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« Je veux défendre toutes les femmes victimes d’abus sexuels »

Judith Heard / Kantengwa Copyright de l’image Dworks
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Lorsque des photos d'elle ont été publiées l'an dernier, en la montrant nue, sans son consentement, Judith Heard, un mannequin ougandais, a été non seulement arrêtée, mais vilipendée dans les médias et sur Internet.

Pour mettre fin à la manie de blâmer les victimes d'abus sexuels, elle exhorte les femmes de son pays à en parler publiquement et à faire preuve de solidarité les unes envers les autres. Elle a raconté sa propre histoire à nos collègues Sophie Hemery et Alice McCool.

Certains lecteurs trouveront cette histoire troublante

Judith arrive pour notre interview, vêtue d'une robe payée 50 000 livres sterling (environ 37 millions de francs CFA). Jet-setter et mondaine, elle prend part à des missions caritatives à Londres. En apparence, sa vie diffère complètement de celle des femmes d'Afrique de l'Est. Mais il y a quelque chose que Judith Heard a en commun avec beaucoup d'elles.

Une enquête menée en 2016 révèle que 50 % des Ougandaises âgées de 15 à 49 ans ont été victimes d'une agression physique ou sexuelle. Judith, elle, a connu les deux formes de violence.

La publication de photos la montrant nue, des photos téléchargées à partir d'un ordinateur ou d'un téléphone volé, selon ses dires, n'est que le dernier d'une longue série d'abus dont elle a été victime, affirme Judith. Elle a gardé le silence pendant plusieurs années par "peur d'être (…) humiliée".

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"Alors on garde ça pour soi-même et on finit par avoir l'esprit psychologiquement malmené. J'ai décidé de raconter mon histoire parce que je veux être une femme libre. Je ne veux pas porter ce fardeau pour le reste de ma vie", lâche Judith.

Concernant les violences à caractère sexuel, elle se rappelle surtout que son père battait souvent sa mère, laquelle a fini par quitter le foyer conjugal pour sauver sa vie. A l'âge de huit ans, Judith rejoint la maison familiale de son père au Rwanda. Elle sera ensuite élevée par sa grand-mère, après la mort de son père lors du génocide de 1994 au Rwanda.

C'est dans ce pays qu'elle a été violée pour la première fois dans la demeure familiale. C'était à l'âge de 15 ans, par un membre de sa famille, la veille de ses derniers examens scolaires. Le lendemain matin, au lieu de faire ses examens, elle s'enfuit et arrive à Kigali, la capitale rwandaise.

Elle s'y réfugie dans un ghetto du district de Nyamirambo, qu'elle décrit comme "un endroit très, très fou". C'est là qu'elle est devenue interprète dans un groupe de musique. "Quiconque voulait se joindre à nous pouvait le faire. Il y avait un endroit pour dormir et un peu de nourriture", se souvient-elle…

Judith n'était pas payée pour chanter, mais pour "survivre en étant gentille avec les gens du quartier..."

A 17 ans, elle obtient un emploi de serveuse dans un club fréquenté par des gens riches et célèbres. Elle est connue comme "la belle Ougandaise qui parle anglais". Avec ses gains, elle se paye un appartement.

Les choses commencent à s'arranger. Et lorsqu'une femme s'approche d'elle un soir, au club, pour, dit-elle, lui offrir une vie meilleure, Judith sent que le destin commence à lui sourire. Elle s'arrange pour rencontrer sa bienfaitrice et l'accompagner à Goma, en République démocratique du Congo (RDC) où, lui dit-on, elle "pourrait rencontrer quelqu'un de gentil... qui peut prendre soin d'elle".

La promesse d'une vie meilleure est trop belle pour être rejetée. "J'étais une petite fille et je voulais simplement me trouver une vie meilleure, gagner de l'argent et, un jour, aller chercher ma famille", raconte Judith.

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