À Kédougou, région enclavée à 700 km de Dakar au sud-est du Sénégal, les jeunes et étudiants ont manifesté à plusieurs reprises ces dernières semaines. Ils souhaitent intégrer les sociétés minières internationales qui exploitent l’or dans leur région. Une activité d’extraction qui place l’or en première place des produits exportés, avec une hausse de 20% des exportations entre 2018 et 2019. Pourtant, Kédougou est l’une des régions les plus pauvres du pays, avec un taux de chômage de 26% – contre 15% au niveau national.
Un petit groupe de jeunes étudiants discutent autour d’un thé, installés devant la boutique multi-service de Souleymane Diallo. Diplômé d’un master en économie et gestion, il a dû se résoudre à ouvrir un petit commerce de photocopies et de paiement mobile.
« J’ai un peu perdu l’espoir, j’ai déposé une demande d’emploi à plusieurs reprises auprès des sociétés minières, mais sans recevoir de suite. J’ai économisé pour investir et faire mon propre business. Je parviens quand même à gagner mon pain », raconte-t-il.
Autour de lui, les autres jeunes ont tous fait des études, mais n’arrivent pas à décrocher un emploi. Ils dénoncent un manque de transparence dans le recrutement des sociétés minières. Mohamed Touré a déjà déposé son CV à maintes reprises, mais sans retour.
« Comme ma spécialité, c’est l’anglais, j’aimerais faire de l’interprétariat. Au début on nous disait qu’on n’était pas qualifiés. Nous avons eu l’ambition d’aller étudier à l’université pour faire des études supérieures. Et quand nous revenons maintenant dans la région et que l’on ne trouve pas d’emploi, c’est frustrant », déplore-t-il.
Pourtant, l’inspecteur général du travail de Kédougou, Mamadou Mbengue, affirme que 56 et 43% des effectifs des deux plus grandes sociétés minières sont résidents de la région… Des chiffres critiqués par Karamokho Samoura, président de l’association des élèves et étudiants ressortissants de Kédougou, qui demande des emplois qualifiés et un accès aux postes stratégiques :
« Ces employés-là, ce sont les employés non qualifiés, les manœuvres qui touchent 150 000 CFA par mois pour des travaux très durs. Ils sont surexploités. Ce n’est pas ce dont nous avons besoin. Il y a aussi les emplois indirects par rapport à l’achat des produits locaux. Les sociétés minières préfèrent importer tout ce qu’elles consomment comme produits depuis Dakar alors que tous ces produits sont disponibles ici. Elles ne permettent donc pas aux entreprises locales de travailler avec elles. »
Le combat pour l’emploi est aussi porté par les jeunes non diplômés de Kédougou. Un malaise que tente d’apaiser le gouverneur, Saer Ndao, qui rappelle qu’à diplôme ou compétence égal, la main-d’œuvre locale doit être privilégiée :
« Les sociétés minières ont fait des efforts pour endiguer le sous-emploi. Mais tant que vous ne communiquez pas sur ce que vous avez fait, c’est comme si vous n’aviez rien fait. Et je pense qu’elles devraient renforcer leur communication par rapport à la gestion du personnel et du recrutement, pour permettre aux jeunes et aux autorités de mieux comprendre ce qu’elles font. Il y a des possibilités pour les sociétés minières, mais elles ne peuvent pas tout résorber en terme d’emploi. »
Contactées par RFI, les compagnies minières en cours d’exploitation n’ont pas donné suite à nos sollicitations.