A la rencontre de Marie-Rose Nicimpaye et Georgette Mahwera ©Akeza.net
C’est lors du lancement officiel du livre « ELLES, UN HOMMAGE AUX OUBLIEES » qu’avait organisé Mme Christine Ntahe ce 8 février 2019 que nous avons pu rencontrer certaines de ces femmes guerrières, ces héroïnes dont elle parle dans son recueil de témoignages. En 1993, chacune d’elles a connu une grande souffrance morale, physique des fois, mais elles ont tenu bon. Parmi elles, Marie-Rose Nicimpaye originaire de la province Karuzi et Georgette Mahwera, originaire de Kinama, des héroïnes vivantes.
Marie-Rose Nicimpaye, « même aujourd’hui on m’appelle Muhutu-Mututsi »
Marie-Rose Nicimpaye est originaire de la province Karuzi. Habillée en pagne, un foulard couvrant ses cheveux telles nos grand-mères des collines , Marie-Rose a 75 ans. Prenant la parole pendant le lancement officiel du livre de Christine Ntahe, elle mentionne des enfants qu’elle avait cachées au moment de la crise de 1993. D’un coup, des questions m’envahissent. Comment a-t-elle mené ce combat ? Comment vivaient ces enfants cachés ? Ne sortaient-ils pas la journée ? Il me faut des réponses. Toute souriante, Marie-Rose accepte de me parler. «Ces enfants je les ai cachés pendant 8 mois. Je les connaissais, je savais que leur mère avait été tuée » commence-t-elle.
Il s’agit de 4 jeunes filles tutsi qui venaient s’ajouter à ses 5 enfants. Ces filles arrivent dans les bras de Marie-Rose en passant par une de ses voisines. « Ils ne sortaient pas de la maison. Je préparais des tubercules et ils les mangeaient en cachette. Pour qu’ils prennent un peu l’air je pouvais ouvrir un peu la porte de la cuisine. Mes 4 enfants pouvaient sortir de la maison mais ils ne devaient pas non plus mettre un pied hors de l’enclos », dit Marie-Rose. Le temps passait et la brave femme soutenue par son mari et son beau-père protège en secret ces enfants. « Moi je reste ici», m’a dit mon mari. « Il n’a pas fui », souligne Marie-Rose. « Après que les survivants de la famille de ces filles soient venus les reprendre, pour me protéger, mon beau père offrait de la bière à nos voisins hutu qui, enragés par mon geste voulaient à tout prix ma mort ».
Hélas, comme elle le raconte dans le livre de Christine Ntahe, Marie-Rose a été torturée pour avoir caché ces filles tutsi. « Même aujourd’hui on m’appelle muhutu-mututsi » et je leur dis : «Eh oui, vous me verrez toujours ainsi ».
Georgette Mahwera, celle qu’on surnommait « Mère Générale »
Georgette Mahwera est née en 1962. Elle apparait lançant un ballon de football à la 27è page du livre. Native de la commune Kinama, Georgette apparait également sur la couverture du Livre , posant avec les autres femmes du comité de l’association ABANIKI « Abakenyezi b’Amahoro n’iterambere bo mu Kinama », (les femmes de paix et de développement de Kinama). Pendant la guerre de 1993, Georgette, comme ces autres femmes racontées par Christine Ntahe, a fait face à plusieurs défis. Il est dit qu’elle est d’ailleurs celle qui poussera ses amies femmes de différentes ethnies à jouer au football. Un moyen très osé pour des femmes à l’époque mais merveilleux pour unir leurs sœurs et frères. En discutant avec Georgette, j’apprends que l’ensemble des efforts fournis durant ces temps de guerre leur donnent un statut respectueux même de nos jours. « Je suis umukanguriramahoro, je suis dans le comité de développement communautaire, le comité de protection des enfants. Je suis chef d’avenue et je suis à la tête de l’association Abaniki », se présente-t-elle. « Nous intervenons dans plusieurs domaines de la vie à Kinama. Nous cultivons et nous créons des amitiés dans différentes localités de Bujumbura et de l’intérieur du pays », ajoute-t-elle.
Pour elle, ce qu’elle a vécu doit servir d’exemple aux jeunes burundais. « Que ce livre soit enseigné dans toutes les écoles et partout, pour qu’ils puissent voir par où nous sommes passé et pouvoir imiter nos actes d’amour », souhaite-t-elle aux jeunes générations burundaises. « La paix, c’est une affaire de tous les jours ».
Signalons que le lancement officiel du livre de Chritine Ntahe était également une occasion de solliciter un appui financier aux autorités présentes et autres personnes de bonne foi afin de pouvoir le produire en grande quantité. C’était également une occasion pour l’équipe derrière maman dimanche de la remercier pour cette brave initiative. Le courage des femmes de fer racontées a été salué par tous, notamment l’ambassadeur des Etats Unis d’Amérique au Burundi.
Huguette IZOBIMPA