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Analyse

La croissance démographique au Burundi : une « bombe » qu’il faut (vite) désamorcer

Actuellement estimée autour de 12 millions, la population burundaise ne cesse d’aller crescendo. Et d’après les projetions de l’ISTEEBU, elle aura doublé en 2050. Normal pour un pays qui affiche un taux de croissance de 2,4 % et un taux de fécondité de 5,5 enfants par femme selon cette même institution.

Cette situation est lourde de conséquence. En tête de liste, la pauvreté qui bat son plein. En effet, avec un taux de pauvreté estimé à 74,7 %, le Burundi est parmi les 5 pays les plus pauvres de la planète et a un taux de malnutrition de 60 %. Ici, c’est sans parler des chiffres du chômage, cette autre bombe à retardement, due en partie à cette démographie galopante non maîtrisée. 

Qui plus est, force est de constater aussi que cette situation fait que le Burundi affiche une densité par km² parmi les plus élevées de la région, ce qui a un impact désastreux sur les terres cultivables. Ceci n’est pas sans engendrer des conflits fonciers devenus de plus en plus fréquents par les temps qui courent.

Les pouvoirs  publics  « inquiets » 

Pour preuve (et c’est un exemple), en 2016, le deuxième vice-président de la République reconnaissait que « la croissance démographique exerce une pression sur les maigres ressources naturelles et financières, mais aussi au niveau des infrastructures socio-économiques ».

Une mise au point couplée des appels répétitifs des pouvoirs publics et de la première dame pour la prise de conscience en vue de la réduction des naissances, sans effet. Du moins pour le moment, malgré certaines avancées dues notamment au recours aux méthodes contraceptives. 

La question préoccupe aussi les élus du peuple. Le 6 juin 2019, ils avaient invité trois ministres pour une séance de questions orales. De leurs échanges, il en est ressorti que les locateurs de Kigobe sont favorables à une loi pour la limitation des naissances. Ce qui ne convaincra pas Pascal Barandagiye, ministre de l’Intérieur et de la Formation Patriotique, pour qui « les mœurs et coutumes ne permettraient pas l’existence d’une telle loi » au Burundi.

Comment s’y prendre ?

La question de la croissance exponentielle de la population burundaise mérite une attention particulière. C’est du moins l’analyse du démographe et enseignant d’université,  René Manirakiza, pour qui une solution unique n’est pas la seule à envisager, car elle peut ne pas produire les résultats souhaités. 

« Ainsi, note celui qui n’est pas favorable à une loi pour la limitation des naissances pour des raisons de droit de l’Homme, avec une croissance démographique de l’ordre de 2,4% (un doublement de la population tous les 30 ans), et eu égard aux ressources et aux besoins socio-économiques du pays, il y a de quoi s’inquiéter surtout qu’à ce qu’il paraît, cette augmentation de la population n’est pas prête de s’arrêter en raison de la jeunesse de la population burundaise. »

Et même si on parvenait à réduire le niveau de fécondité pour atteindre le niveau permettant le remplacement des générations (deux enfants par femme), continue le démographe, la population pourrait continuer à augmenter pendant quelques décennies, d’où l’urgence de se préparer à faire face à cette situation.

Le professeur Manirakiza, Coordinateur aussi du Centre d’Études et de Recherches en Population et Développement (CERPED), insiste sur la nécessité de réduire sensiblement le niveau de fécondité par femme. Ceci doit passer, dit-il,  par la réduction de la mortalité (ici des avancées sont à saluer) car avec la mortalité réduite, les couples peuvent être favorables à la réduction des naissances. 

Et s’il faut faire en sorte que les femmes désirent moins d’enfants en misant sur la scolarisation (ce qui implique le mariage tardif et par conséquent moins d’enfants) et l’accès à l’emploi, la disponibilisation des méthodes contraceptives pour toutes les femmes et les hommes qui le désirent doit être aussi assurée avec un suivi de proximité (employer par exemple les prestataires de la communauté qui prêchent par le bon exemple).

Mais encore, faut-il informer les couples sur les avantages d’une fécondité réduite.

Et le dividende démographique ?

La meilleure politique de la population étant celle qui milite pour la réduction de la mortalité et la longévité de la population, il faut donc savoir gérer les enfants qui sont déjà nés.  Selon le Docteur René Manirakiza, en même temps qu’on travaille sur la réduction des naissances, le mieux serait que ceux qui existent déjà soient capitalisés pour contribuer à leur propre épanouissement. Investir dans la promotion des capacités de la population en améliorant sa santé, son alimentation, son éducation pour enfin la rendre professionnelle est le meilleur moyen d’y arriver. 

Et puisqu’un contexte favorable à l’utilisation de cette population est une condition, des politiques capables d’aider cette population à utiliser son savoir-faire, pour tirer le dividende démographique sont d’une grande nécessité. Mais tout ceci serait vain sans stabilité, sans un environnement économique et politique favorable, sans une gouvernance sans faille. 

Car, conclue le coordinateur du CERPED, il ne faut pas se faire d’illusion, même avec la diminution des naissances, sans un investissement dans la qualité de la population (comprendre une population en bonne santé avec un bon niveau de savoir-faire et des compétences professionnelles améliorées), et dans un contexte favorable pour capitaliser cette population, les problèmes que connaît le Burundi risquent de perdurer.

 

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