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ECONOMIE

Madagascar: la grande logistique de la campagne du litchi (Série 2/3)

Suite et deuxième volet de notre série sur la campagne litchi à Madagascar, dans la ville portuaire de Tamatave qui vit ses derniers jours d’une saison très courte,moins de 15 jours, mais réellement intense.

En termes de tonnages, Madagascar n’est pas un très gros producteur de litchis. La Chine produit par exemple 19 fois plus de petits fruits roses que la Grande île. En revanche, Madagascar monopolise depuis plusieurs décennies la place de premier exportateur de l’hémisphère sud. La raison ? Le pays est le seul à pouvoir approvisionner les pays de l’Union européenne, consommateurs saisonniers de litchis, au moment des fêtes de fin d’année.

Toutefois, la filière de ce fruit tropical reste très artisanale. La production est alimentée par plus de 30 000 petits producteurs, disséminés sur une bande de 250 km de long au nord et au sud de Tamatave. Alors, pour arriver à exporter quelques 15 000 tonnes de litchis à l’international en moins de 15 jours, la Grande Île bénéficie d’une arme redoutable : des opérateurs rodés à une organisation millimétrée et une main d’œuvre disponible en abondance. Un véritable tour de force logistique.

Dans le hangar qui jouxte le quai, les camions chargés de litchis font la queue pour pouvoir déposer la précieuse marchandise au pied du Reefer. Un cargo aux cales entièrement réfrigérées conçu pour transporter de très gros volumes.

La gestion du chargement du bateau est confiée depuis 20 ans à Benoit Leverrier, un Français envoyé par les importateurs européens. A ses côtés, au port, 40 personnes s’activent jour et nuit dans cette course contre la montre.

« Du fait que ce soit une campagne qui ne dure que 8 jours, c’est unique sur des filières fruits, que ce soit la mangue, la banane, l’ananas, où là, ce sont des productions annuelles qui sont exportées chaque semaine ou chaque mois. En termes de chargement, je dirais qu’on est dans des performances importantes puisqu’on arrive à charger jusqu’à 3 000 tonnes par jour. C’est un rythme d’autant plus honorable que nous ne travaillons que deux navires par année. Alors que dans les autres ports, en prenant la référence de la Côte d’Ivoire, ils travaillent un bateau par semaine. Donc ils font entre 50 et 55 bateaux par an. Ici, la première journée, chaque année, il faut remettre en place les automatismes, l’organisation, les réflexes. Et l’efficacité. »

Nous sommes jeudi 19 novembre. Les cales du second et dernier bateau en direction de Zeebrugge, gros port européen en Belgique, se ferment définitivement … 3 jours à peine après celles du premier navire. Un exploit.

Dans sa station de litchis, les traits tirés, Yvon Régis, l’un des trente exportateurs litchis du pays, peut enfin souffler. Encore un ou deux conteneurs à remplir pour Dubaï et les Caraïbes cette semaine, mais le gros du travail est terminé.

« On achète du litchi, on produit des palettes de litchi pendant huit, et là c’est intense. Mais on a 400 personnes qui travaillent toutes les nuits. Et quand tout est fini, qu’on n’a plus à expédier, on ferme. Et on se revoit dans un an, avec le personnel. »

Les délais sont si courts que toute la chaîne logistique doit être maîtrisée. Même le paiement des producteurs, collecteurs et transporteurs a été optimisé.

« Depuis 5 ans, on a un vrai changement, on fait le paiement de nos producteurs par téléphone, via Mvola (opérateur de mobile money). Avant on passait à la banque, on retirait l’argent avec tous les risques que ça comporte, et après on avait des coffres à l’intérieur de nos bureaux et on payait en espèces et ça prenait beaucoup de temps. Et puis on parle de milliards d’ariary ! Donc c’était très dangereux. C’est quand même plus pratique et plus sécurisant. »

Seul paramètre difficilement maîtrisable et aux conséquences dommageables : la pluie. Elle empêche la cueillette, le soufrage et le chargement dans le bateau. A elle seule, elle est le grain de sable qui peut mettre en péril la saison. Et rempli ou non, le premier des deux bateaux doit partir pour arriver, non plus deux, mais désormais quatre week-ends avant les fêtes.

En effet cette année, face à l’incertitude du marché européen causée par les confinements successifs, les importateurs ont choisi d’élargir la plage des ventes et de proposer du litchi pour le 6 décembre, la Saint Nicolas.

Un coup de poker, qui, s’il s’avère payant, pourrait redonner de l’élan à une filière qui s’est construite autour d’une date, le 25 décembre, et qui doit sa réussite à une opération logistique unique au monde.

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