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Cameroun anglophone: un conflit oublié, une grave crise humanitaire

Le violent conflit qui oppose les autorités camerounaises aux séparatistes anglophones ne cesse de prendre de l’ampleur. Après vingt mois de crise, le bilan est lourd : 1 850 morts, 530 000 déplacés internes et des dizaines de milliers de réfugiés, dont 35 000 au Nigeria (source Crisis Group). Suite à la visite début mai de la Haute-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme Michelle Bachelet et à la multiplication de nombreux rapports, le Conseil de sécurité de l’ONU a annoncé la tenue d’une prochaine réunion le 13 mai prochain sur la situation humanitaire au Cameroun, malgré les réticences de l’Union africaine qui considère qu’il s’agit d'une affaire interne. D’après les Nations unies, quatre millions de personnes sont affectées par le conflit et 1,5 million de personnes sont déjà dans une situation d’insécurité alimentaire.

Le bilinguisme camerounais est une particularité nationale qui trouve son origine dans l’histoire coloniale. De 1884 à 1916, le « Kamerun » est un protectorat allemand où la langue officielle est donc l’allemand. En 1916, l’Allemagne capitule au « Kamerun » et rétrocède son territoire aux vainqueurs de la guerre que sont la France et la Grande-Bretagne. Avec le traité de Versailles de 1919, ce territoire sous mandat de la Société des Nations (SDN) est divisé en deux: une partie dite «  Cameroun oriental » est administrée par la France et parle français, l’autre partie dite « Cameroun occidental » est administrée par la Grande-Bretagne et parle anglais. Le Cameroun francophone prend son indépendance en 1960 et le Cameroun anglophone en 1961. Les deux Cameroun décident d’unifier leur territoire en une même entité et créent, le 1er octobre 1961, la République fédérale du Cameroun qui deviendra, le 20 mai 1972, la République unie du Cameroun, avec une Constitution qui déclare que les deux langues officielles sont le français et l’anglais.

Ce bilinguisme est gravé dans le marbre de la Constitution, dont la promotion et la pratique sont régulièrement réaffirmées ou élargies par des décrets et des ordonnances comme en 1972 (pour ce qui est du journal officiel), en 1991 (pour son usage dans l’ensemble de l’administration publique), en 1998 (dans l’éducation nationale) ou en 2017 avec la Commission nationale pour la promotion du bilinguisme et du multiculturalisme (CNPBM). Organisme dont l'article 3 spécifie: « Sous l'autorité du président de la République, la Commission est chargée d'œuvrer à la promotion du bilinguisme, du multiculturalisme au Cameroun, dans l'optique de maintenir la paix, de consolider l'unité nationale du pays et de renforcer la volonté et la pratique quotidienne du vivre ensemble de ses populations. »

La ville de Buea, théâtre de violences, le 5 octobre 2018. © FLORIAN PLAUCHEUR / AFP

De la crise au conflit armé

Malgré l’affichage officiel du bilinguisme, l’usage du français se généralise sur l’ensemble du territoire à l’exception des deux régions anglophones d’origine, au nord-ouest et au sud-ouest du pays. Les textes législatifs ou réglementaires sont de plus en plus souvent publiés en français sans traduction en anglais, à Douala, dans la capitale économique, où l'on s’exprime à 99% en français et où l’ensemble des jeunes n’ont plus que le français comme langue maternelle. Une évolution qui crée de vives frustrations et un sentiment de révolte dans les deux régions anglophones du pays vis-à-vis du pouvoir central.

En octobre 2016, des avocats anglophones descendent dans les rues de Bamenda pour réclamer la traduction des lois et des textes juridiques en anglais. Dans la foulée, des enseignants engagent une grève pour dénoncer la francisation du système éducatif anglophone. La situation s’envenime. En janvier 2017 (jusqu’en avril 2017), l’internet est coupé sur la zone anglophone. En févrie...   

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