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SOCIETE

Le triste sort des enfants vulnérables du Bénin

Ils ploient sous les lourdes charges disproportionnelles à leurs capacités. Ces enfants sont victimes des pires formes de travail et d’exploitation économique.

Livrés à eux même ou sous la pression d’adultes, on les retrouve dans les marchés, dans les carrières, dans les rues ou dans les maisons comme domestiques. Ils mènent ces activités au péril de leur vie et en hypothéquant leur avenir.

Pour sauver ces êtres vulnérables des griffes de la perdition, l’organisation le Mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs (MAEJT) milite pour l’insertion de ces enfants et aussi pour les outiller sur leurs droits.

C’est une option qui a payé pour certains enfants en situation difficile.

 »Je voulais aller à l’école et ils ont refusé, donc je reste du matin au soir dans la rue pour pouvoir me nourrir ».

Djoueratou avait moins de neuf ans quand elle été contrainte de se débrouiller pour survivre dans les rues de Bassila, une commune du nord Bénin.

Aujourd’hui, cette ancienne enfant de la rue est une jeune fille autonome grâce à sa rencontre avec le mouvement africain des enfants et jeunes travailleurs, MAEJT.

Mais avant, ses conditions de vie étaient difficiles raconte-t-elle

« Dans la rue je ne faisais rien. A un moment donné, j’ai commencé à vendre au marché pour les dames. Et du matin au soir, je ne prenais que 300 F cfa ».

« J’ai vendu les médicaments, j’ai aidé une dame à vendre les habits, si il y a des bagages je les prends aussi pour avoir de l’argent, ce que je trouve qu’il y a faire je le fais parce que j’ai besoin d’argent. Il suffit que je trouve 300 pour me nourrir matin et soir » déclare-t-elle.


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Agressions, attouchements

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Djoueratou raconte qu’elle a été agressée, une fois dans la rue.

« Je rentrais tard un jour et j’ai été agressée par un groupe de délinquants qui étaient assis et fumaient. Parce que j’étais petite et ils voulaient me faire peur. J’ai enlevé mes chaussures et j’ai couru ».

Djoueratou explique qu’un jour un enfant est venu lui demander pourquoi elle est au marché.

« Je lui ai dit que je veux aller à l’école et mon père a refusé. Trois jours après, ils sont venus me rencontrer, ils m’ont suivi jusqu’à la maison ; je leur ai présenté mes parents ; mon père a refusé de m’envoyer à l’école. La police est venue intervenir mais ça n’allait pas. Le quatrième jour, ils sont partis chercher d’autres solutions et ils sont revenus, il a accepté mais il a refusé de me donner mon acte de naissance », témoigne-t-elle.

« J’étais la première de CE jusqu’à CM1 mais ensuite il n’y avait pas de moyens alors je suis retourné dans la rue. Après, j’ai commencé par suivre des cours d’alphabétisation ; grâce à ces cours, ils m’ont réinsérée à l’école et je continue à travailler pour subvenir à mes besoins et aider d’autres enfants dans la rue ».

Aujourdhui, Djoueratou est boulangère.

C’est grâce à son travail que Djoueratou, qui a aujourd’hui le niveau terminale, subvient à ses besoins.

Emeline Koudougou, une autre jeune fille de l’organisation n’est pas encore à cette étape, mais elle pose les jalons de son autonomie.

Réinsertion sociale

Cette apprentie coutière de 15 ans a travaillé dans une carrière de gravier pendant 2 ans au Burkina faso, son pays d’origine.

« J’étais à l’école au niveau de CM2 mais faute de moyens j’ai quitté l’école, j’ai commencé à travailler dans les carrières. On cassait des cailloux et on vend. C’est difficile parce que on se blesse les mains, souvent les pieds on peut taper les cailloux et ça enlève les yeux, vous voyez là c’est une cicatrice. Je me suis blessés les doigts. Ils sont venus nous rencontrer nous, les filles, et ils nous ont demandé qui veut retourner à l’école, qui veut faire la couture….moi j’ai choisi la couture », raconte-t-elle.

Plus de 700 enfants travaillent dans des conditions tout aussi difficiles, selon le projet régional de protection des enfants migrants du corridor Abidjan-Lagos.

Une grande partie de ces fillettes et garçonnets ont été identifiés ici à Dantokpa, l’un des plus grand marché de la sous-région où il est fréquent de rencontrer des enfants avec de lourdes charges de marchandise sillonnant le marché du matin au soir à la recherche de clients.

Eva a 13 ans, elle est portefaix dans ce centre commercial depuis si longtemps qu’elle n’arrive pas à estimer le temps qu’elle a déjà passé à exercer cette activité.

« J’ai commencé il y a si longtemps, ma mère ne nous a pas mis à l’école parce que nous n’étions pas docile. Donc je suis restée à ses côtés au marché. En fin de journée je peux avoir 800 ou 1500. Parfois il y a des bagages lourds parfois j’ai mal aux hanches et au cou ».

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Abus en tout genre

Dans ce marché, ces êtres vulnérables sont victimes de plusieurs abus.

Le MAEJT a en enregistré plusieurs cas.

Le chargé de programme de cette organisation africaine qui s’investit dans l’épanouissement des enfants en situation de travail.

« Ce ne sont pas seulement des enfants béninois, il y a des enfants togolais, nigériens, nigérians, des enfants qui quittent la Côte d’Ivoire qui quittent le corridor pour venir au marché. Il y a des bonnes dames chez qui ces enfants travaillent et le soir au lieu de leur donner 1000 ces dames leur payent 500. Si ces enfants commencent à réclamer, ces bonnes dames commencent à les tabasser. Les adultes accaparent les biens de ces enfants », raconte-t-il.

« Il y a aussi des enfants qui dorment à l’air libre, sur le pont du marché, il y a d’autres qui vont à une maison qu’on appelle maison Yayi Boni. Surtout les filles ont beaucoup de problèmes, quand elles atteignent l’âge de 12 ans, il y a des cas de viol, parfois elles deviennent enceinte. Et les garçons prennent souvent de la drogue à cause de l’environnement dans lequel ils vivent », souligne-t-il.

« Des grands garçons qui ont beaucoup d’expérience avec la drogue exigent aux petits enfants d’en consommer dans le souci d’utiliser ces enfants dans des opérations qui ne sont pas bonnes. Il faut aussi dire que dans ces conditions, il y a des enfants qui sont là, dans la journée ils ont travaillé le soir ils ont un peu d’argent. Et certaines personnes viennent les braquer », explique-t-il.


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Et pour porter assistance à ces enfants en difficulté, cette organisation identifie les niches d’enfants exploités sur la base de certains rapports et de l’expérience acquise sur le terrain, indique Nassiratou Compaoré, du MAEJT Burkina, l’un des 27 pays membre du mouvement.

« Il y a certaines études qui ont prouvé qu’il y a des zones où les enfants travaillent de manière vulnérable, où ils sont exposés. Et nous profitons de ces occasions pour pouvoir intervenir. Même les études, on y participe », affirme-t-il.

« Nous même nous pouvons faire des visites sur le terrain pour voir, inspecter surtout dans les mines artisanales ; c’est vraiment un lieu où on trouve des enfants, on arrive à sensibiliser les parents eux-mêmes qui y envoient les enfants », déclare M. Compaoré.

« Il y a plein d’exemple, il y a des enfants qui travaillent comme ménagère et à la fin du mois ils n’arrivent pas à toucher leur salaire. Et ces enfants, on les trouve dans les différents quartiers, on essaie de les sensibiliser, de les informer sur leurs droits en tant que ménagère »; ajoute-t-il.

Démission des parents

Il y a aussi des cas de résistance des parents.

C’est l’un des principaux défis car, selon lui, les parents pensent qu’informer les enfants sur leurs droits « c’est former des rebelles ».

Nous sommes à 46 kilomètres de Cotonou dans la commune de Zè qui abrite l’un des centres d’apprentissage de cette organisation.

Près d’une centaine d’enfants démunis y sont formés en sérigraphie, en coiffure et en couture.

Orpheline depuis qu’elle a 11 ans, Souliatou Adindé en a aujourd’hui 14 et est apprentie coutière dans ce centre.

Cela fait 9 mois qu’elle est dans ce centre. Il lui reste un an et 3 mois pour finir sa formation.

« Avant j’allais aux champs. Comme mon père n’est plus, quand je préparais mon CEP, mon dossier n’était pas complet. En plus on n’avait pas les 15 milles à ajouter au dossier et j’ai abandonné l’école. Heureusement le MAEGT est arrivé pour nous les démunis, j’ai choisi la couture parce que mon père n’aimait pas la coiffure et interdisait les mèches », témoigne-t-elle.

« Ils ont tué nos enfants, nos femmes enceintes maintenant nous travaillons ensemble »

Gérard Djisso est le délégué des apprenants du centre.

Egalement orphelin de père depuis 12 ans. Faute de moyens, il a dû abandonner l’école après l’obtention de son certificat d’étude primaire.

« J’ai fait le CM2 puis j’ai passé mon examen. Ma mère n’a pas de moyens pour supporter la famille et donc j’étais obligé de terminer mes études pour l’aider. Donc on est là, je fais des travaux champêtres, je fabrique des chaises… », témoigne Gérard.

« J’aurais aimé continuer les études mais il n’y a pas de moyens de financement. Je fais toutes sortes de travaux pour pouvoir gagner de l’argent. Je voulais être policier mais je vois que ça n’a pas marché », raconte-t-il.

« C’est Dieu qui décide mais après l’apprentissage, je vais faire l’informatique parce qu’il y a du matériel qu’on utilise comme les imprimantes et autres et ce sont les informaticiens qui fabriquent ça. Et puis, après je veux travailler pour pouvoir gagner de l’argent et construire mon atelier. Vraiment, il nous manque beaucoup de matériel pour l’apprentissage », explique le jeune garçon.

Même sans grand moyen l’érection de ce lieu d’apprentissage à Zè constitue un soulagement pour des parents comme Salami Adindé.

Il est l’oncle d’une des apprenties. Il a sa charge 24 enfants.

« C’est ma nièce, la fille de mon grand frère, son père est décédé en me laissant 16 enfants, je n’ai pas pu payer ses frais de dossier pour l’examen, elle est resté à la maison. Ensuite je n’ai pas pu gérer sa scolarisation et les autres charges, moi-même j’ai 8 enfants, elle a passé son temps dans les champs mais avec son apprentissage et grâce à ce projet je suis un peu déchargée elle est devenue plus polie, assidue et consciencieuse. Elle a vraiment à cœur sa réussite, je pense qu’à cette allure, son avenir est assuré et dans quelques années notre objectif sera atteint », déclare M. Adindé.

Si ces enfants bénéficient d’une deuxième chance après leur cursus scolaire écourté, ce n’est pas le cas pour tous les enfants de cette zone et d’ailleurs qui croupissent sous des charges parfois au-delà de leurs potentialités selon l’Office Central de Protection des Mineurs.

Au Nigéria, une école pour les enfants des combattants de cette secte musulmane.

Apprentissage ou irresponsabilité sociale

« Cependant, dans la société béninoise, mettre l’enfant précocement au travail est considéré comme un apprentissage » fait remarquer Bruno Montcho, sociologue de la débrouille et de la déviance.

Il déplore néanmoins les abus qui découlent de certains cas: « si nous sommes dans la première logique qui est que le premier travail de l’enfant participe à la préparation à la vie active de cet enfant, lorsque la maman doit aller au marché et que sa fille ou son garçon porte la charge avec elle , ce n’est pas travail forcé, lorsque l’enfant l’aide à vendre au marché ce n’est pas un travail forcé ».

Selon lui, on parle de travaux forcés pour les enfants quand l’enfant doit être à l’école et que la maman lui dit de laisser l’école et de faire le travail et que on force les enfants à faire ce qui ne relève pas de ses capacités, c’est là où on parle de travaux forcés.

« Moi j’ai toujours travaillé avec mes parents quand j’avais 3 à 5 ans, il faut balayer la cour parce que ça s’apprend, faire la vaisselle, aider ses parents pour pouvoir satisfaire tout ce qu’il y a comme travail domestique. C’est vrai qu’il y en a qui en abuse, et pour la plupart du temps ce sont des enfants qui ne sont pas avec leur géniteurs, et cela ne participe pas à son éclosion, cela ne participe pas à son développement et c’est un danger pour la société », explique-t-il.

Ces pratiques ont de nombreuses répercussions psychologiques et physiologiques.

C’est la raison pour laquelle l’organisation mondiale du travail a retenu l’âge de 14 ans comme seuil pour l’accès au travail chez les enfants.

« Ça peut être la cause de déformation de la structure osseuse des enfants, ça peut retarder la croissance physique des enfants, quand vous voyez de petits maçons âgé de 8 à 10 ans qui doivent soulever des sacs de ciment de 25 kgs, ça dépasse ce que leur structure physique peut supporter », explique le psychopédagogue Jean Claude Houmènou.

Sur le plan psychologique, moi je ne vois pas d’avantages, s ‘il y a de la souffrance quand le travail est associé à la douleur ça peut nuire à l’évolution psychologique de l’enfant, il peut acquérir des ressentiments vis à vis des adultes, vis à vis de la société, il peut devenir un révolté et son développement psychologique ne peut pas être harmonieux ; peut-être que ça peut déboucher sur des pathologies, des maladies mentales mais c’est rare », ajoute-t-il.

L’exploitation économique des enfants fait l’objet de plusieurs opérations de l’Office Central de Protection des Mineurs.

En 2017 et en 2018 des centaines d’enfants ont été arrachés aux mains de leurs bourreaux à travers des descentes inopinées dans les marchés et à la frontière.

Sanctions

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Le capitaine Viviane Zohoun est la deuxième responsable de cette unité de la police judiciaire.

« Des bonnes dames se disent bon nous avons besoin des enfants comme domestique et quand on en parle avec quelqu’un, l’autre va chercher et vient placer. Le même enfant peut faire objet de plusieurs placements. Lorsqu’on trouve le plus disant, on vient chercher l’enfant pour le mettre ailleurs. C’est sur tout le territoire national, on en voit partout mais Cotonou en consomme plus. Je ne dis pas qu’on en consomme pas dans les autres localités, mais dans une grande ville comme Cotonou on ramène les enfants pour les placer », indique-t-il.

A son avis, il est possible de mettre fin au phénomène si chaque citoyen prend conscience que chaque jour que Dieu fait nous menons cette lutte.

« Nous déferons régulièrement des gens au parquet de Cotonou et autres tribunaux pour des cas d’exploitation économique des enfants. C’est ce cas-là qui nous amène à mener des opérations notamment en Avril dernier on a organisé une descente au marché et à l’aéroport de Cotonou, ça nous a permis de sortir un bon nombre d’enfants », ajoute-t-il.

Selon lui, c’était plus d’une centaine d’enfants.

« C’est pour divers cas, il y a l’exploitation économique, il y a la mendicité et donc tous ces enfants ont été retirés. Nous avons essayé de monter la procédure et présenter les auteurs devant le procureur ».

Six mois à cinq ans d’emprisonnement, c’est la peine que prévoit le code de l’enfant contre son exploitation économique.

Des circonstances aggravantes peuvent alourdir la peine.

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