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POLITIQUE

L’Accord d’Arusha et ses signataires : que reste-t-il 19 ans après ?

La signature de l’accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi est intervenue le 28 août 2000. Le contenu de ce document, émanation de la Constitution de 2005, dont l’interprétation divergente a nourri la crise de 2015, resterait inconnu de beaucoup de Burundais. Les grands points.    

L’Accord d’Arusha pour la paix et la réconciliation au Burundi est subdivisé en 5 parties dénommées « protocoles ». Le protocole I porte sur la « nature du conflit burundais, problèmes de génocide et d’exclusion et solutions »

Les parties signataires ont analysé les causes du conflit burundais durant les périodes précoloniale, coloniale et postcoloniale. Tout en reconnaissant qu’il n’y a pas eu de conflit à caractère ethnique avant la colonisation, elles affirment à l’alinéa 4 de l’article premier qu’il y avait des pratiques traditionnelles qui pouvaient être des sources d’injustice et de frustration. 

Notamment ‘‘ukwihutura’’ (traduction libre : le fait de renoncer solennellement à son appartenance à la communauté des Hutus pour intégrer celle des Tutsi), ‘‘Ukunena’’, « tenir quelqu’un à l’écart, le mépriser », ‘‘Ubugererwa’’, « servage», ‘‘ukunyaga’’, «spoliation », ‘‘ukwangaza’’, «déportation», etc.

Au même alinéa, il est indiqué que les victimes étaient « aussi bien chez les Bahutu et les Batutsi que chez les Batwa ».

Durant la période coloniale, les parties signataires relèvent « une vision raciste et caricaturale de la société burundaise ». Elles soulignent l’introduction par la colonisation d’une carte nationale d’identité mentionnant l’appartenance ethnique, etc. 

Enquête judiciaire internationale 

Pour ce qui est de la période postcoloniale, l’Accord d’Arusha reconnaît que « des actes de génocide, des crimes de guerre et d’autres crimes contre l’humanité ont été perpétrés depuis l’indépendance contre les

Communautés ethniques hutu et tutsi au Burundi »

Sur ce, il recommande la mise en place d’une Commission d’enquête judiciaire internationale. L’Accord assignait à cette dernière, à l’alinéa 10 de l’article 6, entre autres missions, enquêter et établir les faits couvrant la période allant de l’indépendance à la date de signature de l’Accord, les qualifier et établir les responsabilités. 

Par rapport à la nature du confit, les parties ont reconnu, à l’article 4,  qu’il s’agit «d’un conflit fondamentalement politique avec des dimensions ethniques extrêmement importantes » et «d’un conflit découlant d’une lutte de la classe politique pour accéder au pouvoir et/ou s’y maintenir».

Le chapitre II de ce protocole consacré aux solutions énumère un certain nombre de conclusions. Certaines ont été déjà concrétisées notamment la révision de certaines lois et la création de certaines commissions dont les résultats conditionneront la réalisation d’autres solutions proposées par les parties signataires de l’Accord d’Arusha. 

À titre d’exemple, il est difficile d’instaurer une «Journée nationale de commémoration pour les victimes de génocide, de crimes de guerre ou autres crimes contre l’humanité», tel que recommandé à l’article 6 alinéa 8, tant que des organisations compétentes n’aient pas encore reconnu que ces crimes ont été commis au Burundi.

Le protocole II intitulé « Démocratie et bonne gouvernance » porte sur l’organisation et la gestion du pays par les différentes institutions. Il développe les valeurs fondamentales des Burundais, leurs droits et devoirs, le fonctionnement des partis politiques sans l’ingérence des pouvoirs publics ‘‘sauf pour ce qui est des restrictions nécessaires à la prévention de la haine ethnique et au maintien de l’ordre public’’

Anciens présidents, sénateurs à vie 

Ce protocole revient aussi notamment sur les élections, les prérogatives de différents pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire), la gestion de la transition (celle-ci a pris fin avec la mise en place des institutions issues des élections de 2005), etc.  L’Accord d’Arusha avait donné aux anciens chefs d’État la prérogative de sénateur à vie avant que cela ne soit révisé dans la constitution du 8 juin 2018. 

Les parties signataires de l’Accord d’Arusha ont consacré le protocole III à la « paix et sécurité pour tous ». À l’article premier, alinéa 1, il est stipulé que « tous les citoyens burundais sans distinction ont le droit de vivre en paix et en sécurité ».

Ainsi, l’Accord oblige à l’alinéa 5 du même article à tous les Burundais de respecter le droit à la paix et à la sécurité de leurs concitoyens, ainsi que l’ordre public.

À l’alinéa 6, les signataires ont convenu cinq conditions préalables à l’établissement et au maintien de la paix et de la sécurité : « L’unité au sein des corps de défense et de sécurité ; la neutralité politique des corps de défense et de sécurité ; les qualités professionnelles, civiques et morales des corps de défense et de sécurité ; la neutralité et l’indépendance de la magistrature ; la répression de la détention illégale et de l’usage illégal d’armes ».

En plus, l’Accord d’Arusha rejette l’utilisation de la force comme moyen d’accéder et de se maintenir au pouvoir. 

L’article 9, alinéa 1, souligne l’effet de vases communicants en matière de sécurité entre le Burundi et ses pays voisins : « […] La  sécurité à l’intérieur du Burundi est intimement liée à la sécurité dans la région des Grands Lacs et à des facteurs externes tels que l’insécurité dans les pays voisins, les idéologies hégémonistes et/ou génocidaires dans la région des Grands Lacs, le trafic d’armes et la présence de mercenaires ». 

Les chefs d’Etat de la région, garants de l’Accord 

L’Accord d’Arusha interdit formellement aux forces de l’ordre de faire de la politique. Ni les corps de défense et de sécurité, ni aucun de leurs membres ne peuvent, dans l’exercice de leurs fonctions notamment porter préjudice aux intérêts d’un parti politique qui, aux termes de la Constitution, est légal. 

Non plus, ils ne peuvent pas manifester leurs préférences politiques, avantager de manière partisane les intérêts d’un parti politique, être membre d’un parti politique ou d’une association à caractère politique ou participer à des activités ou manifestations à caractère politique.

Dans le protocole IV dénommé « Reconstruction et développement », les signataires se sont penchés sur la réhabilitation et la réinstallation des réfugiés et des sinistrés, sur la reconstruction matérielle et politique et sur le développement économique et social. 

Le protocole V porte sur les « Garanties pour l’application de l’accord ». C’est dans cette partie qu’on se rend compte que le contenu de l’Accord d’Arusha devait avoir été expliqué aux Burundais : « Toutes les Parties au présent Accord s’engagent à lancer une vaste campagne d’information et de sensibilisation de la population concernant le contenu, l’esprit et la lettre de l’Accord », ainsi lit-on à l’article premier de ce protocole. 

L’Accord d’Arusha prévoyait la création d’une commission de suivi de l’Application de l’Accord et elle a été mise en place. Celle-ci était chargée notamment de veiller à l’interprétation correcte de l’Accord. 

Au point 2 de l’article 10 de ce protocole, il est clairement mentionné que les chefs d’État de la région servent de garants de l’Accord d’Arusha. 

Au sujet des mandats présidentiels, l’article 7, alinéa 3, du protocole II, souligne qu’aucun président burundais ne peut exercer plus de deux mandats : « Il est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois ». 

Ce même article, à l’alinéa 1, prévoyait particulièrement l’élection du premier président au suffrage universel indirect et c’est tel que ça s’est fait en 2005. 

Des faiblesses ne manquent pas 

L’Accord d’Arusha a été un texte de référence dans la gestion du pays depuis sa signature mais il sied de mentionner certaines de ses faiblesses notoires.  

Il a été signé sous la pression de la communauté internationale, avec une liste de réserves de certains politiciens. Et ceux-ci ont exigé qu’elles fassent partie intégrante de l’Accord. 

Autre point faible, c’est que les partis signataires (voir la liste ci-dessous), excepté le Frodebu et l’Uprona, et peut-être le Cndd, sont devenus presque insignifiants sur l’échiquier politique à l’issue des élections de 2005. 

Rappelons que l’Accord d’Arusha n’a pas été signé par de principaux mouvements armés qui se battaient contre Bujumbura, le Cndd-Fdd et le Palipehutu Fnl.

Leurs leaders d’alors, Pierre Nkurunziza, président de la République depuis août 2005, et Agathon Rwasa, Premier vice-président de l’Assemblée nationale depuis 2015, se disputent presque seuls sérieusement la scène politique burundaise depuis une décennie.    

Aucun des partis politiques signataires ne pesant pas aujourd’hui grand-chose sur la scène politique, l’Accord d’Arusha, même si la Constitution de juin 2018 le mentionne dans les préambules, reste dans l’ombre de cette dernière.

Le mieux aurait été que les Burundais s’en approprient après sa signature. Les politiciens ne s’y sont pas investis même si le même accord le recommandait.  

Parties signataires  

  1. Gouvernement du Burundi
  2. Assemblée Nationale
  3. ABASA
  4. ANADDE
  5. AV-INTWARI
  6. CNDD
  7. FRODEBU
  8. FROLINA
  9. INKINZO
  10.  PALIPEHUTU
  11.  PARENA
  12.  PIT
  13.  PL
  14.  PP
  15.  PRP
  16.  PSD
  17.  RADDES
  18.  RPB
  19.  UPRONA

 

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