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Diplomatie sous Hassan II : « Monsieur Hassan » et les relations franco-marocaines

A l’occasion du vingtième anniversaire de la disparition d’Hassan II du Maroc, retour sur les quarante années de relations, « passionnelles  » puis «  apaisées » entre le souverain disparu et la France.

Au terme d’un long règne de 38 ans considéré comme fondateur du Maroc moderne, le roi Hassan II s’est éteint, le 23 juillet 1999, il y a vingt ans jour pour jour. Ses funérailles qui ont eu lieu le surlendemain ont suscité, rapportent les journaux de l’époque, une grande ferveur populaire et ont réuni à Rabat de hautes personnalités du monde politique international, venues rendre un dernier hommage à l’un des leurs. Le gotha mondial avait fait le déplacement : du président américain Bill Clinton au Premier ministre israélien Ehoud Barak, en passant par le secrétaire général de l’ONU Kofi Annan, le roi d’Espagne Juan Carlos et une vingtaine de chefs d’État du continent africain. La France était représentée par son président Jacques Chirac, qui avait abrégé sa visite en Afrique pour assister aux obsèques du roi. Dans son hommage sans réserves, il qualifia le défunt d’ « immense souverain  », estimant que les Français « avaient perdu un homme qui aimait notre pays et qui aimait les Français ».

« Majesté, je dois beaucoup à votre père, et si vous le souhaitez, tout ce qu’il m’a donné, je m’efforcerai de vous le rendre », le président Chirac aurait-il glissé pendant la cérémonie à l’oreille du futur Mohammed VI, l’héritier du trône chérifien, raconte le journaliste au Monde, Jean-Pierre Tuquoi, qui a consacré plusieurs livres à l’évolution de la dynastie alaouite à l’époque moderne et aux relations franco-marocaines (1). Les propos émus de Jacques Chirac, tout comme l’interruption de son périple d’État en Afrique noire pour être présent à Rabat, en disent long sur la nature étroite des relations que la France entretient avec le royaume chérifien.

Francophilie et ses limites

« Ce sont des relations peu ordinaires et profondément imbriquées et dont Hassan II fut le principal architecte », explique Pierre Vermeren, professeur de l’histoire contemporaine à l’université Paris I et spécialiste du Maroc (2). Selon les observateurs de la diplomatie marocaine, cette proximité est à mettre d’abord sur le compte de la francophilie du monarque disparu, formé depuis sa plus petite enfance par des précepteurs français qui lui avaient inculqué son goût pour la culture et la langue françaises. Né en 1929, le jeune prince reçut une double éducation, apprenant, parallèlement au français, l’arabe et le Coran, mais c’est à l’université de Bordeaux qu’il ira terminer ses études, sortant docteur en droit. « Il maîtrisait parfaitement le français et partageait son temps entre Rabat et Paris. Ses études en France et les mois passés comme élève-officier sur la Jeanne lui avaient permis de connaître les arcanes du sérail politico-militaire français. Mais dans son pays, les adversaires du trône lui reprochaient son côté flambeur et son goût immodéré de voitures de sport, de la vie facile et luxueuse acquise, disait-on, lors de ses trop longs séjours en France », se souvient Pierre Vermeren.

Le Maroc était à l’époque un protectorat français. Le pouvoir réel était à Paris et dans les palais de ses représentants, mais le sultanat avait été maintenu comme symbole, pour servir de lien entre le colonisateur et la population. Les Marocains se reconnaissent dans la dynastie des Alaouites, qui règne sur le pays depuis 1666. Grandissant aux côtés de son père, le sultan Mohammed V, le jeune Moulay Hassan a assisté de près aux humiliations que faisaient subir à ce dernier les résidents généraux à l’esprit étroitement colonialiste nommés par Paris. La famille royale était acquise aux idées de l’indépendance qui se diffusèrent dans le pays après le conflit mondial de 1939-45 qui avait vu les Marocains prendre part en masse aux efforts de guerre pour la libération de la France. Or l’indépendance promise ne venait pas. Devenu juriste, le prince Hassan conseillait son père. C’est lui qui rédigea pour son père le discours du Trône de 1952, considéré comme la charte du nationalisme marocain. C’est l’épreuve de force.

Le prince héritier Moulay El-Hassan et son père Mohammed V, en 1950. © Wikimedia Commons

Comme on pouvait s’y attendre, l’affrontement tourna à la défaveur du Palais, obligeant le roi à abdiquer en 1953 et à partir en exil en Corse avec toute sa famille, puis à Madagascar. Mais au bout de deux ans, il est rappelé à Rabat par Paris, car la donne politique dans la région avait changé, avec l’arrivée au pouvoir de Bourguiba en Tunisie hostile à la France et l’éclatement de la guerre d’Algérie. De peur de voir toute l’Afrique du Nord s’embraser, le gouvernement français s’empressa de rétablir le sultan dans ses droits royaux et accéléra le processus d’émancipation du royaume. Le Maroc accéda à l’indépendance le 3 mars 1956.

Cinq ans après, lorsque Mohammed V meurt en 1961, Hassan II monte à son tour sur le trône chérifien, mais le pays est profondément fragilisé par les révoltes tribales qui avaient éclaté à la fin des années 1950 et que l’État marocain fraîchement indépendant avait réprimées dans le sang avec l’aide militaire française. L’armée française avait également joué un rôle dans la mise en place, sous l’égide du futur Hassan II, des Forces armées royales, formant l’état-major et fournissant aide et matériel à cette armée balbutiante, qui allait rapidement s’imposer comme l’une des plus fortes armées d’Afrique. Or, militairement, mais aussi économiquement le royaume était dépendant de l’ancienne puissance coloniale.

C’est dans ce contexte qu’eut lieu la première visite officielle à Paris, en juin 1963, d’Hassan II en sa qualité de roi. Soucieux de voir son pays reconquérir sa pleine souveraineté dans la coopération avec l’ancienne métropole, le jeune monarque avait préparé sa visite en participant à «  Cinq colonnes à la Une », l’émission phare de la télévision française. Malgré « l’atmosphère un peu passionnelle » qui a pu parfois vicier les relations franco-marocaines, il avait plaidé pour un reformatage de ces relations, en appelant à les fonder sur la loyauté et des valeurs partagées. « Un cadre pour coopérer, car on s’enthousiasme pour les mêmes choses, et on œuvre pour les mêmes choses », avait proclamé le souverain.

Sensible à l’intelligence et l’ampleur de cette vision, le général de Gaulle reçut en grande pompe cet « ami de la France ». « Ici, vous êtes, Sire, par excellence, le bienvenu », déclara le locataire de l’Élysée, avec sans doute l’espoir de pouvoir s’appuyer sur ce jeune roi pour renouer avec le monde arabe où les Français avaient perdu leur aura suite à la <...   

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