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RDC-Ituri : CODECO défie l’Ouganda et appelle à la table des négociations

La CODECO déplore l’inaction du gouvernement congolais face à leurs revendications. Ce groupe rebelle actif en Ituri à l’Est de la République démocratique du Congo, insiste sur la nécessité d’un dialogue local pour résoudre le conflit, soulignant que la solution doit venir des habitants d’Ituri eux-mêmes. Cependant, cette milice refuse un désarmement tant que la menace persiste et se dit prête à combattre toute force, y compris l’armée ougandaise, si elle intervient.

Le mouvement rebelle local « CODECO » se dit prêt à dialoguer pour mettre fin au conflit qui dure depuis des décennies dans la province d’Ituri. Lors d’une interview exclusive, le porte-parole de cette milice, Gerson Basa, a répondu aux questions de Le Journal.Africa.

Lisez l’intégralité de l’entrevue :

Le Journal Africa : M. Basa pensez-vous que vos revendications sont prises en compte par le gouvernement et la communauté internationale ?

 Gerson Basa : Nous avons remis à plusieurs reprises notre cahier des charges avec nos revendications au gouvernement congolais, mais jusqu’à présent, aucune action concrète n’a été entreprise. Malgré cela, nous conservons une certaine confiance en notre gouvernement.

Le Journal Africa: On vous accuse d’avoir mené des attaques contre des camps de déplacés où se trouvent des femmes et des enfants qui ne combattent pas. Que répondez-vous à ces accusations ?

Gerson Basa: Les camps de réfugiés sont censés être des lieux sans armes, c’est ce qu’on nous a toujours dit. Pourtant, les bandits de Zaïre s’y cachent. Ils en sortent pour tuer, piller et commettre des atrocités, avant d’y retourner se réfugier. C’est une situation très problématique : ils assassinent des gens – une personne perd son enfant, une autre sa mère – puis se retranchent dans ces camps. Cela pousse certains à vouloir traquer les miliciens Zaïre. Tout cela s’inscrit dans un conflit ancien entre les ethnies Lendu et Hema. Ce qui se passe aujourd’hui est la conséquence de cette querelle. Eux viennent nous tuer, et nous allons nous venger chez eux.

Le Journal Africa: Comment réagissez-vous aux accusations de violations des droits humains, notamment le récent massacre de plus de 100 personnes dans le camp de déplacés de Djaiba ?

Gerson Basa: Nous demandons d’abord aux miliciens Zaïre et aux autres groupes armés de ne pas cibler les civils de notre communauté, car ces attaques entraînent des massacres et rendent les représailles incontrôlables. Quand des civils sont tués, les familles elles-mêmes se mobilisent pour aller au front.

 Le Journal Africa: Comment justifiez-vous les affrontements entre votre mouvement et d’autres groupes armés en Ituri ? S’agit-il aussi de représailles ou y a-t-il un conflit plus profond ?

Gerson Basa: Tous ces groupes armés sont issus de leurs communautés respectives, qui sont en conflit depuis longtemps, comme les Lendu et les Hema. Ce différend historique n’a jamais été résolu pacifiquement par le gouvernement congolais. C’est dans ce contexte que les groupes armés de ces communautés s’affrontent. Malheureusement, certains, comme le groupe Zaïre, vont plus loin en s’alliant au M23.

Le Journal Africa: Quels reproches faites-vous concrètement au groupe armé Zaïre, contre lequel vous vous battez souvent ?

Gerson Basa: Comme je l’ai dit, ils doivent cesser de nous provoquer pour que les violences s’arrêtent. Il existe un vieux conflit interethnique entre les communautés Hema et Lendu, et notre gouvernement n’a jamais pris le temps de réunir ces deux communautés autour d’une table pour trouver une solution pacifique.

 Le Journal Africa: Pensez-vous que les forces armées de la RDC peuvent résoudre le conflit dans la province d’Ituri ?

 Gerson Basa: Non, elles n’y parviendront pas. La solution doit venir d’ici, de l’Ituri. Seuls les habitants d’Ituri peuvent s’asseoir ensemble, discuter et trouver une issue. Une intervention extérieure ne ferait qu’aggraver les tensions. Tout le monde sait qu’en Ituri, il n’y a pas que le groupe CODECO. Par exemple, dans le territoire de Djugu, il y a aussi le groupe Zaïre. On entend souvent des annonces des forces armées, mais elles ne s’attaquent jamais à Zaïre. Elles ne parlent que de CODECO.

 Le Journal Africa: Si le gouvernement ou des armées étrangères décident de vous attaquer, que ferez-vous ?

Gerson Basa: Si le gouvernement ou des forces étrangères nous attaquent, nous combattrons, car nous n’avons nulle part où aller.

Le Journal Africa: Nous avons entendu que le chef des armées ougandaises a déployé des troupes pour vous attaquer. Quelle est votre réaction ?

Gerson Basa: S’il vient combattre CODECO, nous n’avons aucune crainte. Nous sommes prêts à l’affronter. S’il rencontre des difficultés ici, qu’il ne se plaigne pas : ce n’est pas nous qui l’avons invité. Nous n’avons pas envahi l’Ouganda pour semer le trouble. Si ses soldats perdent la vie au Congo, ce sera sa responsabilité. La guerre n’est pas une solution idéale, elle a des conséquences graves. S’ils choisissent de venir se battre, nous n’avons pas le pouvoir de les renvoyer sans combattre. Pourtant, s’ils voulaient vraiment la paix, ils laisseraient les gens discuter avant d’en arriver là. Mais puisqu’ils ont décidé de nous attaquer, nous sommes prêts. Leur message ne nous effraie pas.

Le Journal Africa: À Djugu, il y a beaucoup de minerais, et des rapports suggèrent que vous collaborez avec des sociétés minières qui vous financent pour acheter des armes. Que répondez-vous ?

Gerson Basa: Les armes que nous avons sont celles que nous récupérons lors des combats. Sans affrontements, nous n’obtenons pas d’armes. Personne ne nous en fournit, et il n’existe aucun marché d’armes à Bunia ou à Djugu. Quant aux minerais, ils se trouvent dans nos villages, et nous avons le droit de les exploiter.

Le Journal Africa: Dans quelles conditions accepteriez-vous un cessez-le-feu ?

Gerson Basa : C’est d’abord au gouvernement de prendre ses responsabilités. Depuis 2019, nous avons signé plusieurs actes d’engagement unilatéraux, mais rien n’a suivi de leur part. Si le gouvernement nous appelle pour un nouvel accord, nous sommes prêts à l’accepter. Nous voulons la paix et nous devons nous réunir autour d’une table pour pacifier l’Ituri. Mais un désarmement immédiat ? Non. Nous désarmer maintenant, alors que notre pays est menacé, reviendrait à livrer l’Ituri à des ennemis déjà présents avec leurs supplétifs.

Le Journal Africa: Avez-vous des contacts avec le gouvernement congolais pour négocier une démobilisation ? Si oui, dans quelles conditions ?

Gerson Basa: Nous sommes toujours prêts à dialoguer avec le gouvernement congolais, à tout moment.

Le Journal Africa: Les accords signés par le passé avec le gouvernement vous ont-ils aidés à progresser vers une résolution pacifique du conflit ?

Gerson Basa: J’espère que nous pourrions avancer dans cette voie, mais les miliciens Zaïre continuent de nous provoquer sous les yeux de tous, ce qui maintient une situation fragile.

Le Journal Africa: Pensez-vous qu’une résolution pacifique du conflit en Ituri est possible ?

Gerson Basa: Oui, à condition que toutes les parties prenantes s’assoient autour d’une table pour discuter. Ainsi, le conflit pourrait être résolu rapidement.

Le Journal Africa: Quel est votre dernier message ?

Gerson Basa: Mon message est un appel à la paix. Je crois qu’un jour, la paix régnera dans la province de l’Ituri.

Benjamin Sivanzire

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