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Les toilettes publiques au Burundi, un casse-tête

Il n’y a pas plus humain que le besoin de se soulager. Pourtant, beaucoup de Burundais vivent sans des toilettes en bonne et due forme. Du coup, ils se soulagent soit aux abords des rues soit à l’air libre dans les brousses.

Récemment, j’ai appris que le 19 novembre était la journée internationale des toilettes, journée dont j’ignorais même l’existence. J’estime que le sujet mérite un détour, car même si le sujet peut prêter à sourire de prime à bord, raison pour laquelle elle mobilise peu de volonté publique, elle n’est pas moins pertinente.

Au Burundi, indique Prosper Muyuku, Chef de service Hygiène et Assainissement au Ministère en charge de la Santé Publique, beaucoup de personnes n’ont pas accès à une hygiène appropriée. En effet, seulement 16 % de la population dispose des latrines adéquates.

Peut-être au moment où vous lisez ces lignes, ça vous revient à l’esprit, ces moments de gêne où vous avez dû vous rabattre à pisser aux abords d’une rue ou  dans un coin sombre sur le flanc d’une maison. Ça vous est aussi peut-être arrivé un jour, ce moment où sur les routes burundaises, les conducteurs s’arrêtent au bord d’une clairière, et les passagers se précipitent pour faire leurs besoins. L’ultime objectif : vider sa vessie et/ou ses intestins. Les Burundais ont même créé des expressions pour minimiser ce tort de se soulager sur la rue ou déféquer dans des forêts : « Gutanga ikete » (donner une lettre, Ndr), « kuja kumusozi » (aller à la montagne).

Vous avez dit lieux d’ « aisance »?

Lieux d’aisance, mais quelle ironie ? Dans les quartiers populaires de Buja-la-très-Belle, les populations ne cessent de s’accroître et doivent se partager les toilettes, mais quelles toilettes ? Mal entretenues, mal vidangées, puantes. 

Pire, nombre de gens n’en disposent même pas. Ils défèquent dans des seaux et déversent les déchets dans les rivières. Les autres creusent des petits trous dans leurs parcelles, les terrains étant inondables, une petite pluie suffit pour qu’ils  débordent. 

N’oublions pas la situation dans les endroits publics de Bujumbura, notamment les églises, les bars et les restaurants où des toilettes dégagent plus l’odeur de la mort qu’un appel au soulagement. Y entrer et sortir sain n’est pas la plus grande des garanties : saleté, mauvaise odeur, manque d’intimité, autant de raisons pour les bouder.

Situation identique aussi dans les zones rurales, ce ne sont pas toutes les familles qui ont des toilettes. Et à part s’exposer aux maladies, la défécation à l’air libre pollue l’environnement immédiat. Ces déchets non évacués deviennent des réservoirs de microbes, source de contamination pour les cours d’eau environnant, ce qui constitue d’énormes risques sanitaires car ces eaux deviennent vectrices de plusieurs maladies infectieuses. Cela je le sais sans être médecin, « élémentaire cher Watson », dirait l’autre. 

L’ampleur du défi mérite qu’on en parle

Prier dans une église où l’odeur pas très sainte des sanitaires croise l’encens purificateur de l’autel, pour former un mélange tonique dont les plus brillants des chimistes ne pourraient pas trouver la nomenclature adéquate. Fréquenter le temps d’un soir, un bar où la puanteur des toilettes se mêle aux exquises exhalaisons qui se dégagent de la bonne viande qui se meurt sur le brasero, travailler dans un restaurant où vu l’état des sanitaires, y aller demande plus d’aptitudes que piloter un avion dans un ciel orageux, moi, Burundais lambda, je ne peux que me rendre à l’évidence, et je trace mon sillon, résigné. 

Il faut en finir avec les tabous et faire de l’assainissement pour tous une priorité de développement à l’échelle nationale. Cela alors que l’installation des toilettes appropriées est un défi majeur qui, une fois résolu, présente plusieurs avantages. Entre autres, la diminution des épidémies récurrentes dues au manque d’hygiène : choléra, dysenterie bacillaire, tant de bénéfices environnementaux, limitation des coûts liés à l’assainissement des eaux usées, etc. 

Et pendant qu’on y est pourquoi ne pas y aller avec la construction des toilettes publiques ou encore la mise en place et l’entretien des toilettes dans les endroits où se rencontrent beaucoup de gens, se soulager au frais de notre gouvernement. Est-ce trop demander ? C’est avant tout une question de sensibilisation pour le changement des comportements. Avec ça, point ne sera peut-être utile de devoir mettre la fameuse enseigne qu’on a déjà rencontrée dans pas mal d’endroits : «  Kirazira kwihagarika ngaha » (Il est interdit de soulager par ici, Ndr).

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