Précédemment, on a parlé de Micombero et de son exercice du pouvoir. Après plus d’un demi-siècle, qu’en savent les jeunes et moins jeunes ? A Gitega, capitale politique, un débat s’est penché sur cette question.
« À la tête de la première république, Michel Micombero avec les ministres dont le plus connu parmi eux est Arthémon Simbananiye », fait savoir d’emblée Ferdinand, de Gitega. Selon Jérôme Ruberintwari, cette première république qui remplacera la royauté avait à sa tête ceux qui ressortaient du clan déchu par la royauté. C’est donc avec un esprit revanchard qu’ils agiront, n’hésitant pas à écarter d’autres composantes de la population à leur tour. De quoi faire dire Onésime que cette première république est le nœud des problèmes du Burundi.
Mais s’il pense la même chose, Laurent Wakana, lui, trouve qu’il faut reconnaître quand même que Micombero a assuré l’intangibilité des frontières. «Il a tenu à bien garder les frontières du pays ».
Micombero qui vient d’un clan longtemps écarté, prouve que les discriminations sont toujours mauvaises, estime Patrick Nsabimana qui trouve toutefois normal qu’il y ait des mécontents. Pour lui, cela est valable pour tous les pouvoirs.
Odette Nimubona, elle, a une autre lecture du pouvoir de Micombero. Pour elle, les femmes sont les grandes oubliées de cette première république. Pas de ministres ou autres dignitaires. Ceci du fait que les filles ont toujours été discriminées.
Micombero face à la gestion du pouvoir
À en croire l’analyse de l’historien Jean Marie Nduwayo, au pouvoir, c’est un Micombero qui est entouré d’Artémon Simbananiye, d’Albert Shibura, de Jean Ntiruhwama essentiellement. Ces derniers seront les hommes forts de la république face à un Micombero accusé d’avoir une personnalité faible et influençable. Un Micombero qui de son « règne » n’aurait tenu que cinq conseils de ministres. Résultat, ce sont ses hommes forts qui, dans les faits, gouvernaient le pays. Il faut aussi dire que Micombero a pris le pouvoir très jeune, ne sachant pas grand-chose de celui-ci, cela couplé à un manque des élites à l’époque.
Autre chose à signaler, explique toujours l’historien, l’ethnisme et la question du régionalisme deviennent grandissants sous Micombero. Également le manque de compétences, d’élites, ainsi que les évènements qui se passaient au Rwanda, influençaient fortement certains Burundais, ceux-ci voulant copier le modèle rwandais.
À signaler aussi l’Uprona érigé en parti d’Etat. Et comme Micombero ne contrôlait pas grand-chose, c’est le chaos qui s’installera. Cependant, nuance Nduwayo, tout n’était pas mauvais. Par exemple, sous son pouvoir, il n’y avait pas de corruption. Pour preuve, plusieurs des dignitaires du régime n’étaient pas riches.
Quid des tentatives de coup d’État ?
Les coups d’état, c’était aussi l’objet de ce débat. Ont-ils eu lieu? Pour Patrick Nsabimana, qu’il y ait eu des tentatives, c’est possible mais l’on ne saurait pas l’affirmer. Et pour Ferdinand, c’est vrai qu’il y a eu des tentatives dans ce sens, notamment en 1971. Mais pour Adrien Nzoyihera, ce serait plutôt des coups d’État montés par le pouvoir pour se débarrasser de ses adversaires.
Ces tentatives de coups d’État, l’historien Jean Marie Nduwayo estime qu’ils ont eu lieu. Il explique qu’en 1969, il y a eu effectivement une préparation du renversement de Micombero par certains militaires et civils hutu. Ils approcheront d’ailleurs le ministre Martin Ndayahoze, celui-là même qui ira le révéler à Micombero. Ensuite, ils seront exécutés, à la grande déception du ministre qui avait eu l’assurance de Micombero que ce sera sans suite.
Et pour la tentative de 1971, continue M. Nduwayo, bien que ce ne soit pas consensuel, il aurait été bien préparé, ce coup d’état. Mais la seule différence avec celui de 1969, c’est qu’il était conduit par des tutsi. A la suite du procès, ils ont été condamnés pour finir par être dédouanés par le juge Léonard Nduwayo. Ce qui irritera les hutus qui y verront un deux poids deux mesures, en référence aux exécutions et condamnations des accusés de 1969. On y reviendra.