Minembwe, où des milliers de déplacés banyamulenge ont trouvé refuge, est toujours sous la menace de groupes armés maï maï. Depuis mars dernier, sur les Hauts plateaux du Sud-Kivu, il y a eu quelques dizaines de morts, issus de toutes les communautés mais aussi des centaines de maisons ont été brulées et des milliers de vaches volées. Comment expliquer ce cycle de violences ?
À Kinshasa, des représentants de la communauté babembe ont exigé la dissolution de la commune rurale de Minembwe, préalable, ont-ils dit, « à la fin de la guerre » sur les Hauts plateaux du Sud-Kivu. Pour ces leaders d’une des communautés du Sud-Kivu dont les Maï Maï encerclent aujourd’hui Minembwe, les Banyamulenge sont d’immigration trop récente pour pouvoir revendiquer une commune.
Ils pointent le fait que le RCD – rébellion soutenue par le Rwanda et dont la principale figure et actuel ministre de la Décentralisation, Azarias Ruberwa, est munyamulenge – avait déjà sous sa coupe voulu faire de Minembwe un territoire.
Le directeur des douanes, Yoram Eciba est le président de la communauté babembe. « Les motivations, les mobiles qui sous-tendent la création de la commune de Minembwe sont connues. Ça n’a pas commencé aujourd’hui. En 1999, quand ils avaient toute la force, quand ils avaient le pouvoir, ils avaient déjà créé un territoire là-bas contre la volonté des Babembe. Ce territoire a été supprimé, pourquoi ? Parce que ça ne va pas. Nous avons des Congolais en France. Il y en a qui ont acquis la nationalité, ils sont nombreux. Est-ce qu’ils ont jamais demandé une terre en France ? Non, ça n’existe pas. Et le jour où ils vont demander une terre en France, la France va les expulser. »
Pour les représentants de la communauté banyamulenge, la création de la commune de Minembwe est un prétexte. Celle-ci a été décidée par un décret en 2013, formellement installée juste avant les élections, comme des dizaines d’autres.
La menace de groupes armés
Depuis 2017 et jusqu’à ces derniers mois, les affrontements au Sud-Kivu se limitaient aux groupes armés, les civils étaient plus rarement ciblés. Il y avait d’un côté les rebelles burundais, FNL et Red Tabara, et des groupes maï maï, dont ceux des Babembe. De l’autre, les Gumino, un groupe banyamulenge et le RNC du général Kayumba Nyamwasa, hostile au président rwandais Paul Kagame. On parlait d’une guerre par rébellions interposées entre le Rwanda et le Burundi.
Depuis le début du mois de septembre, des milliers de Banyamulenge ont été contraints à se réfugier à Minembwe et restent sous la menace de groupes armés. Ils ont été dépouillés de leurs vaches, leur principale source de revenus, et dénoncent l’inaction des forces armées congolaises. Pour l’une des figures de la communauté banyamulenge, Enock Ruberangabo Sebineza, ces Maï Maï, comme les rebelles burundais qui feraient partie de leurs assaillants, n’ont pas que le soutien des FARDC.
« On nous punit parce qu’on a refusé de collaborer avec les Rwandais. La preuve est que, aujourd’hui justement, le Rwanda envoie les Red Tabara pour collaborer avec les Babembe, les Bafuliru, et non avec les Banyamulenge. Le cas des M23 par exemple. Nous, les Banyamulenge, on a fait une rupture totale avec le Rwanda. »
Cycle de violences
Du côté du la communauté babembe, représentée dans ces groupes maï maï, on dément tout lien avec les rebelles burundais et autres groupes étrangers. Les groupes yakutumba et ebwela n’auraient fait que se défendre contre les agressions du groupe banyamulenge Gumino. Pour le président de la communauté babembe et directeur des douanes, Yoram Eciba, ce sont les Banyamulenge qui sont à l’origine de ce cycle de violences.
« Ça fait des décennies que nous vivons avec les Tutsis dans notre territoire. Nous les avons accueillis, nous les avons encadrés comme il se doit. Comme étrangers. Ils ont pu acquérir la nationalité, on n’a pas fait de problème. Aujourd’hui, pour quelle raison on va les chasser ? Depuis le début nous venons en réaction à un comportement inapproprié des hôtes. »
Au Sud-Kivu, rares sont les communautés qui n’estiment pas que les Banyamulenge sont d’immigration récente, quand ces derniers revendiquent une présence sur le territoire depuis 200 ans. Ces communautés se disent aussi excédées par l’attention portée aux Banyamulenge quand les crimes commis depuis la première guerre du Congo par certains de leurs officiers sont toujours restés impunis.
Du côté des rebelles burundais Red Tabara, on dément avoir participé au déplacement forcé des Banyamulenge au Sud-Kivu. Et on assure avoir affronté pour la dernière fois les Gumino et le RNC de Kayumba Nyamwasa en octobre 2018.