LE JOURNAL.AFRICA
Analyse

Comment résoudre l’équation des récurrents incendies des marchés ?

Depuis quelques années, l’on assiste « impuissamment » à la perte en fumée de nos marchés et parfois, on ne se pose même pas la question de ce qui s’est réellement passé. Mais quel diagnostic pour quel traitement ?

C’est le thème de l’analyse faite par le Professeur Elias Sentamba, laquelle a fait l’objet d’un débat organisé par le Centre de Recherche et d’Etudes sur le Développement dans les Sociétés en Reconstruction (CREDSR) de l’Université du Burundi. Depuis 2000, pas moins de 12 marchés ont pris feu dont celui qui était le cœur de la vie économique du pays, le marché central de Bujumbura, en janvier 2013 et très récemment le marché de Maramvya dans ce mois de juillet 2020. 

Et c’est sans vous rappeler les pertes colossales qui vont toujours avec. « À titre d’exemple, quand le marché central de Bujumbura est parti en fumée, les premières estimations (pas exhaustives) tablaient sur plus de 68 milliards de Fbu de coûts de marchandises, plus de 7 milliards de liquidités et plus de 20 milliards sous-forme de crédits… Il faut ajouter à cela plus de 9000 personnes qui se sont retrouvées au chômage », a rappelé Pr Sentamba. Mais qu’est-ce qui fait que ces marchés brûlent autant et sans réel secours ?

Des constructions anarchiques et une PPC « faible »

Dans différents marchés, de nombreux kiosques étaient/sont construits en bois, parfois même des bois sont au-dessus des allées, ce qui rétrécit le passage de camions anti-incendie si donné que ceux-ci interviennent. Il y a souvent des étagères qui sont remplies de marchandises inflammables à tort et à travers, des extincteurs dont le rôle n’est pas connu de tous et qui sont parfois pris comme des étagères avec des marchandises dessus, des cuisines installées en plein marché…!  « Tout cela découle de la culture du non-respect des normes où tout, même l’anormal devient normal », s’est insurgé le Pr Sentamba ajoutant que cela est parfois le terreau de ces feux dont la maîtrise devient difficile.

Il y a aussi le fait que la PPC (Police de Protection Civile) accuse de faibles capacités avec un équipement qui laisse à désirer ce qui complique parfois l’intervention. En 2013, lors de l’incendie du marché central de Bujumbura par exemple, parmi les quelques 500 policiers déployés, seule une quarantaine avait une tenue adéquate. « Pas si sûr », a semblé dire OPC1 Anicet Nibaruta, Directeur Général-Adjoint de la PPC car, explique-t-il « une seule tenue complète, avec bouteille d’oxygène, coûte dans les 20.000 dollars, et c’est donc pas facile d’équiper tout une équipe d’intervention qui doit être composée de 6 à 8 personnes minimum ». 

Et ce, sans parler des difficultés d’approvisionnement en eau avec la rareté des bouches d’incendies et la REGIDESO qui agit plus en société commerciale qu’humanitaire ce qui, parfois, ne facilite pas la tâche à la PPC.

Mais que faire alors ?

S’il est vrai qu’on ne pourra pas arrêter les incendies, a fait remarquer le Professeur Siméon Barumwete, « on pourrait en limiter les dégâts en ayant un comportement responsable en leur faisant face ». Cela passerait par la prise de conscience de la population que la sécurité des marchés est l’affaire de tout le monde, qu’on laisse de côté par exemple le fameux « haga imitima » (s’il y en a pour deux, il y en aura pour trois) qui fait que des personnes s’amassent jusqu’à occuper les allées ! Une construction des marchés modernes dignes du non s’impose, suivie surtout d’une gestion rigoureuse de la société en charge du marché.

« Il faut repenser la planification urbaine », a pour sa part suggéré le Professeur Julien Nimubona. « C’est incompréhensible qu’il y ait des quartiers sans bouches d’incendies ou qu’il y ait des voies qui se retrouvent être sans issue », a dit l’ancien ministre, ce qui pose en fait tout le problème d’attribution des parcelles.

Enfin, l’augmentation du budget alloué à la protection civile pour qu’elle puisse se doter d’une vraie équipe de sapeurs-pompiers, d’un camion-citerne qui approvisionnerait en eau les camions anti-incendie ou encore pourquoi pas un hélicoptère multiservices avec décentralisation de la police de protection civile. Tout cela « dans le cadre d’une interaction entre toutes les parties prenantes à la sécurité des marchés qui se retrouvent en fait être tout un chacun, les marchés nous appartenant tous », a conclu Pr Sentamba avec un modèle de contrôle des services de défense et de sécurité tel qu’inspiré par le DCAF.

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