Face au manque de débouchés professionnels, les milliers de lauréats des universités burundaises font la course aux stages. Une manne pour certains employeurs véreux qui exploitent dans tous les sens du terme cette main-d’œuvre bon marché. Cette situation indigne le blogueur Yannick Ndayisaba.
Numériquement majoritaires et largement touchés par le chômage, les jeunes cherchent confusément des réponses aux angoissantes questions qu’ils se posent sur leur avenir. « J’ai des stages professionnels à pourvoir », dira le gentil employeur. Alors une question à deux sous : ces employeurs cherchent-ils à éradiquer le chômage qui engloutit les jeunes ou plutôt à profiter d’une main d’œuvre bon marché qu’il génère ?
Le marché du travail au Burundi, bien qu’exigu, fourmille de jeunes stagiaires. Une mine inépuisable d’énergie que nous fournissent en quantité « suffocante » les universités locales. Contrairement à l’idée reçue d’une jeunesse naïve et indolente, ces derniers trempent leurs mains dans le cambouis.
Les jeunes burundaises stagiaires sont partout présents et … pourtant si absents. Ils veillent du soir au matin dans les hôpitaux. Ils vous accueillent sourire aux lèvres et sueur au front dans des banques. Ils surabondent dans les sociétés de télécommunications, répondant aux appels de « grincheux » clients quitte à entendre le retentissement des sonneries dans leur sommeil. Ils sont quasiment partout… Ils fournissent chaque jour un effort sincère pour se rapprocher d’un emploi décent (avant que le destin jaloux ne les dépouille de tout espoir d’atteindre la terre promise).
Un remède au chômage ou une pratique spéculative?
Qu’y a-t-il de mal à encadrer une jeunesse désœuvrée et désorientée ? Je n’en vois aucun. Ces employeurs méritent, a fortiori, d’exonérations d’impôts en reconnaissance de leur aimable contribution au développement. Cependant, un stagiaire qui s’est attelé au travail pendant deux ou trois ans ne le voit certainement pas ainsi. Encore moins celui qui a couru au milieu des rafales, remuant des piles de dossiers de l’aube au crépuscule et n’en a récolté qu’un certificat en guise de médaille.
Beaucoup de stagiaires portent des témoignages accablants contre un jeu déloyal qui exploite leurs espoirs, menotte leur présent et « grille » leur avenir. D’ailleurs, ils ne sont pas les seuls à tirer la sonnette d’alarme. Dans un de ses tweets, le FORSC dénonce une fraude fiscale dans une des entreprises locales.
Les stages professionnels : un marché tout trouvé
Le contrat de travail impose des exigences en termes d’impôts sur les revenus, ainsi que le paiement de cotisations à la sécurité sociale. Des exigences coûteuses alors que l’entreprise cherche à faire des bénéfices en flèche. Ne serait-ce pas une des raisons de recruter plus de pseudo-stagiaires que d’employés ?
Certes ces employeurs n’ont pas de visées altruistes. Mais il y a lieu de se demander si leur course aux résultats positifs ne prime pas sur le bien-être de ceux qui les produisent. Un stagiaire n’a pas droit en principe au congé. Cependant, devrait-il être privé de ses frais pour son absence en raison de maladie ?
Pourquoi certaines entreprises renvoient-elles leurs stagiaires tous les six mois ? Ne serait-ce pas pour écarter toute possibilité d’engagement tacite ? Pourquoi à la fin du mois, les frais de transport sont payés en main propre, par transfert mobile ou par une personne tierce et jamais via une banque ? Ne serait-ce pas pour éviter que le stagiaire constitue une preuve de paiement régulier pour les prestations effectuées au delà du délai de stage ? Car là, franchement, il pourrait dribbler l’employeur à son tour.
« La loi de l’offre et de la demande. » Voilà le bouclier cher aux employeurs burundais. A tout stagiaire qui ose lever le petit doigt, on lui sort sadiquement le couplet sur le chômage. Un couplet qui lui remue les méninges et lui impose un compromis moral.
Entre deux maux…
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