Les violences basées sur le genre se manifestent sous plusieurs formes. Les femmes rurales, victimes de violences dans le secteur du transport, nous partagent leurs témoignages.
Le déplacement à dos de moto est très répandu sur tout le territoire du pays. Les liaisons qui ne sont pas faites par les voitures, sont faites par les motocyclettes, joignant une colline à l’autre, un quartier à l’autre. Légalement, la motocyclette est censée porter deux personnes (le conducteur et le client), mais dans la réalité, la motocyclette peut en porter trois, quatre voire cinq personnes tout dépendant de la taille de ces derniers.
Au coucher du soleil, les gens se précipitent de rentrer chez eux, car il fait noir complet sur les routes de l’intérieur du pays. Le moyen le plus rapide et fiable est de prendre alors ces motocyclettes. Ces dernières sont moins nombreuses que la demande. Et voilà la moto avec trois ou quatre personnes qui accepteront de payer le même prix. Les femmes n’ont pas le choix aussi. Elles doivent se hâter de rentrer elles aussi.
Lorsqu’ils sont à plusieurs, la femme se retrouve presque toujours au milieu de deux ou trois hommes. Et les choses peuvent déraper facilement.
Harcèlement sexuel
Carine* jeune fille de 22 ans, habite sur la colline Rubanga de la commune Bukemba de Rutana. Un jour, elle venait rendre visite à sa grande sœur vivant sur la colline Gihofi à une distance de 7 km de trajet. Vers 17h30, elle a pris la route vers chez elle. «Je venais d’effectuer 2 km à pied car j’avais manqué de moto. C’est au cours de la route que j’ai pu croiser un motard. Je l’ai pris avec un autre homme qu’il transportait déjà. Je ne les connaissais pas. Ils avaient l’air de se connaître car ils bavardaient beaucoup. Ils avaient bu », témoigne-t-elle. Avant d’ajouter : « À quelques minutes du trajet, comme c’était déjà la nuit, ils ont commencé à toucher mon corps. Le conducteur a pris les jambes et les cuisses, il m’a tripoté sous ma jupe tandis que l’autre homme de derrière avançait ses bras sur mes seins et allait vers mes parties intimes ». La finalité n’a pas été facile : «J’ai crié au secours mais en vain. J’ai dû sauter de la moto car ils allaient me violer. Ils ont continué la route, me laissant par terre inconsciente. Je me suis blessée aux genoux et j’ai passé la nuit chez un voisin de la colline près de chez nous. J’ai décidé de garder ça secret », confie-t-elle.
Elles sont plusieurs à subir le même sort que Carine. Jeanne*, la trentaine raconte : « Ce jour-là je quittais la zone Buhangura de la Commune Mbuye pour me rendre chez moi au chef-lieu de la commune Mbuye. Ces hommes portaient des casques. Sur la moto, ils ont commencé à me déshabiller. Comme on était proche d’un centre de négoce de Kirika, j’ai crié haut et fort pour qu’ils me laissent descendre. Je suis descendue de la moto et on s’est disputé », fait-t-elle savoir.
Ces cas cités sont minimes par rapport à ce qui se passe dans tous le pays. Malheureusement, peu (voire aucun) arriveront devant les tribunaux. Pendant ce temps, la femme rurale n’aura d’autre choix que serrer fort les dents et ses pagnes, puisque même en marchant à pieds sur les routes sombres de l’intérieur du pays, on ne sait jamais sur quel démon on va tomber.
*les noms ont été modifiés pour garder l’anonymat.