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Les «Luanda Leaks» ou la mise à nu de l’écosystème dos Santos-Dokolo

Alors que le régime angolais poursuit dans son pays l’ancienne famille présidentielle, une fuite sans précédent de documents confidentiels analysés par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) offre une plongée rare dans la gestion quotidienne des affaires d’Isabel dos Santos et Sindika Dokolo. La fille de l’ancien chef de l'État angolais et son mari disent faire l’objet d’une machination politique. Il y a plus d’une histoire derrière les « Luanda Leaks ».

« Le timing de l’enquête est suspect ». Au bout du fil, Sindika Dokolo ne décolère pas. « L’un de nos cabinets d’avocats, PLMJ, avait déjà été hacké dès 2015 », explique l’époux de la richissime Angolaise Isabel dos Santos à Radio France Internationale (RFI). Fait rare, les « Luanda Leaks » concernent exclusivement la gestion de ces deux fortunes de l’Afrique centrale, lui, fils du premier banquier du Zaïre de Mobutu, elle, l’aînée des enfants de l’ancien président angolais José Eduardo dos Santos au pouvoir pendant 38 ans en Angola. « On savait que plusieurs de nos sociétés ont été ciblées par un hacker portugais, ces documents ont été gardés et sont instrumentalisés aujourd’hui pour faire main basse sur nos avoirs à l’étranger. Ils se servent de la presse pour manipuler l’opinion et les gouvernements ». M. Dokolo dénonce l’origine frauduleuse de la fuite, les conditions d’obtention des documents, mais dit ne pas en connaître l’ampleur.

Au total, il s’agit de plus de 715 000 fichiers, pour la plupart confidentiels. Ils détaillent le fonctionnement interne de plus de 400 entreprises et filiales, établies pour les plus anciennes depuis 1992 et disséminées dans 41 pays, dans lesquels le couple détient des parts. Ce sont des échanges de courriel, avec toute sorte de pièces attachées, contrats, procès-verbaux de réunions de conseils d’administration, organigrammes, rapports de gestion, conventions de prêts ou même des documents personnels, issus de boîtes e-mail d’employés de Fidequity, une de leurs sociétés de gestion basée au Portugal et de plusieurs autres compagnies ou prestataires de service.

C’est un palimpseste, une histoire certes incomplète et morcelée, mais qui s’est écrit sur dix ans en portugais, mais aussi en français, anglais, espagnol, allemand, néerlandais ou en somali. Le tout confié aux bons soins de la Plateforme de protection des lanceurs d’alerte en Afrique (PPLAAF), une toute jeune organisation lancée par deux avocats français pour protéger ceux qui font fuiter des documents d’intérêt public relatifs au continent.

La responsabilité des hommes de l’ombre

L’enquête des « Luanda Leaks », elle, est confiée au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) à l’origine des Panama Papers et autres Offshore Leaks qui ont secoué les grandes fortunes de ce monde. Elle a impliqué plus de 120 journalistes et 36 médias partenaires, dont Radio France Internationale (RFI), originaires d’une vingtaine de pays. « Nous ne connaissons pas l’origine de la fuite. Notre partenaire PPLAAF nous a juste dit que ces documents provenaient de plusieurs sociétés et d’un lanceur d’alerte qui voulait dénoncer un comportement criminel », explique Fergus Shiel, coordonnateur de cette enquête pour ICIJ. Elle offre une plongée rare dans la gestion quotidienne de deux des plus grandes fortunes d’Afrique et leurs interactions avec les autres continents.

Dans ces centaines de milliers de pages, Isabel dos Santos et Sindika Dokolo n’interviennent que très peu directement. Ils se réfugient derrière une poignée d’intermédiaires, des hommes et femmes de confiance qu’ils placent à la tête d’un enchevêtrement de sociétés disséminées à travers le monde. Les « Luanda Leaks » permettent d’éclairer le rôle de ces petites mains, gestionnaires, avocats, notaires, banquiers, comptables et autres cabinets d’audit qui au fil des ans ont posé très peu de questions sur cette mainmise de la famille dos Santos sur l’économie angolaise, les montants astronomiques des transactions financières ou immobilières, moins encore sur l’origine de leur fortune. Même si Mme dos Santos et M. Dokolo se plaignent des restrictions qui leur sont imposées, les États qui abritent leurs investissements sont eux-mêmes presque absents de la conversation. Des millions en liquide sont transférés du Luxembourg au Portugal ; des millions en diamants vont de Suisse vers la France, sans que la question la plus évidente soit posée. Ces flux expliquent-ils pourquoi plus de 15 ans après la fin d’une guerre civile sanglante, l’État angolais connaît un taux de croissance parmi les plus élevés d’Afrique et même du monde quand sa population continue de vivre pour près de 40% dans l’extrême pauvreté ?

L‘Angola, qui affichait un des taux de croissance les plus forts d’Afrique, est l'un des pays les plus pauvre du monde. © ALAIN JOCARD / AFP

Pour effacer la mauvaise réputation d’un pays et le risque attaché à un nom, il faut des facilitateurs. Chez les dos Santos-Dokolo, ils sont portugais, suisses, britanniques, français, maltais ou même monégasques et la plus petite de leur facture se chiffre en milliers d’euros. Ce sont eux qui ont permis de convertir des milliards de dollars en usines, prises de participation, propriétés, yachts et voitures de luxe, en Angola et au-delà, de l’Europe au Moyen-Orient. « Les Luanda Leaks » sont aussi leur histoire.

Reprendre l’Angola aux dos Santos

Jusqu’au 27 septembre 2017, le clan dos Santos était intouchable en Angola. Ce jour-là, le beau-père de Sindika Dokolo perd la présidence et sa famille ne cesse d’enregistrer depuis des déboires administratifs et judiciaires en Angola. « C’est Armageddon, le régime prétend le faire au nom de la lutte contre la corruption, mais il ne s’en prend pas aux mandataires des entreprises publiques accusées de malversation, juste à une famille qui opère elle dans le secteur privé », s’indigne le gendre de l’ancien chef de l’État. Le successeur désigné, sans doute à contrec�...   

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