Emmanuel Macron est en visite officielle au Cameroun ces 25 et 26 juillet. Une première depuis qu’il est à la tête de l’État français. Il est attendu sur plusieurs sujets.
L’Élysée a prévenu : les sujets de gouvernance et d’État de droit, tout comme les situations individuelles, feront l’objet d’échanges entre chefs d’État, mais la présidence française refuse toute « injonction médiatique ». Maximilienne Ngo Mbe, directrice du Réseau des défenseurs des droits humains d’Afrique centrale (Redhac) espère néanmoins que lors de son séjour, Emmanuel Macron prendra le temps d’écouter la voix de la société civile camerounaise et les solutions qu’elle préconise pour apaiser un climat sociopolitique tendu.
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« La première chose, c’est d’encourager le gouvernement camerounais à libérer les prisonniers politiques, les militants du MRC [Mouvement pour la renaissance du Cameroun]. Je veux parler aussi de certaines personnes arrêtées dans le contexte de la crise anglophone, mais il y a aussi la fameuse opération Épervier, énumère Maximilienne Ngo Mbe au sujet de cette opération de lutte contre la corruption et les détournements de fonds publics, lancée en 2006. Certains sont encore détenus, alors que tout le monde sait très bien qu’ils n’ont pas eu un procès équitable. Si on a l’occasion de voir le président Emmanuel Macron, voilà ce qu’on posera sur la table pour l’apaisement politique. »
La juriste camerounaise, lauréate en 2021 du prix Femme de Courage du département d’État américain, et récompensée en juin dernier par l’organisation Robert Kennedy pour les droits humains, soulève par ailleurs d’autres questions : « Le système électoral camerounais ne permet pas d’avoir des élections libres et transparentes et on sait très bien que c’est source de conflit. » Elle évoque enfin « la protection des défenseurs des droits humains. Avec la fermeture et la restriction de l’espace civique, les défenseurs des droits humains sont en danger au Cameroun et surtout les défenseurs femme. Lorsque vous êtes défenseur femme, vous êtes encore plus vulnérable ».
Le cas Atangana
Parmi les « situations individuelles » évoquées par l’Élysée, figure celle de l’ancien détenu français Michel-Thierry Atangana qui a passé 17 années en détention. Il a été condamné pour des faits de corruption, en même temps que l’ancien secrétaire général de la présidence, Titus Edzoa, dans le cadre de l’opération Épervier.
À l’époque de son arrestation, Michel-Thierry Atangana était à la tête d’un consortium d’entreprises chargées de développer des axes routiers au Cameroun. Libéré en 2014, Michel-Thierry Atangana n’a pas été réhabilité. Ses soutiens espèrent que la rencontre entre le président français, Emmanuel Macron, et son homologue camerounais, Paul Biya, sera l’occasion de faire avancer ce dossier. « Quand on vous vole 17 ans de votre vie, tant que vous n’êtes pas innocenté, vous êtes libéré physiquement, mais pas mentalement, remarque Pierre-Alain Raphan, ancien député français de La République en marche, à l’origine d’une loi pour venir au secours des Français détenus à l’étranger. On ne peut pas non plus demander maintenant à M. Atangana de travailler 17 ans de plus pour avoir un accès à la retraite. Les discussions sur la réhabilitation tournent autour de ces sujets-là. Il y a aussi un aspect économique. Qui va payer les indemnisations ? Ces aspects économiques font partie de ceux que seuls deux présidents peuvent débloquer. »
L’emblématique détention provisoire d’Amadou Vamoulké
Alors que le chef de l’État français a mis en avant la société civile africaine lors du sommet Afrique-France d’octobre dernier à Montpellier, la société civile camerounaise l’attend quant à elle sur plusieurs dossiers. Elle dénonce notamment plusieurs détentions prolongées, dont celle, emblématique, de l’ancien directeur général de la radio télévision nationale (CRTV), Amadou Vamoulké.
Le 29 juillet, cela fera six ans qu’Amadou Vamoulké, 72 ans, est en prison sans avoir été jugé et condamné. Son procès pour détournement de fonds détient le record mondial du nombre de renvois : 127. En comptant deux audiences préliminaires, l’ancien directeur de la CRTV s’est donc présenté 129 fois devant le tribunal. Le Groupe de travail des Nations unies a qualifié sa détention d’arbitraire et recommandé sa libération. « Monsieur Macron, président de la République qui représente un symbole en matière des droits de l’homme, doit aborder ce sujet comme d’autres prédécesseurs. Aujourd’hui, Amadou Vamoulké ne doit pas passer un jour de plus en prison », insiste Alain Masse, ancien directeur général de Radio France et coordinateur du Comité international pour la réhabilitation et la libération d’Amadou Vamoulké (Cirlav).