Plus tôt ce mois-ci, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a déclaré une urgence sanitaire internationale en République démocratique du Congo (RDC) concernant l’épidémie d’Ebola.
Cette épidémie est la deuxième plus meurtrière de l’histoire, a déjà tué plus de 1.600 personnes.
Le médecin haïtien Marie Roseline Darnycka Belizaire aide l’OMS à la coordination de la lutte contre la maladie en RDC.
Dans ce pays, les conflits armés, les zones géographiques difficiles d’accès, la peur et les suspicions généralisées constituent des défis majeurs qui ralentissent la lutte.
Marie Roseline nous parle du processus pour essayer de contenir Ebola.
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Première étape : le patient zéro
Un cas d’Ebola est une épidémie. Lorsqu’une personne est soupçonnée d’avoir le virus, nous devons rapidement obtenir des échantillons pour vérifier et confirmer s’il s’agit du virus.
Les symptômes sont très, très semblables à beaucoup d’autres maladies, comme le paludisme par exemple.
Elle peut commencer par des douleurs abdominales, des maux de tête, des maux de gorge, des fièvres…
Après deux jours, il y aura une exacerbation de ces symptômes ce qui met en danger de contamination les personnes autour du malade.
Par exemple, vous pouvez avoir la diarrhée, vous pouvez aussi avoir une fièvre plus élevée…
Après cinq à sept jours, nous pouvons commencer à voir des symptômes hémorragiques.
Lorsque nous arrivons aux derniers stades des symptômes, le patient souffre d’asthénie très prononcée, lorsque la personne devient très faible.
Les patients atteints d’Ebola ressemblent à n’importe quelle personne malade.
Lorsque vous êtes très habitué à voir des personnes atteintes d’Ebola, vous pouvez distinguer une personne souffrant d’Ebola qui présente les symptômes les plus graves.
C’est comme quelqu’un qui est très malade avec beaucoup de douleur dans son corps. Il te regarde avec une certaine anxiété, une certaine peur de mourir.
Nous avons trouvé des gens qui se sont échappés et qui sont allés se cacher pour mourir.
Nous avons mis en place ce que nous appelons un système de surveillance. Les membres de la communauté vont d’une maison à l’autre pour détecter si quelqu’un est malade.
Si tel est le cas, ils réfèrent cette personne à un centre de santé où l’agent de santé devra l’orienter à l’équipe de lutte anti-Ebola si les symptômes sont les mêmes que ceux d’Ebola.
À ce moment-là, nous recevrons une alerte.
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Pour confirmer un cas d’Ebola, nous devons prélever un échantillon et l’envoyer au laboratoire. Seule le résultat de l’analyse permet de confirmer ou infirmer le cas.
Tout au long de cette période, le patient bénéficiera d’un soutien psychologique.
C’est important parce que c’est une maladie mortelle qui peut tuer plusieurs membres de la famille en même temps.
Il est donc important que les personnes atteintes de la maladie ne soient pas stigmatisés de peur qu’elle ne s’isole.
Étape 2 : Le diagnostic
Si l’échantillon est positif, nous savons maintenant que nous avons un cas d’Ebola. À ce stade, nous mettons activons les principaux axes de notre plan d’intervention.
Ebola ne vous tue pas spontanément, vous avez le temps d’aller chercher de l’aide.
Si vous vous rendez dans un centre de traitement au cours des deux premiers jours de symptômes, vous avez 95 % de chances d’être guéri.
Mais si vous partez 10 jours après le début des symptômes, vous avez 95% de chances de mourir.
L’une des principales difficultés que nous rencontrons, c’est lorsqu’un médecin de la structure sanitaire locale soupçonne quelqu’un d’avoir le virus Ebola qu’il n’appelle pas rapidement.
Le problème, c’est que 90 à 95% de la structure de santé est privée. Donc, lorsqu’ils réfèrent le patient rapidement, ils disent qu’ils ne gagnent rien.
Parfois, ils gardent le patient, puis le patient infecte d’autres personnes dans la structure de santé.
Une fois que le patient est informé d’un résultat positif, l’équipe se rendra auprès de la famille pour lui en parler et lui offrir un soutien psychologique.
Dans le centre de traitement Ebola, nous nous assurons que chaque traitement est disponible pour le patient.
Nous faisons des analyses de laboratoire pour voir si les reins vont bien, si le cœur va bien.
Une fois que nous avons vérifié toutes les fonctions biologiques de la personne, le comité chargé du traitement se réunit et décide quelle est la meilleure option disponible.
Que la personne arrive tôt ou qu’elle arrive tard, elle bénéficie du même traitement.
Tous les patients bénéficient d’un soutien psychologique et tous les patients ont le droit d’avoir un membre de leur famille sur place, bien que le contact direct ne soit pas autorisé.
Nous sommes parfois aussi appelés après la mort dans une communauté. Dans ce cas, nous organisons un enterrement sécurisé pour éviter tout risque de contamination.
Étape 3 : la Cartographie
Une fois que le soutien psychologique est en place et que la famille accepte le résultat et comprend ce qu’il signifie, notre équipe de surveillance ira plus loin dans une enquête.
Nous faisons ce que nous appelons la « cartographie ». Il s’agit de trouver où et avec qui cette personne s’est trouvée, non seulement depuis l’apparition des symptômes, mais aussi 21 jours avant leur apparition.
Si quelqu’un a été dans une église, nous devons aller à l’église et essayer de trouver toutes les personnes qui ont été autour de cette personne.
Si cette personne est allée prier, alors le pasteur peut avoir imposé les mains à cette personne.
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Nous devons donc trouver toutes les personnes qui ont été dans la même pièce en train de prier avec cette personne.
Le nombre de personnes touchées dépend complètement des mouvements de cette personne.
Parfois, nous constatons que les familles sont les principaux contacts. Mais il s’agit aussi de membres de la communauté, des voisins ou des amis venus rendre visite au patient.
Lorsque la personne a été hospitalisée, cela signifie que tous les autres patients dans la chambre sont également des contacts.
Idem pour les travailleurs de cet hôpital et les personnes qui ont rendu visite aux patients dans la même chambre que le cas confirmé.
Vous pouvez comprendre à quel point il est difficile après avoir listé tous ces contacts de les identifier et de les trouver.
Une fois que nous avons identifié un par un chaque contact direct du cas, nous les suivons tous pendant 21 jours.
Pendant que nous les surveillons, nous procédons aussi à leur vaccination. Ceci est aussi valable pour les contacts des contacts identifiés.
Ce sont des personnes qui ont été en contact avec quelqu’un qui a été en contact direct avec le cas confirmé.
Nous appelons ces groupes la première, la deuxième et la troisième vagues de contacts.
Le nombre médian de contacts que nous avons établis se situe entre 50 et 150 personnes, ce qui nous aide à nous orienter lorsque nous les recherchons.
Nous avons eu un cas qui a généré 356 contacts parce qu’il était chanteur. Tout dépend de la cartographie socio-professionnelle ou de l’activité de la personne.
Étape 4 : Vaccinations
La première, la deuxième et la troisième vagues de contacts se voient tous offrir le vaccin, mais le vaccin n’est pas obligatoire.
Avant de leur offrir le vaccin, nous leur expliquons pourquoi nous le proposons et pourquoi il serait bon pour eux de l’accepter.
Nous leur expliquons aussi ce qui leur arrivera une fois qu’ils l’auront pris, car il y a des symptômes qu’ils peuvent avoir par la suite. Après tout cela, ils décident s’ils le veulent ou pas.
Comment fonctionne la vaccination ?
Quand ils décident de ne pas se faire vacciner, on essaie de les convaincre. Mais en fin de compte, c’est une décision personnelle.
Normalement, il n’est pas si difficile d’amener les gens à se faire vacciner, mais nous avons parfois des problèmes.
Nous avons trouvé des gens qui ne veulent pas se faire vacciner parce qu’ils ne veulent pas mettre de liquide externe dans leur corps.
Nous avons ceux qui ont refusé parce qu’ils ont une religion qui ne veut pas qu’ils se fassent vacciner.
Nous avons des gens qui refusent parce qu’ils ne croient pas en Ebola. Et nous avons des gens qui refusent parce qu’ils pensent qu’ils sont protégés contre toutes les mauvaises choses dans le monde.
Nous avons été confrontés à toutes ces choses lorsque les gens refusent le vaccin. Le vaccin a été d’une valeur inestimable pour ceux qui veulent le recevoir.
Nous ne vaccinons pas tout le monde dans le pays parce que le vaccin est encore à l’étude, le nombre de vaccins disponibles actuellement n’est pas suffisant, et en vaccinant le troisième cercle de contacts, nous créons de toute façon ce que nous appelons la vaccination communautaire.
Cela signifie que toute la population n’a pas besoin du vaccin.
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Nous travaillons dans des endroits très éloignés, alors parfois nous portons le vaccin sur la tête.
Nous avions une équipe qui devait marcher plus de cinq heures pour se rendre à un endroit parce qu’il n’y avait pas de voitures ni de motocyclettes pour s’y rendre.
Avec des endroits très éloignés dans la forêt, nous pouvons aussi avoir de l’insécurité parce qu’il y a des groupes armés qui y opèrent.
Parfois, on pense qu’on ne survivra peut-être pas. Un de nos collègues a été tué et il y a aussi des gens dans la collectivité qui ont été tués dans leur maison parce qu’ils travaillent avec nous dans le cadre de l’intervention.
Étape 5 : Coordination transfrontalière
Nous soutenons également les pays limitrophes dans leur plan de préparation et d’intervention.
Quand quelqu’un – un contact – est déplacé à un autre endroit, nous contactons rapidement l’autre pays.
Nous avons des contacts qui se sont rendus en Ouganda, mais nous avons rapidement informé l’Ouganda et ces contacts ont été identifiés et sont revenus en RDC.
Jusqu’à présent, la recommandation de l’OMS est de ne pas fermer les frontières.
Nous devrions renforcer les contrôles aux frontières, les contrôles aux points d’entrée, telle est la recommandation.
Aux points d’entrée, si quelqu’un est malade et essaie de se rendre dans un autre pays, vous pouvez le détecter.
Étape 6 : Épidémie terminée
Pour déclarer qu’une épidémie est terminée, il faut 42 jours sans aucun cas. Quarante-deux jours, c’est le double de la période d’incubation.
Une fois l’épidémie d’Ebola est terminée, nous commençons par une phase de surveillance.
Il s’agit de 90 jours pendant lesquels l’équipe est toujours sur le terrain.
Nous formons la population locale pour essayer de rendre le système durable.
Nous cherchons aussi activement dans la communauté pour trouver des cas qui se sont cachés d’une manière ou d’une autre.
Après une épidémie, nous voulons aider les systèmes de santé locaux à devenir plus fiables.