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Comment Tshisekedi est devenu président du Congo (3/3): le pari de Félix

La République démocratique du Congo connaît la première transition pacifique de son histoire à la tête de l’Etat. Malgré les accusations de fraudes électorales, le nouveau chef de l’Etat congolais, Félix Tshisekedi, a été reconnu par l’ensemble de la communauté internationale et fait depuis des annonces très remarquées. Le Congo vit une situation inédite avec la création d’une bien étrange coalition entre le parti de l’opposant historique Etienne Tshisekedi et le régime de son rival, le sortant Joseph Kabila. Retour sur ce revirement de l’histoire.

« La différence avec le fils, c’est que quand l’opportunité de prendre une part de l’Imperium se présente, il la saisit », assure un proche du nouveau président de la République démocratique du Congo (RDC). A plus d’un titre, le 24 janvier 2019, date de la cérémonie d’investiture de Félix Tshisekedi est apparu comme historique aux yeux de Congolais. Le fils de l’opposant historique Etienne Tshisekedi prête serment au Palais de la nation et la foule est au rendez-vous. L’ancien et le nouveau présidents se donnent l’accolade, militants de l’UDPS et policiers célèbrent ensemble la première transition pacifique du pouvoir, la première « transition civilisée » titre même la radio et télévision nationale congolaise (RTNC). Loin des tribunes officielles truffées de dignitaires de l’ancien régime, des Kinois entonnent un chant qui en dit long sur les attentes : « Félix, n’oublie pas ce que Papa t’a dit, c’est le peuple d’abord ».

Félix Tshisekedi promet la libération des prisonniers politiques. Engoncé dans un gilet pare-balles qui déborde de sa chemise, le nouveau président congolais frôle le malaise. La RTNC suspend même la retransmission quelques minutes. Un seul chef d’Etat a fait le déplacement : le Kényan Uhuru Kenyatta. A la veille de la cérémonie d’investiture, un haut responsable de la coalition pro-Kabila, le Front commun pour le Congo (FCC), prend soin de montrer à des journalistes plusieurs pages d’un accord de partage du pouvoir signé avec la coalition du nouveau chef de l’Etat, Cap pour le changement (Cach).

« Pour que l’alternance se passe pacifiquement »

Cet « accord de coalition politique » définit les grandes lignes d’un partage du pouvoir entre le nouveau et l’ancien chef d’Etat. Celui qui a la présidence n’a pas la primature. Les rôles s’inversent aux élections suivantes, le président sortant devra soutenir le candidat de la coalition de son Premier ministre. Ce texte prévoit que les ministères régaliens, Affaires étrangères, Défense, Intérieur doivent « comme cela est de doctrine certaine, revenir à la famille politique du président élu ». Répondant à une question d’un journaliste lors d’un voyage officiel à Windhoek, en Namibie, quelques semaines plus tard, le nouveau chef de l’Etat congolais a reconnu l’existence de cet accord de coalition « pour que l’alternance se passe pacifiquement ».

Deux ans plus tôt, toute la stratégie de l’UDPS et même de l’opposition semblait reposer sur l’aura du patriarche Etienne Tshisekedi. Jusqu’à sa mort, rien ne semblait prédestiner son fils Félix à lui succéder, encore moins à prendre la présidence de la République. « Tshisekedi père ne voulait pas d’une succession familiale, mais il a été mis sous pression de la famille, de ses partenaires politiques. » L’UDPS présente la désignation du fils Félix Tshisekedi en tant que Premier ministrable de Joseph Kabila comme le dernier acte politique de l’éternel opposant.

Etienne Tshisekedi s’éteint le 1er février 2017 à Bruxelles où il avait été évacué quelques jours plus tôt. Jusqu’à aujourd’hui, son conseiller Valentin Mubake, à qui l’opposant historique avait longtemps et publiquement promis la primature, ne cesse de dénoncer une « manipulation » qui remonte aux premières négociations entre l’UDPS et la coalition pro-Kabila : « Tshisekedi n’a jamais voulu d’un accord de partage du pouvoir avec Kabila, sa famille a profité de sa maladie et a négocié à son insu contre des contreparties financières. » Le résultat, selon Valentin Mubake, « c’est ce que l’on voit aujourd’hui ».

Un « complot » contre ou de l’UDPS ?

Après la mort de son père, Félix Tshisekedi n’est pourtant pas nommé Premier ministre par Joseph Kabila. Le « raïs » lui préfère un nouveau transfuge de l’UDPS, Bruno Tshibala, un ancien secrétaire général adjoint tout juste sorti de prison. Le parti ne suit pas non plus l’ancien conseiller et se range derrière le fils de l’opposant historique. Malgré tout, après Etienne, l’opposition congolaise continue de se chercher un leader. A la course à la candidature unique, Félix Tshisekedi ne fait pas non plus figure de favori. Il a des sérieux concurrents comme l’ancien gouverneur et richissime homme d’affaires Moïse Katumbi ou l’ancien vice-président Jean-Pierre Bemba, relaxé in extremis après dix années passées dans une prison à La Haye. Finalement, les deux hommes sont écartés de la course à la présidentielle et Félix Tshisekedi n’a pas l’investiture de l’opposition.

Contre toute attente, le très bref candidat unique de l’opposition congolaise se nomme Martin Fayulu, ancien directeur d’Exxon-Mobil qui, depuis 2015 et le début de la contestation anti-troisième mandat, est de toutes les manifestations. Cette annonce surprend jusque l’entourage de Joseph Kabila. « Mais pourquoi ce n’est pas Félix Tshisekedi ? Martin Fayulu, c’est personne », réagit à chaud un proche du président sortant. Son directeur de cabinet du président, Néhémie Wilondja Mwilanya, dénonce quelques heures plus tard une « énième trahison » de l’opposition au service d’une « cause étrangère ». Aux yeux de la...   

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