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Côte d’Ivoire : Henri Konan Bédié, «le sphinx de Daoukro» (1/2)

Premier successeur de Félix Houphouët-Boigny, le père de l’indépendance de la Côte d'Ivoire, Henri Konan Bédié que l’on surnomme « le sphinx de Daoukro », a été un combattant de la première heure pour l’indépendance et un grand serviteur de l’État, adulé ou vivement critiqué. Retour sur l’ascension politique d’un homme toujours en prise avec l’avenir de son pays.

Comme en témoigne sa mère, Henri Konan Bédié est né le 5 mai 1934 un jour de pluie dans le village de Dadiékro, dans la région de Daoukro, en pays Nambê, dans le centre-est de la Côte d'Ivoire. Une terre qui servit de première étape au peuple Baoulé qui avait dû fuir la confédération Ashanti en pleine guerre de succession au XVIIIe siècle. Un exode marqué par l’histoire de la reine Pokou qui, selon la légende, sacrifia son enfant pour permettre à son peuple de traverser un fleuve et de survivre. Une histoire qui donna à ce peuple le nom de « Baoulé » qui signifie « l’enfant est mort ». Conformément à la coutume, à la naissance de Henri Konan Bédié, on lui donna un nom traditionnel et on le surnomma « N’zueba », « petite rivière », du nom du cours d’eau qui coulait en contrebas du village.

Dans un ouvrage autobiographique intitulé Les chemins de ma vie : entretiens avec Éric Laurent, Henri Konan Bédié raconte qu’être né un jour de pluie a eu une charge symbolique particulière : « La pluie a presque toujours accompagné ma vie. Si vous allez à Daoukro ou à Yamoussoukro, les gens vous diront spontanément : "Ah le président est là, il va pleuvoir". Il y a de grandes chances que cela se produise. La dernière fois que je suis allé tenir un Conseil des ministres à Yamoussoukro, les habitants ont déclaré : "Cela fait un mois que nous n’avons pas eu de pluie. S’il vient, il va pleuvoir." Au moment même où je descendais de l’avion, les premières gouttes ont commencé à tomber et la pluie a duré toute la nuit, à la grande joie des paysans. Je ne sais pas si cela revêt une logique, mais c’est fréquent. » Et de conclure : « Pour l’anecdote, quand il découvrait l’Afrique et qu’il était résident général au Maroc, Lyautey avait coutume de dire : "Gouverner, c’est pleuvoir." Est-ce prémonitoire ? ».

L’engagement politique

Véritable État, la société monarchique Baoulé de l’époque contrôlait un royaume qui se subdivisait en de nombreux groupes de villages. Bien que fils d’un cultivateur de cacao, Henri Konan Bédié est né de sang royal : son grand-père était roi du Nambê et régnait sur les cinq villages de la région et sa mère était la fille du roi des Bèli, un autre clan de la même lignée. Dans son livre, Henri Konan Bédié explique : « J’ai été élevé dans les principes de cette noblesse : l’honneur, le sens du commandement, mais aussi l’obéissance. L’éducation que j’ai reçue ne m’a pas inculqué l’idée que je devais un jour me préparer à gouverner les Ivoiriens. On naît prince de sang sans être nécessairement prince héritier. » Son engagement politique n’est pas issu directement de cet héritage, il naîtra de sa volonté de combattre la domination coloniale.

Séchage des féves de cacao © PHILIPPE DESMAZES / AFP

Issu d’une fratrie de neuf enfants, Henri Konan Bédié conjugue, comme tous les enfants de son âge, travaux des champs et école. Mais dans cette Afrique occidentale française (AOF), il est témoin de l’oppression coloniale : il se forge très vite un esprit de résistance et adhère aux luttes émancipatrices. Dès 1947, alors qu’il entre au collège moderne de Guiglo, dans l'ouest du pays, apparaissent les premiers journaux libres d’opposition, principalement communistes, comme Le Démocrate qu’il distribue clandestinement au collège. Le soir, il commente les articles et débat avec ses camarades de classe, alors divisés en deux groupes : les « progressistes » qui étaient proches du gouvernement colonial et les partisans du Rassemblement démocratique africain (RDA), principalement critiqués pour leur proximité avec les communistes. Période pendant laquelle il y avait aussi le Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI) d’Houphouët-Boigny qui luttait pour mobiliser les planteurs sur la question épineuse des prix du café et pour engager le pays sur la voie des réformes.

Felix Houphouët-Boigny rencontre en 1945 à Treichville, une cité ouvrière au sud d'Abidjan, des membres du Syndicat agricole africain (SAA) qi'il a fondé un an auparavant. © © AFP

Sur cette période et sur les années d’engagement qui suivront, Henri Konan Bédié dira : « Je n’ai jamais été communiste, ni enrôlé dans quelque parti que ce soit, exception faite du PDCI qui était un mouvement africain de rassemblement. J’ai lu et j’ai jonglé avec la dialectique marxiste parce que c’était un mode de raisonnement, mais en réalité je me battais exclusivement pour l’émancipation de l’homme noir et je ne voyais pas son avenir en tant que français "assimilé". »

Le chemin de l�...   

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