réinjectés dans le système bancaire. RFI a pu consulter ce dossier jusqu’ici resté confidentiel.

 
« Je n’ai rien à voir avec ces histoires. » L’informaticien Kayembe Kimembe reste vague et en dit le moins possible. Il se sait traqué, sur la sellette. Il peine à se justifier face à l’enquêteur qui l’interroge au deuxième étage de l’immeuble coquet de la direction provinciale de la Banque centrale du Congo (BCC) à Lubumbashi, chef-lieu de la riche province minière du Haut-Katanga (sud-est). Responsable du bureau informatique, il est, en ce vendredi 12 juillet 2019, interrogé pour la seconde fois par des auditeurs venus du siège à Kinshasa, la capitale, dans le cadre d’une affaire rocambolesque de vol présumé de sacs remplis de billets de francs congolais usagés normalement destinés à être perforés puis broyés. Seulement voilà, des milliards ont été mis de côté, discrètement ou presque. C’est ce qui ressort des dizaines de pages d’auditions et autres documents internes auxquelles Radio France internationale a eu accès. Le technicien est accusé d’avoir suspendu le système de vidéosurveillance dans la salle de broyage au premier jour des opérations, le 14 mai 2019. Des caméras pas toutes éteintes En cette veille de week-end de juillet, Kayembe Kimembe sait qu’il risque gros : le licenciement voire la prison. Durant le premier interrogatoire survenu un mois plus tôt, cet employé en poste depuis près de huit ans à Lubumbashi avait assuré, sans louvoyer, qu’il ne savait pas utiliser les équipements de vidéosurveillance installés dans les locaux de la banque pour éviter les fraudes. L’informaticien n’a pas tout à fait menti. Il finit par admettre avoir reçu l’ordre d’interrompre le signal juste avant la livraison des premiers sacs de billets de francs congolais impropres à la circulation. Sauf qu’il ne comprenait pas comment faire et qu’il ne s’est pas occupé des caméras positionnées à l’extérieur de la salle. Celles-ci l’ont filmé durant ces différents appels, comme d’autres scènes compromettantes, et leurs images constituent les preuves avancées par les enquêteurs de la BCC. « Cette affaire a été enterrée » Des interrogatoires sont rondement menés entre juin et octobre 2019 à Lubumbashi et à Kinshasa. Près d’une vingtaine d’employés, du simple agent de sécurité au directeur provincial, sont appelés à s’expliquer et tous ou presque ont joué un rôle ou des règles. Jusqu’ici, ce travail minutieux n’a étonnamment donné lieu à aucun licenciement ni condamnation. Interrogé à ce sujet, un haut cadre de la BCC a dans un premier temps nié, assurant que s’il y avait eu des preuves, les agents auraient été sanctionnés, avant d’affirmer que l’affaire était « devant la justice » et que les principaux responsables avaient « quitté la banque et pris fuite ». « Pour d’autres agents », leurs dossiers sont encore « en cours » à la commission de discipline de la banque un an après la fin de la mission d’enquête diligentée par Kinshasa. « Tous sont là, encore à leurs postes, il n’y aucune trace de procédure au niveau de la justice, cette affaire a été enterrée », déplore Me Timothé Mbuya, président de Justicia Asbl, l’une des organisations de défense des droits de l’homme les plus actives de Lubumbashi. « C’est d’autant plus grave que c’est presque du flagrant délit avec les caméras de vidéosurveillance. » Jusqu’à l’enquête de RFI, la société civile ignorait tout de cette affaire. Pour Me Mbuya, il faut « publiciser » ce type de dossier pour éviter tout risque de corruption du système judiciaire et de voir filer les coupables. Une institution sous surveillance Ce dossier est particulièrement embarrassant tant il pose la question du contrôle de la masse monétaire par la Banque centrale, malgré les procédures et systèmes de sécurité mis en place pour limiter la fraude. Plusieurs sources, y compris au sein de la Banque des banques, suggèrent que cette pratique pourrait être plus qu’un acte isolé. Or, ...   

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