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SOCIETE

Qui est mon père ?

Certaines jeunes filles burundaises accouchent et ne font pas enregistrer leurs enfants à l’état-civil, car nés de pères inconnus, ou d’hommes qui refusent de reconnaître l’enfant. Plus tard, ces enfants vivent un calvaire dans une société où ils sont considérés comme « bâtards ». Témoignage d’Anitha.

Je la rencontre chez elle, dans un quartier de la commune urbaine de Mukaza. Fille-mère, Anitha approche la quarantaine. Elle a deux grandes filles. Elle gagne bien sa vie. Tout va bien, mais… Anitha n’a jamais su qui était son père. Chez elle, elles sont au nombre de trois filles, toutes de pères différents. La première a retrouvé son père, un Burundais. La cadette, Anitha, ne l’a pas encore trouvé et la benjamine, elle, a un père blanc. 

Née en à la campagne, Anitha a grandi chez ses grands-parents. À l’école primaire, quand les enseignants lui demandaient le nom de son père, dit-elle, elle mentionnait celui de son grand-père. 

Aujourd’hui, elle se demande qui est son père, où est-il, à quoi ressemble-t-il ? Est-il encore vivant ? Et les membres de la famille ? Où sont-ils ? Visiblement hantée par  cette vie « d’enfant illégitime », Anitha dit avoir, à maintes reprises, posé cette question à sa mère. Telle a été sa réponse : « As-tu manqué de quelque chose ? Ne t’ai-je pas donné tout ce dont tu avais besoin ? Qu’est-ce que tu veux d’autre? » 

À la burundaise, une  fille en âge de se marier se voit dans l’obligation de répondre à de multiples questions de la part de son petit ami. C’est entre autres la province ou la commune d’origine. À cela s’ajoute le clan. Cette dernière dérange Anitha. Des questions auxquelles elle répond souvent par : « Je te le dirai plus tard ». Des interrogations qui en réveillent d’autres dans sa tête : «Quand je devrais me marier qui parlera ? Mon oncle ? Que va penser la belle-famille ? Que je suis une sans famille, Congolaise ? Je ne sais pas. Mais alors ma mère, a-t-elle été violée ? Sinon pourquoi refuse-t-elle de me dire le nom de mon père?»  

Possibilité de recherche en paternité ? 

« Oui », répond maître Jacques Nshimirimana. Cet homme de droit et plaidant pour les droits de l’enfance évoque le Code burundais des personnes et de la famille de 1993 en ses articles 243 à 249. Un accent est mis sur l’article 237 qui précise que l’action doit être intentée au plus tard dans l’année qui suit la majorité de l’enfant, donc jusqu’à 22 ans. Mais là aussi précise-t-il, il faut qu’il y ait un prétendu père. 

Malheureusement pour Anitha, il est trop tard, avec près de 40 ans et sans « prétendu père ». L’action en recherche de paternité concernerait seulement la paternité hors mariage. S’il y avait mariage à l’époque de la naissance d’Anitha, elle allait être automatiquement rattachée au mari légal de sa mère par le jeu de la présomption de paternité. 

Selon toujours ce défenseur des droits humains, la recherche de paternité constitue  une des grandes questions du droit de filiation au Burundi. Le Code des personnes et de la famille est très lacunaire, soutient-il, aussi bien en matière de recherche de paternité  que dans d’autres matières. Pour lui, la loi ne devrait pas limiter ceux qui intentent des actions de recherche de paternité à 22 ans , car à cet âge-là, la plupart des concernés ne sont pas encore stables et conscients  pour bien mener ce combat. Et à maître Nshimirimana d’ajouter que beaucoup de Burundais ne sont pas sensibilisés sur cette disposition limitative, d’où beaucoup de situations comme celle d’ Anitha. Pour lui l’article 237 prive beaucoup de Burundais de leur droit à l’identité, un droit très fondamental.

 

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