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Intégration : « Pas de parties intimes pour les puants, ils n’ont que des points et des virgules »

Un message d’une « puante » (bizuth de l’Université du Burundi, ndlr) désespérée me rappelle le calvaire vécu il y a huit ans lors de la phase d’« intégration ». Jusqu’à cette heure, je me demande toujours la raison d’être du bizutage. 

« Je sais que ça ne changera pas grand-chose mais s’il vous plaît, plaidez pour nous. S’ils ne peuvent pas supprimer le bizutage, qu’ils le fassent dignement. Les parties intimes restent à nous et à nous seules, ils n’ont aucun droit de nous toucher comme ils veulent ». Je lis ce message avec consternation. Avant même de lui répondre, deux autres textos tombent simultanément : « Aujourd’hui, j’ai regretté de m’avoir inscrite dans cette université. Mais avais-je le choix ? Maman, cette veuve qui se bat seule pour éduquer ses quatre enfants, n’aura pas sûrement les 500 000 par an, la somme requise pour me payer l’université privée ». 

Ces textos de bizuths me rappellent mon calvaire dans le temps. 

Être « puante », c’est être prête à tout ?

Jour J. Première incursion à l’université du Burundi. Petite fille, qui de nature ne tolère pas les injustices, je suis pourtant avertie par les aînées : « Ça a un peu évolué mais… Essaie seulement d’obtempérer aux ordres, et ça ne sera pas grave », me souffle la grande sœur qui est en 2è en me montrant le chemin menant à ma nouvelle faculté avant de s’éclipser, histoire de ne pas m’attirer des ennuis de ses amis et ennemis qui risquent « kugikorerako » (d’en faire un exemple, ndlr) disant « arafise abiwabo bamuherekeza » (puisque qu’elle a des anges-gardiens). 

La théorie derrière est toute simple : tous les « puants » doivent être égaux. Ils doivent se perdre et demander le chemin aux « honorables  poillissimes ». 

Malheur au « tenenge obosso »

Durant les trois premiers mois, j’étais devenue une fervente chrétienne. Oublions la tête rasée, les interminables séances de moralisation, les mains baladeuses pour parler de ma plus grande crainte : je priais à ce qu’ils ne me demandent pas d’être « tenenge ». C’est vrai que ma taille ne me prédisposait pas à l’être mais « ces poillissimes ntibamenyerwa » (les poillissimes sont imprévisibles, ndlr), comme ils nous le répétaient souvent. 

La fameuse tenenge obosso, (une fille de courte taille avec un imposant derrière), tout comme son partenaire « giti » (un garçon élancé et très mince), devaient servir lors du salut du drapeau « gucontrola umusumari » (littéralement, contrôler le clou). Je vous explique en quoi cet acte était le plus dégradant : devant une centaine d’yeux, la jeune femme caressait l’entrejambe de l’homme pour voir si ce dernier allait avoir une érection.

Dans ces circonstances, si tu es élue pour jouer le rôle de tenenge et que tu n’es pas « cool », les chances de continuer l’université sont minimes car tenir l’humiliation et les attouchements de tenenge pour une fille éduquée à la burundaise demande un courage surhumain. 

Déshumanisation 

« Pas de parties intimes pour les puants. Ils n’ont que des points et des virgules, leurs parties intimes sont conservés dans un laboratoire et leur seront remis après intégration », voilà l’explication fournie par un honorable poillissime pour motiver ces actes. Ainsi, les puants n’ont aucun droit (« ils n’ont aucun droit d’ailleurs, sauf celui de n’en avoir aucun ») de refuser de faire quoi que ce soit arguant que cela relève du domaine de l’intime. Celui qui ose défier les ordres de « vyosissime » pour ses croyances ou convictions le paye cher. Un peloton de poillissimes le prend, le met à part, l’humilie et l’oblige à faire pire que ce qu’elle/il avait refusé  – « Cas intéressant, puant aragayanye » (le puant nous manque de respect).

Des fois, des « âmes charitables » se pointent, pendant la période d’intégration. Un homme qui agit en protecteur, gentleman, qui t’aide et te console quand les choses tournent mal. Attention, ça peut être une âme charitable tout comme il peut être un lion affamé. Les grossesses non désirées en sont les conséquences. 

Ce bizutage devrait-il cesser ? 

La question divise. Moi personnellement, ladite intégration ne m’a servi à rien sauf que des fois, je me régalais à répéter les chansons d’un certain monsieur au sourire innocent. Il s’appelait lui-même « Poilissime gahengwe » (poilissime répit, ndlr). C’est tout ce qui m’a resté de positif dans le bizutage.

En décembre 2007, une ordonnance ministérielle interdisait la pratique du bizutage à l’accueil des nouveaux étudiants. De mon court séjour à l’université à ce jour où je reçois le message d’alerte mis en début du texte, le bizutage se fait, mais sous d’autres formes. Plus sévères qu’avant d’ailleurs, car avant, il y avait un certain ordre et les punitions étaient plutôt physiques, contrairement aux agressions psychologiques que subissent les récalcitrants aujourd’hui. Certains y vont direct : les « puants » subissent des atteintes aux droits fondamentaux. Pour moi, l’intégration devrait être consensuelle et intellectuelle et ces aînés devraient éviter la violence inutile. Les « puants » vivent déjà dans des conditions effroyables, ils n’ont pas besoin qu’on leur pourrisse encore la vie.

 

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