Par Lara Owen et Aidila Razak, BBC
Les médecins et les chercheurs mettent en garde depuis longtemps contre les taux alarmants de naissances par césarienne dans le monde.
La Chine a fait des progrès remarquables pour les réduire. Il y a moins d’une décennie, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) reprochait à ce pays d’avoir l’un des taux de naissances par césarienne les plus élevés au monde. Mais les choses ont changé très rapidement.
Les naissances par césarienne sont encore deux fois plus importantes en Chine que dans les pays scandinaves. Mais la pratique est en baisse dans le pays, selon les chercheurs. Les chiffres montrent que la Chine est sur la bonne voie pour inverser son taux élevé de naissances par césarienne.
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« La Chine a réussi à les réduire, ce que d’autres pays comme le Brésil n’ont pas réussi », a constaté le docteur Susan Hellerstein, professeure à l’Université de Harvard (États-Unis).
Ce succès est dû en partie aux importants investissements chinois dans les soins de maternité et à l’émergence d’une culture du « bien-être » chez les classes moyennes.
De nombreux experts estiment que le recul de la césarienne est important pour la Chine, qui a enregistré 17,2 millions de naissances vivantes en 2017.
Qu’est-ce qui ne va pas avec une naissance par césarienne ?
Dans de nombreuses situations, la césarienne sauve des vies. Mais elle comporte aussi des risques. Et comme toute intervention chirurgicale majeure, le rétablissement prend du temps. C’est pourquoi l’OMS met en garde contre cette pratique, surtout lorsqu’elle n’est pas nécessaire.
Certaines régions du monde, comme les pays scandinaves, ont toujours eu des taux faibles de césarienne. D’autres, en revanche, ont atteint des taux très élevés. C’est le cas du Brésil.
Au même moment, en Chine, les chercheurs font état d’un renversement de la tendance, en 25 ans. La culture du mieux-être et les conséquences de la politique de l’enfant unique ont permis de réduire le nombre de césariennes en Chine, selon les experts.
Mais l’État a été le facteur le plus déterminant, disent-ils, faisant allusion aux efforts fournis par la commission nationale chargée de la santé et de la planification familiale. Cette commission a fait de la réduction du nombre de naissances par césarienne une priorité nationale, avec un plan décennal. C’était à la suite d’une étude de l’OMS montrant que 46 % des accouchements ont eu lieu par césarienne.
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En Chine, il existe maintenant des cours obligatoires d’accouchement naturel et d’allaitement maternel, des cours de recyclage pour les médecins, dans le but de renforcer les compétences en obstétrique. Et de nombreux instituts de formation de sages-femmes ont été créés.
Mais la rigueur avec laquelle les hôpitaux sont tenus responsables des naissances par césarienne est ce qu’il y a de plus frappant dans la démarche chinoise. « Les services hospitaliers chargés des accouchements sont évalués, et des amendes sont infligées à ceux qui n’ont pas atteint les objectifs fixés », explique Liangkun Ma, obstétricien au Peking Union Medical College Hospital.
Les subventions étatiques sont également octroyées aux hôpitaux en fonction de leurs résultats en matière de réduction des taux de naissances par césarienne. En 2012, le gouvernement a pris la décision de fermer et de « réformer » ensuite des hôpitaux de la province du Hubei à cause de taux élevés.
Le docteur Ana Pilar Betrán, de l’OMS, qui étudie les interventions visant à réduire la pratique de la césarienne dans le monde, ne connaît aucun autre pays qui pénalise les prestataires de soins à cause de taux élevés. Le Portugal est le seul autre pays ayant une politique un peu similaire, selon elle. Dans ce pays, les hôpitaux sont récompensés s’ils obtiennent des taux bas.
Mais Ana Pilar Betrán estime que c’est « dangereux » de fixer des taux plafonds et de pénaliser les prestataires de soins de santé. « Un taux fixé ne vous dit pas si les femmes qui ont besoin d’une césarienne parviennent à en bénéficier », explique-t-elle.
Même dans les pays où les taux de césarienne sont élevés, les femmes meurent parce qu’elles n’ont pas accès à cette chirurgie qui peut leur sauver la vie. Au Pérou, a dit Mme Betrán, les naissances par césarienne chez les femmes les plus riches étaient d’environ une sur deux, mais seulement 5 % des femmes du segment le plus pauvre de la société accouchent par césarienne.
« La politique du gouvernement chinois a quelque chose d’assez unique. C’est quelque chose dont, en Occident, nous nous inquiéterions : c’est le fait que les médecins ont le droit d’aller contre la volonté de la femme. En Chine, on dit aux médecins qu’ils ont le loisir d’aller à l’encontre de la volonté de la femme », souligne le docteur Carine Ronsmans, co-auteure d’une étude sur le sujet, publiée dans le British Medical Journal (BMJ) en 2018.
L’an dernier, une femme en travail s’est donnée la mort en sautant d’une fenêtre d’hôpital après s’être vu refuser une césarienne, en Chine. Récemment, un homme a été arrêté pour avoir agressé un professionnel de la santé, qui a refusé une césarienne à sa femme.
Une longueur d’avance de la Chine sur les autres pays
Certains hôpitaux chinois offrent des thérapies alternatives pour soulager la douleur lors de l’accouchement, en faisant faire du yoga par exemple aux femmes. Mais il existe encore de grands écarts entre la Chine urbaine et la Chine rurale. L’amélioration des infrastructures hospitalières a entraîné une hausse générale des taux de césarienne dans les régions rurales.
Dans certaines régions, les taux restent si faibles que l’on s’inquiète du manque d’accès aux soins obstétricaux.
La Chine a certainement une longueur d’avance sur les autres pays pour avoir mis en œuvre une approche multiforme, pour réduire les césariennes.