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Raconter l’indicible: le génocide rwandais au prisme de la fiction

Dès 1998, les romanciers africains se sont emparés de la thématique de l’extermination des Tutsis du Rwanda. Sur le mode fictionnel, ils ont imaginé l’indicible, l’innommable comme un « devoir de mémoire » de la littérature. Un devoir qui incombe aujourd’hui aux romanciers rwandais émergents, de plus en plus nombreux à prendre le relais et souvent avec talent.

Yoan Smadja, Français résidant à Tel Aviv, est l’auteur de l’un des nombreux livres sur le Rwanda qui paraissent cette année, à l’occasion du vingt-cinquième anniversaire du génocide de 1994 que Kigali commémore ce 7 avril, date du début des massacres qui ont duré trois mois et ont fait plus de 800 000 morts, selon l'ONU

Sorti le 2 avril aux éditions Belfond, le livre du jeune Franco-Israélien d’une trentaine d’années, J’ai cru qu’ils enlevaient toute trace de toi, est un roman. À partir de témoignages de rescapés, l’ouvrage raconte avec imagination et originalité l’ampleur de la tragédie, « la brutalité avec laquelle tout cela s’est embrasé  », les drames individuels, le printemps qui s’est transformé en une « saison des machettes ».

L’auteur de ce beau roman a longtemps été l’animateur d’un mouvement de jeunesse juif. Dans un entretien qu’il a donné à l’AFP il y a quelques jours, a expliqué que son intérêt pour le pays des Mille Collines est né d’une question que lui avait posée un jour un jeune garçon de 8 ou 9 ans : « Est-ce qu’il y a eu d’autres Shoah que la Shoah ? »

Sans doute pour pouvoir y apporter une réponse satisfaisante, le jeune Smadja est parti en 2006 au Rwanda avec une trentaine de jeunes Français dont une dizaine de rescapés du génocide ayant trouvé réfuge en France. « Le projet visait à travailler sur les thématiques de la mémoire et de la reconstruction avec l’objectif de dresser des parallèles entre les différents génocides du XXe siècle », raconte-t-il. C’est ce séjour qui aurait déclenché chez lui l’envie de raconter cette autre « Shoah ».

Un nouvel Holocauste

« Moi qui étais surtout un lecteur de romans, je m’étais fait la réflexion à l’époque – ça a changé entre temps – que le génocide des Tutsis était un événement qui n’avait pas été traité par le prisme du roman », poursuit Yoan Smadja. Sur ce point précis, le jeune auteur se trompe, car contrairement à ce qu’il avance, la fiction s’est très tôt emparée de la tragédie rwandaise.

Dès 2000 sont parus les premiers romans africains – une dizaine (voir le détail plus bas, NDLR) – inspirés de la thématique de la tragédie rwandaise, dans le cadre d’un projet collectif panafricain dédié à la mémoire de ce nouvel holocauste. « Ce projet, initié par des Africains, constitue une première dans l’histoire de la littérature du continent », explique le critique littéraire Boniface Mongo-Mboussa. Et d’ajouter : « On peut être fier du résultat car plusieurs des ouvrages produits dans le cadre de cette démarche se sont imposés comme des textes majeurs du corpus littéraire africain. Leurs auteurs ont été les premiers à tenter de faire comprendre ce qui s’est passé au Rwanda, de faire en sorte que cette mémoire tragique devienne une mémoire commune… une mémoire en partage. »

Pour autant, ni la rédaction des ces premiers ouvrages de fiction sur le drame rwandais par des écrivains africains non Rwandais ni la mobilisation de ces derniers n’allaient de soi. Cette aventure mérite d’être racontée.

Écrire par devoir de mémoire

Le mérite de la mobilisation des écrivains africains autour du génocide rwandais, revient au Tchadien Nocky Djedanoum, écrivain lui-même et fondateur dans les années 1990 de Fest’Africa, un festival de lettres d’Afrique en France. Soucieux d’arracher les intellectuels africains à la stupeur et l’abattement dans lesquels le génocide des Tutsis les avait plongés, le Tchadien a invité en 1998 dix écrivains à Kigali, dans le cadre d’un projet de résidence d’écriture de deux mois, baptisé « Rwanda : écrire par devoir de mémoire ».

L’objectif de ce projet était double : confronter d’une part les invités aux traces de ce nouveau « crime contre l’humanité » et témoigner de « la solidarité morale » du monde l...   

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