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Six points pour comprendre la pénurie du sucre

Depuis 2016, le Burundi fait face à une pénurie persistante du sucre. Cependant, l’Etat se veut rassurant. On entend souvent dire que la production du sucre est suffisante. Quid de la spéculation souvent incriminée ? Y aurait-il d’autres facteurs explicatifs qu’on n’évoque pas ? Analyse.

Actuellement, se procurer du sucre dans les boutiques et alimentations de ville de Bujumbura relève d’un vrai parcours du combattant. « Nous n’avons plus de sucre » est la phrase sur toutes les lèvres des commerçants. Pourtant, ce produit stratégique coûte les yeux de la tête au marché noir. Il se vend à 3000 BIF le kg alors qu’officiellement, 1 kg de sucre produit localement s’achète à 2500 BIF. 

Face à cette pénurie récurrente, la Sosumo se veut toujours rassurante. La production du sucre est suffisante, selon elle. La spéculation serait la cause principale de la pénurie. Au mois de mars, le ministère du Commerce a d’ailleurs rayé de la liste les commerçants grossistes accusés de spéculation. 

Une production qui a quadruplé 

C’est en 1982 que le Burundi a lancé le projet de construction d’une sucrerie pour nourrir sa population. Mais il faudra attendre l’année 1988 pour voir les premiers sacs de sucre sortir de la Sosumo. La récolte s’établissait à 4658 tonnes cette année-là. La pénurie a commencé à se faire sentir depuis 2016. Mais la production n’était pas mauvaise avec 21 940 tonnes de sucre produit. De 2018 à 2020, la production est passée de 19 535 à 20 434 tonnes. Après 32 ans, la production a été multipliée par quatre. 

52% du sucre consommé en 2020 était importé

Une réalité qu’on ignore. Selon les statistiques de la BRB, après sa naissance, la Sosumo n’a pu satisfaire la demande locale que durant trois ans. Car, le Burundi a importé 5 250 tonnes du sucre en 1991. Les importations ont ensuite pris l’ascenseur pour atteindre 12 757,6 tonnes en 2016. Depuis 2017, la quantité du sucre importée a atteint un pic de 26 267,5 tonnes. Et en 2020, le pays a importé 22 785,1tonnes. 

Parallèlement à la production, la quantité du sucre importée a lui aussi été multipliée par quatre. Finalement, même si la production de la Sosumo était bonne durant plusieurs années, elle ne suffisait pas pour satisfaire la demande locale. Par exemple, au cours de l’année 2020, le Burundi a consommé 43 219 tonnes alors qu’il n’a produit que 20 434 tonnes. Pour combler ce gap, le pays a importé 22 785,1 tonnes, soit 52,7 % du sucre consommé au Burundi en 2020. 

Point d’exportation du sucre depuis 1988

Après avoir passé en revue ces chiffres,  il est évident que la spéculation comme seule raison pour expliquer la pénurie du sucre ne tient pas. Il faut donc nuancer. Si la Sosumo déclare que la production du sucre est bonne, cela ne signifie pas que la quantité du sucre produite couvre toute la demande. Pour preuve, depuis 1988, la sucrerie du Burundi n’a pas exporté du sucre. 

Un nombre de consommateurs en hausse 

Selon les statistiques de l’ISTEEBU, le Burundi comptait plus 4 millions d’habitants en 1982. Et d’après les projections, en 2020, la population était estimée à  plus 12 millions d’habitants. Les consommateurs du sucre ont sûrement augmenté dans les mêmes proportions. Les villes se sont élargies, d’autres sont nées. En outre, la quantité  des boissons et des limonages produits s’accroît aussi. Or leur fabrication nécessite du sucre. N’oublions pas non plus que les boulangeries, les unités de transformation des fruits en jus, les pâtisseries et les cafétérias poussent comme des champignons. Tout cela demande du sucre et explique pourquoi la demande du sucre a fortement augmenté depuis la création de la Sosumo en 1982.

Le sucre, l’enfant pauvre des produits stratégiques ?

La pénurie récurrente du sucre démontre qu’il y a rupture de stock. Or, normalement, l’Etat surveille de près l’évolution des stocks des produits stratégiques pour éviter les ruptures de stock. Il devrait le faire avec le sucre comme il le fait avec le carburant. Encore faut-il rappeler que pour ces produits stratégiques, les prix sont fixés par l’Etat. Les prix ne dépendent pas de l’offre et de la demande. 

Plusieurs annonces pour peu de résultats 

Au cours de mars 2017 devant les parlementaires, le deuxième vice-président de la République, Joseph Butore avait indiqué que la Sosumo n’était plus en mesure de produire pour plus de dix millions d’habitants. M. Butore avait annoncé qu’un audit international était prévu : « Nous pensons que le résultat de cet audit est la seule solution durable pour le problème du sucre», déclarait-il à l’époque. Cette étude a-t-elle été faite ? Quid des actions préconisées ?

Après une année, Joseph Butore a demandé au personnel de la Sosumo  d’augmenter la production jusqu’à 35 mille tonnes de sucre, quantité que cette autorité estimait suffisante pour couvrir la demande interne en vue de stopper l’importation du sucre qui coûtait au pays plus de 10 milliards de BIF chaque année.

Au mois de novembre 2018, Jean-Marie Niyokindi, ministre du Commerce d’alors était encore devant les élus du peuple. Objectif : expliquer aux élus du peuple le projet de  réorganisation de la Sosumo. Parmi les mesures qu’on envisageait, on peut citer la baisse des actions de l’Etat dans le capital de la Sosumo qui devraient passer de 99% à 46%. Le projet a été adopté. Cette réorganisation visait la satisfaction des besoins de la population sans recourir à l’importation. Plus de deux ans après, la pénurie du sucre est toujours là.

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