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Exactions de l’armée malienne et de ses supplétifs russes: la zone de Sofara – Témoignages (1/2)

Au Mali, l’armée nationale et les groupes jihadistes sont engagés dans une lutte sans merci. Les forces française Barkhane et européenne Takuba ont annoncé leur départ du pays, en raison de nombreux désaccords avec les autorités de transition. Les Fama et leurs nouveaux alliés russes se retrouvent donc en première ligne face à l’EIGS, le groupe État islamique au Grand Sahara et au Jnim, le Groupe de soutien à l’Islam et aux musulmans, lié à al-Qaïda. 

Depuis la fin décembre et l’arrivée de supplétifs russes – des mercenaires du groupe Wagner, selon de nombreux pays occidentaux ; des « instructeurs » invités dans le cadre d’une coopération d’État à État, selon Bamako – l’armée malienne multiplie les opérations de terrain et présente d’impressionnants bilans. Mais de nombreuses sources – sécuritaires, des chercheurs et des organisations communautaires – jugent ces bilans très exagérés et dénoncent des exactions sur des civils.

RFI a retrouvé une dizaine de victimes directes de ces exactions et a recueilli leurs témoignages sur les sévices infligés par l’armée malienne avec, dans certains cas, l’implication de combattants russes. Pour des raisons de sécurité, l’anonymat de ces témoins est préservé, leurs noms et leurs voix ont été modifiés – les dates et lieux concernés ne sont volontairement pas précisés avec trop de détails. C’est une série exclusive de deux épisodes. Aujourd’hui, retour sur des opérations menées par l’armée malienne autour de Sofara, région de Mopti, dans le centre du Mali. 

« Ni Touaregs, ni Arabes (…) c’était des blancs »

Sofara abrite un camp des Forces spéciales maliennes, situé à presque égale distance de Mopti, Djenné et Bandiagara dans le pays dogon. Nombreux sont les soldats maliens et les civils tués presque quotidiennement dans ce triangle, ou à proximité, au cours d’attaques du Jnim. L’armée malienne, et c’est une demande des populations, y mène donc régulièrement des opérations. Sékou Bah est tombé sur l’une d’entre elles.

« Ils sont arrivés au coucher du soleil, une trentaine de véhicules. Parmi les soldats maliens, il y avait des chasseurs traditionnels dozos. Ils étaient en treillis mais ils portaient leurs gris-gris. Il y avait aussi des hommes blancs, avec des habits militaires mais pas les mêmes que les Maliens. Ils n’étaient pas Touaregs, ni Arabes, j’en suis sûr, c’était des blancs. »

Ce jour-là, Sékou Bah n’a pas sa carte d’identité, juste sa carte Nina, qui sert notamment de carte d’électeur. Avec d’autres, il est arrêté et conduit dans un camp militaire.

« Dans ce camp, il y avait beaucoup de blancs. L’un d’entre eux a même dit, en français, à un soldat malien, qu’il aurait dû nous tuer sur place au lieu de nous emmener ici. Ils ont regardé la peau de nos mains, de nos épaules, pour voir s’il y avait des marques, si on avait l’habitude de porter des armes, précise Sekou Bah. Et puis ils nous ont suspendus par les pieds, la tête en bas. Ils nous ont demandés si on était des jihadistes ou si on collaborait avec les jihadistes. Ils ont dit qu’ils allaient nous égorger si on n’avouait pas. Les blancs étaient là, ils observaient. Ce sont les soldats maliens qui nous interrogeaient. »

Certains affirment avoir été détenus plusieurs jours sans presque rien manger, d’autres plusieurs semaines, en différents endroits, sans pouvoir contacter personne.

« Ils pouvaient tuer qui ils voulaient »

Abou Diallo, lui, a été arrêté à proximité de son village, quelques jours a près une attaque jihadiste.

« J’allais au marché, j’étais en charrette. Je n’avais pas ma carte d’identité, alors ils m’ont fait asseoir avec une dizaine de personnes. Ils ont regardé dans nos téléphones, ils les ont même branchés sur une machine. C’est un blanc qui faisait ça. Puis, raconte Abou Diallo, l’un d’entre nous a reçu un appel : il a décroché, il a dit qu’il était à un contrôle. Les soldats l’ont fusillé immédiatement. Après ils ont encore fusillé un autre homme. Ils nous ont dit qu’ils pouvaient tuer qui ils voulaient, qu’il ne leur arriverait rien. »

Djenné, Mopti, Sofara, Bandiagara, Bankass… Depuis la fin décembre, 155 jihadistes auraient été tués ou arrêtés dans cette zone, selon les communiqués publiés par l’armée malienne. Qui n’a pas souhaité répondre aux sollicitations de RFI.

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