Au Mali, les autorités de Transition et la Cour pénale internationale ont organisé mardi 30 mars une cérémonie de réparation symbolique dans l’affaire des mausolées de Tombouctou, suite à la condamnation par la CPI, en 2016, d’Ahmad Al Faqi Al Mahdi, d’Ansar Dine, qui avait commandé la destruction des mausolées de Tombouctou. Mais des milliers de victimes attendent toujours justice, et témoignent de ce qu’elles ont vécu devant la Commission vérité, justice et réconciliation, prévue par l’accord de paix 2015 pour tous les crimes commis dans les régions du nord du Mali depuis 1960.
De notre envoyé spécial à Tombouctou,
C’est une petite maison que rien ne distingue des autres. Mais ses murs ont entendu des récits bien douloureux. Depuis janvier 2017, l’antenne tombouctienne de la Commission vérité, justice et réconciliation a recueilli plus de 4 200 dépositions, personnelles et confidentielles.
Mamadou Baba Traoré est le chef d’antenne de la Commission à Tombouctou. « Ce qui donne de l’espoir, c’est la recherche de la vérité et certaines des réparations matérielles, pécuniaires, quelquefois morales, quelquefois un simple pardon. Certaines victimes disent vouloir seulement qu’on reconnaisse ce qu’on leur a fait et qu’on leur présente des excuses », explique Mamadou Baba Traoré.
Il dresse ensuite un portrait des nombreuses victimes qui sont venues témoigner. « La plupart des victimes sont des victimes qui relèvent des événements de 2012 (pendant la période d’occupation par Ansar Dine et Aqmi, ndlr), des cas d’enlèvements de personnes, de pillages de biens, de séquestrations. Il y a encore des personnes qui, jusqu’à aujourd’hui, ne savent pas ce que sont devenus leurs parents. »
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« On a perdu presque tout ce qui était chez nous »
Les témoins viennent des régions de Tombouctou et de Taoudeni ; des missions ambulantes ont aussi été organisées, mais l’immensité du territoire à couvrir, le coût des déplacements et les contraintes sécuritaires empêchent certains de témoigner. Cette habitante de Tombouctou accepte de parler au micro, mais sans donner son nom.
« Notre maison a été frappée pendant l’occupation. On a perdu presque tout ce qui était chez nous. Il y a eu une détonation au niveau des camps. Par chance, on n’était pas dedans. Du début de l’occupation jusqu’à la fin, je n’ai pas quitté Tombouctou », dit-elle. Puis elle ajoute : « Il y a toutes sortes de victimes confondues : des victimes de viols, de séquestration… Moi, je suis venue faire ma déposition. Après ça, on a référé les autres victimes pour qu’elles aussi puissent faire leur déposition à leur tour. »
Un soutien psychologique pour les victimes
Alidji Sidi Haidara, lui, est transporteur. Son témoignage concerne des faits de criminalité récents, survenus après la période d’occupation jihadiste. « J’ai été braqué deux fois, en venant de Goundam parce que je fournis du gravier pour les entreprises qui font des constructions. Deux fois, on les a suivis et on nous a braqués. Et en même temps, j’ai eu encore un autre braquage ; là, j’étais dans mon véhicule avec deux autres femmes. Sur le même tronçon, on a enlevé mon véhicule et on nous a laissés comme ça », raconte Alidji Sidi Haidara.
La Commission fournit un soutien psychologique aux victimes qui le souhaitent. Les témoignages recueillis pourront servir ensuite aux victimes qui veulent entamer, de leur côté, des procédures judiciaires, ou à toute initiative future, nationale ou internationale, de réparation.