Avec près de 10 000 personnes mobilisées réfugiés comme populations hôtes Child Voice Out (CVO) s’est imposé comme une initiative déterminante dans la lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants au Burundi. Par des campagnes de sensibilisation, des ateliers éducatifs, des clubs d’enfants et des forums communautaires, ce projet novateur porté par PAXED a contribué à une prise de conscience collective et à une meilleure protection des enfants dans des contextes particulièrement vulnérables.
Lancé en avril 2024 avec le soutien financier d’Ignite Philanthropy, Child Voice Out a ciblé principalement les camps de réfugiés de Bwagiriza, Nyankanda et Kavumu, ainsi que les localités environnantes. Le projet s’est achevé en avril 2025, après une année d’intervention dense et stratégique centrée sur la prévention des violences sexuelles envers les enfants et le renforcement de la culture de protection.
Le programme s’est déployé à travers des campagnes de sensibilisation régulières, des conférences, des sessions de réflexion intergénérationnelles, et des clubs d’enfants. Ces derniers ont offert à plus de 560 jeunes filles et garçons de 10 à 17 ans des espaces sûrs d’expression, d’apprentissage et de vigilance communautaire. Grâce à des approches participatives, les enfants ont acquis une meilleure connaissance de leurs droits et des comportements à adopter pour se protéger.
« Grâce aux sensibilisations, certains enfants ont développé plus de confiance en eux. Ils savent désormais à qui s’adresser en cas de violences », souligne Lydie Sifa, coordinatrice du projet.
Le projet a également permis la formation de 85 personnes, incluant des membres de l’équipe, des animateurs communautaires, et des leaders locaux sur la prévention et la gestion des violences sexuelles basées sur le genre (VSBG).
Des témoignages qui brisent le silence
Dans les camps, le projet a encouragé les familles à jouer un rôle actif dans la lutte contre les violences. Anazore Kahindo Bibishe, mère de quatre enfants au camp de Nyankanda, témoigne :
« Les sessions ont brisé des tabous. Elles ont donné le courage à certaines victimes de parler et ont freiné les tentatives de règlements à l’amiable. »
Pour Réponse Yoshwa, un adolescent du camp de Kavumu, Child Voice Out a été une révélation : il a appris à repérer les signes de violence, à réagir de manière appropriée et à aider ses camarades.
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Le projet n’a pas seulement sensibilisé, il a aussi agi concrètement sur les cas de violences. En avril 2025, 107 cas avaient été identifiés, traités et suivis, dont des viols, des tentatives de viol, des grossesses précoces, des mariages d’enfants et des cas de harcèlement sexuel. 22 cas particulièrement sensibles ont été référés vers des structures spécialisées.
« Ces chiffres sont inquiétants mais montrent aussi l’efficacité du dispositif de signalement mis en place », commente Olivier Mbeleci, directeur exécutif de PAXED.
Une mobilisation communautaire sans précédent
Au fil des mois, les animateurs de terrain ont organisé 168 sessions de sensibilisation, incluant jeux éducatifs, projections de vidéos, et activités interactives. Certaines sessions hebdomadaires ont rassemblé jusqu’à 800 enfants, dans un climat d’écoute et de participation active.
« Les enfants étaient enthousiastes. Les jeux-questionnaires ont été un excellent outil pédagogique », se félicite Lydie Sifa.
Cette approche inclusive a permis de mobiliser 9 728 personnes, réparties entre réfugiés et communautés locales. Ce chiffre dépasse les objectifs initiaux du projet, grâce notamment à l’extension de deux mois de la période de mise en œuvre.
Des défis structurels à ne pas négliger
Malgré ces avancées, des défis majeurs persistent. Les camps de réfugiés sont des espaces à forte promiscuité, où la pauvreté et les normes sociales rétrogrades favorisent les abus. Le recours fréquent aux règlements à l’amiable reste un frein majeur à la justice pour les victimes.
« La promiscuité et le manque de moyens favorisent les rapports précoces, les mariages d’enfants, et les violences banalisées », alerte Olivier Mbeleci.
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Pascaline Sango, mère de sept enfants au camp de Nyankanda, ajoute : « Certains cas de grossesses précoces sont réglés à l’amiable, au détriment des droits des enfants. »
Face à la recrudescence des violences sexuelles contre les enfants au Burundi, PAXED ambitionne d’étendre Child Voice Out à d’autres provinces du pays, en renforçant le soutien psychosocial, en développant des activités génératrices de revenus pour les familles vulnérables et en favorisant un dialogue interculturel pour déconstruire les tabous.
Prosper Aobe


