LE JOURNAL.AFRICA
ART

Le retour de la philosophie africaine Ubuntu [1/4]: Marie-Ann Yemsi

« Ubuntu est une notion qui traverse tout le continent », affirme Marie-Ann Yemsi, la commissaire de l'exposition « Ubuntu, un rêve lucide » au Palais de Tokyo, à Paris. A travers les œuvres d'une vingtaine d'artistes, elle essaie d'explorer cette philosophie africaine ancestrale issue des langues bantoues et popularisée par Nelson Mandela, mais aussi par Aimé Césaire ou Fela Kuti, et qu'on pourrait traduire « faire humanité ensemble ».
RFI : « Ubuntu » semble être un mot difficile, voire impossible à traduire correctement. Quelle signification donnez-vous à ce terme dans l’exposition ? Marie-Ann Yemsi : En fait, « Ubuntu » n’est pas difficile à traduire. Il recouvre simplement des notions en un seul mot que nous devons expliquer en plusieurs termes. Le mot « Ubuntu » vient des langues bantoues du sud de l’Afrique et signifie faire humanité avec les autres. En français, nous traduisons ce terme par « je suis parce que nous sommes ». Mais cette notion d’Ubuntu est une notion qui traverse tout le continent et qu’on retrouve dans bien d’autres langues. Elle a été popularisée largement dans sa dimension politique par Nelson Mandela et Desmond Tutu au moment où ils voulaient favoriser la réconciliation nationale. Ils ont inscrit d’ailleurs ce terme « Ubuntu » dans la nouvelle Constitution sud-africaine de 1994. Pour vous, la philosophie Ubuntu est l’exigence d’« une humanité dans la réciprocité ». Cela ne me semble pas si éloigné de la pensée chrétienne issue de la Bible : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ». En quoi consiste la singularité d’Ubuntu ? Bien sûr, il y a des liens, je ne sais pas par rapport à la pensée chrétienne, mais par rapport à toutes les pensées. De toute façon, les pensées ne restent pas circonscrites dans un territoire. La pensée Ubuntu ne se limite évidemment pas à un continent. C’est une pensée qui s’est mêlée aux autres pensées du monde. Mais la pensée Ubuntu a ceci de particulier qu’elle implique une responsabilité de l’individu en lien avec sa communauté. Il y a une interdépendance qui ne recouvre pas simplement l’humain, elle est aussi l’idée de protection de toutes les formes du vivant. Il y a une dimension écologique et aussi une dimension spirituelle, puisqu’elle se connecte au passé à travers les ancêtres. La mémoire vivante des ancêtres se transmet aussi à travers l’Ubuntu. Elle a cette exigence de responsabilité envers l’Autre, mais aussi envers l’ensemble de la communauté. Chacun est responsable et doit agir. Cette pensée se distingue peut-être des pensées philosophiques occidentales par le fait qu’elle est aussi un savoir-vivre. Ce n’est pas une idéalité abstraite, elle est une pensée à vivre et à appliquer.
Vue sur l'œuvre de Meleko Mokgosi : « The social revolution of our time cannot take its poetry from the past but only from the poetry of the future (Addendum) » dans l’exposition « Ubuntu, un rêve lucide ».
Vue sur l'œuvre de Meleko Mokgosi : « The social revolution of our time cannot take its poetry from the past but only from the poetry of the future (Addendum) » dans l’exposition « Ubuntu, un rêve lucide ». © Siegfried Forster / RFI
De quelle manière l’Ubuntu a joué un rôle important dans les mouvements de libératio...   

Continuer la lecture de cet article sur RFI AFRIQUE

Articles similaires

Le photographe malgache Pierrot Men s’expose à Paris

RFI AFRIQUE

La Côte d’Ivoire prévoit des obsèques «exceptionnelles» pour DJ Arafat

RFI AFRIQUE

DJ Arafat: sa personnalité et sa musique vues des réseaux sociaux

BBC AFRIQUE
Verified by MonsterInsights