A Fort Dauphin, dans l’extrême sud-est, des incidents suspects enregistrés depuis mi-février dans les cours d’eau et lagunes autour de la société minière QMM (filiale de Rio Tinto) inquiètent. Hier, lors d’une conférence de presse conjointe, la ministre de l’Environnement, le ministre de l’Eau, et les responsables des principaux organismes publics liés à ces thématiques ont rompu le silence pour tenter d’éclaircir, à leur manière, certaines zones d’ombre.
Avec notre correspondante à Antananarivo, Sarah Tétaud
Une eau malodorante, visqueuse, et récemment, des poissons morts, flottant en surface, par centaines. Et ce quelques jours à peine après que l’exploitation d’ilménite a été autorisée par les autorités à déverser en urgence dans la lagune, les eaux pluviales qui menaçaient ses bassins de rétention d’eau de procédés de déborder.
Face à la presse, Ladislas Rakotondrazaka, ministre de l’Eau, de l’Assainissement et de l’Hygiène essaie de rassurer. « Je signale que le point de déversement se trouve à gauche dans le sens du courant mais les poissons retrouvés morts se trouvent à droite. C’est pour cela que nous ne sommes pas en mesure d’établir de lien causal de l’événement sans preuves scientifiques. Il est dans l’intérêt du gouvernement de préserver l’intérêt de la population. Mais le secteur privé qui a eu son autorisation légale mérite aussi d’avoir la protection du gouvernement. »
Une justification loin de convaincre les organisations de la société civile, les premières à avoir relayé les craintes des populations locales, fin février.
Hier, des spécimens de poissons morts et des prélèvements d’eau sont arrivés dans la capitale pour être analysés par l’Institut national des sciences et techniques nucléaires. Les résultats devraient être connus sous peu et rendus publics, promet Vahinala Baomiavotse, la ministre de l’Environnement et du Développement durable.
« Nous sommes en droit de nous questionner sur ce type d’incident. À ce jour, nous ne sommes pas en mesure de dire qu’il y a un lien de cause à effet ni quel est le niveau de risque pour la population. Nous attendons les résultats de recherche indépendante de l’INSTN avant de pouvoir conclure. Toutefois, nous appliquons le principe du pollueur-payeur à Madagascar. Donc s’il est avéré que la responsabilité de QMM est engagée, l’entreprise paiera et fera le nécessaire en matière de restauration (des écosystèmes, NDLR). »
Depuis lundi, par précaution, les activités de pêches ont été interdites autour du déversoir de l’usine. QMM s’est engagé à approvisionner en eau potable les villages où des poissons morts ont été retrouvés, et à pallier les pertes économiques subies par les pêcheurs.
D’après l’Autorité nationale de l’eau et de l’assainissement, le risque de pollution le plus grave a été évité : « en permettant à la société minière de déverser ses eaux pluviales dans la lagune, on a réduit le risque que les eaux issues de l’exploitation (eaux de procédés, NDLR) ne se déversent dans les milieux naturels. »
Le surplus d’eaux pluviales serait directement lié au passage du premier cyclone, Batsirai, le 5 février dernier.
Pour Vahinala Baomiavotse, ces incidents doivent pousser à une prise de décision plus radicale. « Cette manière de faire, ce processus de déversement adopté par QMM n’est plus acceptable dans les projets futurs. Même eux l’admettent. C’est peut-être la leçon à tirer de tout ça. A terme, Madagascar doit imposer des circuits fermés [aux industries extractives] si on veut continuer dans les investissements miniers. »