Depuis que la faim a franchi, sans visa, l’estomac du jeune burundais, que son CV, son diplôme servent d’emballage de sucre dans la boutique du quartier, que les rêves de nos sœurs chutent avant leurs seins, que médecins, ingénieurs, professeurs d’Universités,… peinent à trouver de quoi bouillir leurs marmites, l’exode vers d’autres champs plus féconds est devenu, non un choix, mais une issue de secours.
Eux, ce sont aussi ces licenciés, la trentaine, poches vides, rides précoces, qui tentent, telle une mouche contre une vitre, de dynamiter ce noyau dur des recruteurs… en vain. Les plus chanceux se retrouvant éternellement cloués au fauteuil de stagiaires.
Las de courir derrière le néant, certains retournent ramasser la bouse de vache à la campagne, d’autres redeviennent maquisards chez un oncle, une tante, un beau-frère… à se chamailler le morceau de pain avec leurs nièces. S’étonnera-t-on qu’à l’occasion, ces tontons rejoignent nos chers tambourinaires ou nos jeunes prodiges de la robotique ?
Burundi, une zone aride de l’emploi?
Nouvelle parade. Ils sont des centaines, des milliers à enterrer leurs diplômes, vendre aux enchères le dernier lopin de terre familial, s’acheter un billet puis investir la route de la transhumance. Direction: la Zambie, le Kenya, l’Ouganda… Ainsi, le Burundi se vide de sa matière grise. Ses forces vives le quittent, à la recherche de nouveaux pâturages.
Reste-t-il peut-être un espoir pour nos chères sœurs étant donné que les candidatures féminines sont vivement encouragées? Niet! Cette «comédie» inscrite sur les TDR n’excite pas la jeune Linda. Une étudiante en master en administration publique au Canada: «Vous savez tout aussi bien que moi qu’à moins que votre pater familias ne roule dans un V8 aux vitres teintés ou que vous n’ayez des connexions dans la haute sphère de la politique burundaise, les radars des employeurs ne vous repèrent pas, que vous ayez la barbe ou pas». Et d’enfoncer le clou : «Cela dit, ne m’attendez pas si tôt à Buja».
Pour Linda, cette fuite de neurones n’est pas seulement dûe au chômage, « elle tire racine également dans les rémunérations boiteuses et les lendemains incertains qui hantent le Burundi et par ricochet l’environnement du travail».
Ne l’écoutez pas, nous avons des… «Patriotes»
Mais oui, mais oui. Comme Kevin, un de ces jeunes dont le patriotisme jaillit par tous les pores. Parti aiguiser sa cervelle au royaume du Maroc, il revient, drapeau au dessus de ses épaules, un master en Agroéconomie sous le bras et l’hymne national dans la bouche. Bonjour le développement.
Bénéficiaire d’une bourse d’excellence, Kevin revient vibrant d’optimisme que le pays du lait et du miel lui réserve un goût digne de ce nom. Navré! Ni le lait, ni le miel, ni rien du tout… sa langue restera pendante pendant trois ans. «Je croyais que le pays nous avait envoyés nous perfectionner dans des domaines dont il a le plus besoin, qu’il y aurait un projet d’ordre public qui nous attendait», regrette le pauvre. Plutôt le maître.
Faut-il souligner aussi que trois des boursiers de la même promotion que Kevin ont préféré sculpter leur carrière ailleurs. « Si j’avais pu prévoir la veille ce qui allait m’arriver le lendemain, j’aurais fait comme eux et ne serais revenu au Burundi que pour les vacances », glisse-t-il, le moral en berne.
“Where there is bread, there is one’s fatherland” (là où il y a du pain, il y a une patrie, ndlr), nous aura averti John de Crevecoeur. Inutile de vous assener une leçon de macroéconomie pour comprendre ça. Bref, entre le «brain drain» et le «bread gain», le Burundi devrait choisir à quoi s’attaquer en premier.
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