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POLITIQUE

Burundi : la parité en politique est un beau rêve, mais irréalisable

Pendant le mois de mars, des voix se sont élevées pour vanter les mérites des femmes et ainsi rappeler l’inégalité dont elles sont victimes en vue de leur réhabilitation. Néanmoins, elles devraient surmonter beaucoup d’obstacles pour réussir ce pari. 

Les Burundaises et Burundais éliront le 20 mai prochain les institutions en vue du remplacement de celles issues des dernières élections de 2015 en fin de mandat. Parmi plus de 5 millions d’électeurs attendus et dont l’acte devrait déterminer la distribution des postes politiques, plus de 52% sont des femmes. « Le total général des inscrits est de 5 126 351 électeurs dont 2 688 803 femmes et 2 437 548 hommes », a déclaré le docteur Pierre-Claver Kazihise, président de la Ceni début février dernier dans une conférence de presse. 

Il n’y a rien de nouveau sous le soleil, ce pouvoir important des femmes dans la désignation des futurs mandataires politiques profitera comme d’habitude aux hommes. Les listes des candidatures à différents scrutins, déjà entre les mains de la Ceni, ont été concoctées par les hommes. Tous les partis actifs et susceptibles de gagner la confiance des Burundais sont en effet tenus et dirigés par les hommes. Ceux-ci se sont référé à la Constitution leur enjoignant de ne pas aller en dessous de 30%. Et à l’issue des scrutins, quand il sera question de la composition du gouvernement, les Burundais devraient renvoyer les Burundaises aux fonctions associées aux qualités maternelles. 

Fonctions régaliennes VS fonctions sociales  

Généralement, les postes réservés aux femmes font généralement croire qu’elles restent des intruses en politique et cela n’est pas une particularité burundaise. Les hommes monopolisent des ministères régaliens (la Défense, les Affaires étrangères, la Sécurité publique, les Finances, l’Administration territoriale), ceux qui sont au cœur de la souveraineté de l’État, et de ce fait conférant du pouvoir aux détenteurs de ces portefeuilles. 

Les femmes quant à elles se voient reléguées aux fonctions sociales de qualité maternelle, conçues comme l’extension dans la vie publique des tâches qui leur sont traditionnellement dévolues en famille : l’enfance, la santé, les affaires sociales, la promotion féminine, le genre, etc. D’ailleurs pour la plupart des hommes comme des femmes, «le pouvoir politique est bien encore aujourd’hui considéré comme viril par excellence », souligne Mariette Sineau à la page 67 dans son enquête intitulée «Des femmes en politique». Ceci dit que, même dans les gouvernements de composition paritaire, la structure gouvernementale implique souvent plus la complémentarité que l’égalité.   

Quand est-ce que cette question a-t-elle été une préoccupation ? 

Depuis 1975, il se tient tous les 5 ans une conférence mondiale sur les femmes au cœur de laquelle la promotion de la femme est chantée tous azimuts. Néanmoins, ce ne sera que la 4ème tenue en Chine (Beijing) qui marqua le tournant dans l’émancipation des femmes. Jusque-là, « dans l’ensemble du monde, seuls 10 % des sièges dans les parlements et un pourcentage encore plus réduit des portefeuilles ministériels sont actuellement détenus par des femmes », lit-on à la page 90 du rapport de cette conférence, au point 182 de la partie G portant sur « les femmes et la prise de décisions ». 

Constatant l’échec de parvenir à la proportion de 30% avant 1995, tous les 189 États présents adoptèrent à l’unanimité la déclaration recommandant notamment d’assurer aux femmes l’égalité d’accès et la pleine participation aux structures du pouvoir et à la prise de décisions.    

Beaucoup d’obstacles   

La proportion de représentation des femmes est aujourd’hui de 30%, celle qui devrait être tout de même atteint il y a de cela 25 ans si les recommandations du Conseil social et économique des Nations Unies avaient été scrupuleusement respectées. Ainsi, cette faible proportion pousse les Burundaises à revendiquer l’égalité des sexes (ou de genre cela dépend de chacun) notamment dans l’exercice du pouvoir. 

Néanmoins, pour parvenir à leur pleine représentation, les Burundaises se devraient de surmonter différents obstacles et il me semble que 2020 est un combat perdu d’avance. En principe, trois conditions doivent être réunies pour réussir en politique : le temps, l’argent et les réseaux. Or, les Burundaises, politiques ou non, en raison de leur responsabilité de gestion du foyer, de la maternité et des coutumes burundaises conférant le pouvoir aux hommes, elles ont moins de temps, moins d’argent et moins de réseaux.   

Le foyer est sacré et il doit être protégé et le Chef de l’État le souligne : « Les postes politiques entraînant ta séparation de la famille ne servent à rien. J’en suis expérimenté, pendant les 15 ans que je dirige le Burundi, j’en suis témoin, l’exercice par les femmes de grands postes de responsabilités a été parfois un facteur de dislocation de leurs familles. Or, nous voulons des familles solides, nous ne voulons pas des familles qui se détruisent », a déclaré le président Nkurunziza le 8 mars dernier, journée internationale des femmes, au stade Ingoma en province de Gitega.  

De quoi refroidir certaines Burundaises ambitieuses de grands postes politiques, ces derniers étant considérés comme la chasse gardée des hommes.   

Quid des postes de pouvoir occupés par les femmes ?  

Les premières Burundaises nommées au gouvernement en septembre 1984 sous la 2ème République ont reçu deux portefeuilles à caractère social : la promotion féminine et les Affaires sociales. Dans le premier gouvernement du président Buyoya, mis en place en octobre 1987, deux femmes membres occupaient les mêmes postes. 

Avec l’avènement de la démocratie, les femmes en profiteront peu ou pas. A côté de la fonction de premier ministre que le président a confié à une femme, mais dont le pouvoir était par ailleurs très faible car la Constitution d’alors n’accordait pas au premier ministre le pouvoir de contreseing, le gouvernement du 10 juillet 1993 ne comptait qu’une seule femme chargée du ministère de l’Action sociale, des droits de l’Homme et de la promotion féminine. Depuis lors, les femmes seront toujours presque absentes, dominées et reléguées aux mêmes ministères sociaux dans les gouvernements Ntaryamira, Ntibantunganya, Buyoya II, Ndayizeye.  

C’est avec les institutions issues des élections de 2005 que les femmes seront promues aux grands postes d’exercice du pouvoir politique comparativement aux précédents gouvernements. Même si elles sont restées dominées et minoritaires par rapport aux hommes, pour la première fois dans l’histoire du Burundi, des femmes ont été nommées à la tête des ministères régaliens. Aux relations extérieures, à la Justice, aux Finances… Signalons aussi l’élection d’une femme à la présidence de l’Assemblée nationale, et à ce titre, une femme pouvait devenir président de la République en cas de l’application de l’article 121 de la Constitution de 2005 alors en vigueur.  

 

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