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Mahamadou Issoufou, président du Niger: «Nous avons besoin de plus de Barkhane»

[Exclusif] Huit jours après l’attaque contre la garnison d’Inates au Niger qui a causé la mort de 71 militaires, le président Mahamadou Isssoufou s’exprime pour la première fois. Un entretien accordé à Gaëlle Laleix de RFI et Cyril Payen de France 24.

FRANCE 24 : On sort de trois jours de deuil national qui ont beaucoup marqué. On a beaucoup senti cette commotion dans la société, au Niger, après la perte, il y a quelques jours, dans une garnison à quelque 300 kilomètres de la capitale, de 70 de vos soldats. Vous êtes le chef de l’État, vous êtes aussi le chef des armées. On a vu vos armées défiler aujourd’hui en jour de fête nationale. Quelle est la situation sur place ? Est-ce que c’est hors de contrôle ? On en est là, sur place ?

Mahamadou Issoufou : Non, je ne pense pas que l’on puisse dire que la situation est hors de contrôle, mais on peut dire que la situation est grave. Parce que la situation sécuritaire se dégrade de jour en jour depuis quelques temps. La menace devient de plus en plus intense et elle s’étend dans l’espace. Donc, la situation est vraiment préoccupante, non seulement pour le Niger, mais également pour les autres pays du Sahel et de manière générale pour l’ensemble des pays de la Cédéao, y compris d’ailleurs, les pays du bassin du Lac Tchad. Parce qu’il ne faut pas oublier que, dans le bassin du Lac Tchad, nous faisons face à la menace de Boko Haram.

 ► À lire aussi : Ce que l'on sait de l'attaque meurtrière d'Inates au Niger

RFI : L’attaque d’Inates est la plus meurtrière depuis 2015 au Niger. Comment expliquez-vous un bilan aussi lourd et dans quel état se trouvent aujourd’hui vos forces de défense et de sécurité ?

C’est ce que je viens de dire, la menace s’est aggravée depuis 2015. Les terroristes se sont renforcés. Ils ont pu disposer d’équipements plus lourds, plus efficaces. Ils ont dû bénéficier de renfort en encadrement pour la formation. Parce qu’on nous parle de transfert de terroristes de Syrie, d’Irak, via la Libye, où malheureusement, il n’y a pas d’État. Et donc, ce qui s’est passé à Inates traduit tout cela. C’est la conséquence de tout cela. Davantage d’encadrement terroriste, davantage de formation, davantage d’équipements et donc des attaques de plus en plus meurtrières.

FRANCE 24 : Pour faire face à ce que vous appelez cette métastase, vous avez souvent répété ce mot pour ce qui se passe et se répand, non seulement au Niger, mais dans d’autres pays membres du G5 Sahel, vous avez prôné et milité depuis longtemps pour une coalition internationale qui interviendrait de la même manière que des coalitions internationales sont intervenues offensivement et militairement dans d’autres pays. Pourquoi est-ce que la communauté internationale traine-t-elle des pieds sur la question du terrorisme dans le Sahel ?

C’est la question que l’on se pose. On ne comprend pas. Les populations du Sahel ne comprennent pas que la communauté internationale se détourne de la situation dans laquelle se trouve le Sahel. La population du Sahel ne comprend pas cette absence de solidarité vis-à-vis des peuples du Sahel. Surtout que les peuples du Sahel savent que la communauté internationale a une responsabilité par rapport à la situation actuelle. Parce qu’il ne faut jamais l’oublier, c’est quand même la communauté internationale qui a créé le chaos en Libye. Et ce qui se passe dans le Sahel est une des conséquences du chaos libyen ! Par conséquent, la communauté internationale ne peut pas, ne doit pas se défausser. Elle doit faire face à ses responsabilités. C’est un devoir pour elle d’être aux côtés de la population du Sahel dans cette lutte, dans ce combat contre le terrorisme. C’est pour cela qu’à plusieurs reprises, nous avons demandé à ce que la force conjointe du G5 Sahel qu’on a mise en place soit mise sous le chapitre VII de la Charte des Nations unies. On nous l’a refusé, on ne l’a pas obtenu jusqu’ici. Et c’est pour cela également que nous avons demandé à ce que la Minusma, qui est la mission des Nations unies de stabilisation du Mali, soit placée sous un mandat plus fort, plus robuste que le mandat de maintien de la paix. Là, également, nous ne l’obtenons pas. Voilà des indications qui montrent que la communauté internationale n’est pas suffisamment solidaire des populations du Sahel.

RFI : Vous évoquez très souvent la question libyenne. Mais depuis 2012, quand même, les choses ont beaucoup changé. Et aujourd’hui, on sait que la plupart des armes dont disposent les groupes armés terroristes dans le Sahel ne viennent pas de Libye, qui a ses propres problèmes en ce moment, mais viennent des prises de guerre, souvent dans les attaques comme Inates, récemment. Il y a eu Boulkessi au Mali, Nassoumbou au Burkina. Vous demandez plus d’équipements, plus d’armements. Mais aujourd’hui, est-ce-que vous pouvez garantir à vos partenaires européens que vous pourrez protéger cet arsenal qui ne va pas finir dans quelques semaines, dans quelques mois, dans les mains de l’ennemi ?

Je pense que la Libye continue à être la principale source d’approvisionnement en armes des terroristes. C’est vrai, ce que vous dîtes. Nos armées, cela leur arrive de connaître des revers et ces revers ont pour conséquence l’armement des terroristes sur nous, sur nos armées. Mais ce n’est pas la principale source qui permet aux terroristes de s’équiper. La principale source, je continue à croire que c’est toujours la Libye. Parce qu’en Libye, comme vous savez, il n’y a pas d’Éta...   

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