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Quel est le sens des noms que nous, Burundais, portons?

Nos ancêtres conféraient des facultés extraordinaires au nom. Le nom, «Izina» en Kirundi, donnait le pouvoir à un Burundais d’être et d’exister. Dans ce billet, nous allons répondre aux différentes questions inhérentes à la fonction du nom dans la tradition burundaise.

«Izina» : nom individuel VS «Amazina» : genre littéraire, poético-lyrique

L’ouvrage «Des noms et des hommes» de Philippe Ntahombaye nous éclaire sur le vrai sens des noms rundi. Selon ce linguiste, le pouvoir du nom individuel doit être saisi dans le cadre d’une tradition orale où la parole est sacrée. Le nom individuel étant attribué à un enfant vers l’âge de 2 ans, aucun nouveau-né ne recevait un nom à la naissance. Les Burundais attendaient que l’enfant puisse grandir pour lui donner un nom car ce dernier fait «vivre» et «exister». Dès que l’enfant pouvait parler, répondre à un appel, à ce moment, le père ou n’importe quel membre de la famille lui attribuait un nom permettant ainsi à l’enfant son intégration dans la société. À l’époque, les prénoms n’existaient pas. Chaque Burundais portait un seul nom qui n’est ni celui de son père, ni celui de son clan mais un nom choisi par sa famille rappelant les conditions de sa naissance.

Les noms individuels se décomposaient en plusieurs catégories : les noms de fonction pour toutes les personnes travaillant à la cour royale (ex: Inamukomacoto, Mutimbo, Mutwenzi,…), les noms liés aux traits physiques ( ex : Sunzu, Gashatsi,….) et aux traits de caractère (ex : Kadada, Rugambarara,…), les noms de bravoure (ex : Kankindi, Nkezabahizi,…), les noms liés aux événements (famine : ex : Inamapfa, maladies épidémiques : ex : Mugiga, période de troubles : ex : Rwimo,…), les noms comme signe antinomique de la mort ( «izina ry ‘ikuzo» : le nom pour faire grandir et exister ex : Kabunda, Ntamobwa,….), les noms de transfert de messages sociaux (ex : Ngoragoze, Barampama,…), les noms d’enfance (noms de sexe : ex : Gahungu, Gakobwa, …..noms liés à l’âge : Kayoya, Kana,….)

Changements et interdits liés au nom

Le nom individuel pouvait être changé selon certaines circonstances. En cas de conflits avec un chef ou un voisin, le Burundais pouvaient prendre un autre nom pour se protéger contre d’éventuelles représailles. D’autres changements pouvaient survenir pour se défaire d’un surnom. Les jeunes filles qui avaient reçu des noms de sexe pouvaient les changer la veille de leur mariage pour prendre un nom affirmant leur nouvelle personnalité.

Comme le linguiste Philippe Ntahombaye l’explique : «La mort d’un proche entraîne automatiquement la disparition de son nom. Kudeha, prononcer le nom d’un mort est prohibé. […..] C’est la peur qu’inspire la mort et le respect qu’on éprouve à l’égard du trépassé qui font qu’on ne prononce plus le nom dont il était l’incarnation.»

C’est pour cela que les personnes se réclamant d’un même clan donc du même ancêtre ne portent pas son nom et qu’il était interdit de porter le nom de son père, de son grand-père ou arrière-grand-père.

Selon la croyance, l’ennemi s’appropriait ton nom et ainsi ta personne si tu répondais à son appel au cours de la nuit. C’est pour cela que chaque individu était tenu de ne pas révéler son nom à des inconnus ou à des ennemis.

Pour des raisons administratives (recensements, paiement des impôts…), l’administrateur colonial aidé par l’Église a essayé d’introduire un système patronymique. Les régions de Ruyigi et Muyinga, où étaient installées les premières missions, ont été les premières à adopter le port du nom du père qui, avec les générations, était devenu un nom de famille.

Le christianisme y mit son doigt

Avec l’avènement du christianisme et l’obligation de l’enregistrement pour avoir accès à la scolarisation, est apparu un prénom de baptême accolé le plus souvent au nom du père. Certaines personnes se sont retrouvées avec trois noms (un prénom de baptême donné par la paroisse, le patronyme utilisé à l’école et le nom traditionnel connu dans la famille), entraînant ainsi des problèmes administratifs et judiciaires en cas de poursuite. Certains effets comiques et de non-sens accompagnaient le port du nom du père. Ainsi, la fille de M. Gasuguru (le petit bouc) s’appelait Mlle Gasuguru (Mlle le petit bouc ndr) ou l’épouse de M. Gahungu (petit garçon) devenait ainsi Mme Gahungu (Mme petit garçon)….

L’établissement de la 2ème République a résolu les problèmes juridiques et politiques liés au nom en décrétant, dans sa loi n° 1/1 du 15 Janvier 1980 portant code des personnes et de la famille, que le déclarant de la naissance est celui qui donne le nom et que le choix du nom est libre. Par contre, le changement de nom ne peut être modifié que par décision du ministre de la Justice sur requête de l’intéressé ou du tuteur.

Du Burundi royal à notre époque, le Burundais a compris que «Izina niryo muntu» même si certains tentent d’adopter certaines traditions occidentales comme le port du nom du père ou le port du nom du mari en oubliant que leur nom détermine leur existence.

 

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