Au Sénégal, le nombre d’enfants par femme en 2019 était inférieur à cinq, selon le dernier rapport de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie – soit une baisse de 1,7 point en 33 ans. Mais qu’en pensent les femmes de cette génération, qui ont beaucoup moins d’enfants que leurs aînées ?
Avec notre correspondante à Dakar, Théa Ollivier.
Quelques enfants attendent leurs parents à l’ombre des arbres à la sortie des classes. Aminata Ba repart en tenant la main de son fils et de sa fille. Ses deux seuls enfants sont nés alors qu’elle avait plus de 40 ans, au désespoir de sa mère, qui en a eu onze : « Elle me fatiguait en disant : arrête tes études, va te marier, se souvient Aminata. C’était pour les enfants en fait. Donc, c’est la rebelle quoi. »
Au Sénégal, le taux de fécondité est passé de 6,4 enfants par femme en 1986 à 4,7 en 2019. Samba Ndiaye, directeur des statistiques démographiques et sociales de l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), détaille les différents facteurs qui expliquent cette baisse progressive.
« Le taux d’utilisation des méthodes contraceptives augmente ces dernières décennies, remarque le chercheur. Les anciennes générations pouvaient ne pas les utiliser faute d’accès ou bien pouvaient avoir des réticences, ou bien même faute de connaissances. Aujourd’hui, les générations que nous avons, ce sont des générations qui ont accès à l’information sur l’existence des méthodes, les avantages et les inconvénients pour pouvoir faire un choix. Et si je prends par exemple l’éducation : plus les filles vont rester à l’école, plus on aura tendance à une baisse de l’indice de fécondité. Les taux de scolarisation de manière générale ont augmenté, mais aussi partiellement les taux de scolarisation des filles. D’une génération à l’autre, l’âge d’entrée en maternité augmente. En plus de ça aussi, quand la femme a des activités économiques, très souvent aussi ça peut avoir un effet sur ses choix pour la reproduction. »
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Aminata Ba s’est ainsi mariée à 39 ans, le temps de terminer son master 2 en marketing et management après avoir fait des études en hôtellerie : « Donc, je n’ai pas eu le temps de me marier. Quand tu fais des études, tu fais un choix : les études, la carrière ou le mariage. Si tu veux être indépendante, tu prends les études d’abord. Tu as le boulot, maintenant il faut aller chercher le mari. »
Ses frères et sœurs, qui n’ont pas forcément fait autant d’études qu’elle, ont aussi beaucoup moins d’enfants que leurs parents : « Vu la conjoncture, le monde comment ça roule, avoir autant d’enfants que nos parents ou même à peu près la moitié, même là c’est difficile, parce que pour la scolarité, ça coûte cher, la vie ça coûte cher. Rien que pour mes deux enfants là, je suis à 160 000 francs CFA [243 euros] le mois pour l’école, sans compter les goûters, les fournitures. Ce n’est pas évident. »
Aminata Ba se félicite que l’espacement des naissances soit davantage respecté dans sa génération.