Ce lundi 25 avril est la journée mondiale de lutte contre le paludisme. Une maladie qui continue de tuer massivement. 630 000 personnes, essentiellement des enfants vivant en Afrique, ont succombé à la maladie en 2020. Le nombre de cas, lui, est d’environ 240 millions. De nombreux outils existent pour lutter contre le paludisme, et la palette continue de s’étoffer. Mais dans le même temps, des menaces pourraient entraver la lutte sur le continent africain.
Les armes pour lutter contre le paludisme ne sont pas encore suffisamment déployées : moustiquaires imprégnées d’insecticide, répulsifs, traitements préventifs pour les femmes enceintes et les enfants, médicaments curatifs. Un premier vaccin, destiné aux enfants, testé dans 3 pays et efficace à 30%, devrait bientôt rejoindre cet arsenal et devrait être plus largement déployé. Bref, une combinaison d’outils existe, et la palette continue de s’étoffer. Même si la recherche reste largement sous-financée, des innovations ont été mises au point, notamment dans le domaine de la lutte contre les moustiques vecteurs du paludisme.
« Il y a des nouveautés en ce qui concerne les moustiquaires imprégnées. On fait maintenant des combinaisons d’insecticides pour certaines moustiquaires avec différences classes chimiques, explique le docteur Pascal Ringwald coordinateur du département paludisme au sein de l’OMS. Cela permet de lutter contre la résistance aux insecticides, et d’augmenter l’efficacité. Dès qu’il y aura l’autorisation, ça pourra être mis en place. Ensuite, il y a les appâts sucrés ciblés pour les moustiques. Ce sont des appâts qu’on accroche à une certaine hauteur pour que les enfants ne puissent pas y accéder. C’est accroché sur l’extérieur des maisons, à peu-près à 1.8 mètre. Le fait qu’il y ait du sucre attire les moustiques. Et comme il y a aussi des insecticides, ça tue aussi les moustiques. On attend toujours l’autorisation. C’est testé au Mali, en Zambie et au Kenya. Ce sont des choses assez novatrices. C’est surtout pour les vecteurs à l’extérieur, on a beaucoup de mal à tuer les moustiques. Pour ceux qui rentrent, on peut imprégner les murs des maisons, mais ceux à l’extérieur posent un certain problème. »
Mais malgré ces innovations, plusieurs menaces pourraient grandement entraver la lutte sur le continent africain. Première menace : la résistance aux médicaments antipaludiques à base d’artémisinine. Plusieurs combinaisons de molécules existent, très efficaces. Or depuis peu, des parasites partiellement résistants à l’artémisinine ont été détectés au Rwanda, en Ouganda et dans la Corne de l’Afrique. Lutter contre ces parasites résistants et leur extension est crucial.
« Les premiers cas ont été trouvés au Rwanda, ensuite, on en a trouvé en Ouganda, puis dans la corne de l’Afrique, explique le docteur Pascal Ringwald. Cette résistance a émergé en Afrique. Elle n’a pas été importée comme certains chercheurs l’avaient prédit de la région du Mékong vers l’Afrique, mais elle a émergé spontanément en Afrique. L’OMS est en train de développer avec les partenaires une stratégie pour éviter l’extension de cette résistance aux pays voisins. Pour éviter d’autres émergences, il faudra une meilleure régulation de l’utilisation des médicaments, les médicaments de mauvaise qualité. Il faudra être attentif à la manière dont les médicaments sont utilisés. Il faudra vraiment qu’on travaille beaucoup avec les pays pour s’assurer qu’ils suivent bien les recommandations de l’OMS, d’un point de vue du traitement, d’un point de vue de la prévention, d’un point de vue lutte anti vectorielle. On est en train de développer une stratégie qui va encore prendre quelques mois pour le continent, et après, il faudra le mettre en place pour les différents pays pour limiter le problème des résistances. »
La 2e menace, sur laquelle alerte aussi l’Organisation mondiale de la santé, concerne le diagnostic : de nombreux tests de diagnostic rapide détectent une protéine particulière du parasite responsable du paludisme. Or certains parasites ont muté, et ne produisent plus cette protéine, rendant alors ces tests inopérants ; la Corne de l’Afrique est touchée de manière disproportionnée souligne l’OMS.
L’évolution des moustiques complique elle aussi la lutte contre le paludisme ; certains sont devenus résistants aux insecticides contenus dans les moustiquaires ou les répulsifs. Enfin, une espèce, baptisée Anophele stephensi, originaire d’Asie, s’est implantée à Djibouti il y a une dizaine d’années puis a été détectée plus récemment en Ethiopie, en Somalie et au Soudan, et pourrait continuer à gagner du terrain. Or ce moustique s’adapte facilement au milieu urbain, ce qui accroît le risque d’épidémies de paludisme dans les villes africaines, pointe l’OMS.
Pour les moins de 5 ans, le paludisme représente 44,1% des causes d’hospitalisation et 28% des causes de décès au niveau des hôpitaux.
Au Congo-B, le paludisme, première cause de mortalité chez les enfants de 5 ans