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POLITIQUE

Jeunes militants : ne soyez pas dupes !

Des morts, des blessés, des affrontements et des enlèvements sont répertoriés dans différents coins du pays en cette période de campagne électorale. Les acteurs sont aussi en grande partie les victimes : les jeunes. Comme si le passé ne laissait jamais aucune leçon. Heureux celui qui ne dira pas « si j’avais su ».

La campagne électorale bat son plein. C’est déjà la troisième semaine depuis lundi 27 avril. C’est la course à la « séduction » des électeurs pour le triple scrutin (les présidentielles, législatives et communales) du 20 mai. 

Dimanche, 4 mai, la nuit, Richard Havyarimana, un jeune membre du parti Congrès National pour la liberté (CNL) est enlevé. Il est représentant de ce parti sur la colline Mbogora, zone Muyange, commune Nyabihanga, province Mwaro, selon les voisins qui indexent certains jeunes du parti au pouvoir. 

Jeudi, 8 mai, son corps sans vie est retrouvé, en décomposition, au bord de la rivière Ruvyironza, séparant la commune Gitega (province Gitega) et Nyabihanga (Province Mwaro).  

Ce jeune marié, fauché, est enterré à Busuma, sur la colline Musongati, commune Nyabihanga. Il laisse une jeune femme et un petit bébé. Un orphelin  et une veuve de plus. 40 après ans, cet enfant se souviendra de 2020 comme font les orphelins de 1972. Il aura vu son Papa partir, mais la douloureuse attente de son retour, aura été vain.  

En commune Ntega, colline Rukore, province Kirundo. Dimanche 3 mai, des affrontements ont lieu entre des jeunes du CNL et ceux du parti Cndd-Fdd. On déplore un mort et des blessés. 

De tels cas sont nombreux. On en parle à Gitega, à Bubanza, Bujumbura dit rural, Rumonge, etc. 

Jeunes militants Vs Chefs de parti

Après de telles échauffourées, les photos envoyées sur les réseaux sociaux montrent des jeunes mal habillés, pauvres, à peine portant de vieilles chaussures. Parmi eux, aucun ne figure sur la liste des députés ou ne peut même aspirer à être gouverneur ou administrateur. Certains parviennent à peine à lire ou à écrire. 

Contrairement à ces photos de jeunes militants témoignant de la misère, les photos des candidats, elles, montrent de « grands bwana », tout sourire, bien habillés, le ventre et les joues arrondis. L’entente se lit sur leurs visages. Une autre photo alors en pleine campagne dans la ville de Bujumbura : à bord des voitures de luxe, appelée V8, Gaston Sindimwo, candidat du parti Uprona et Dieudonné Nahimana, candidat indépendant se rencontrent en pleine route. Les deux s’arrêtent et se saluent. Ils sont souriants.

Et à ceux qui connaissent Bujumbura, le Palais présidentiel où habite le couple présidentiel n’est pas très loin de la Résidence d’Agathon Rwasa ou de Léonce Ngendakumana, candidat du parti Frodebu, etc. Le soir, tous savourent le bon vent du lac Tanganyika : l’endroit est frais. 

Et dans différents ateliers, rencontres, dans de belles salles climatisées, ces politiciens, ces candidats en campagne sont assis côté à côté. Pas d’affrontement physique mais un choc d’idées, de paroles, etc. 

Juste un petit retour en arrière : lundi, 27 avril, au stade Muremera de Ngozi, ou à Bugendana, en province Gitega. Alors que les candidats, leurs proches, des ministres, des députés, des directeurs généraux, etc. étaient à bord  des jeeps, des double-cabinets aux vitres fumées avec une armada de policiers pour leur sécurité. Des milliers de jeunes sont venus à bord des camions de type Fuso. D’habitude, ces camions servent à transporter des chèvres, des moutons, des bidons de l’huile de palme, de l’Urwarwa, etc. D’autres ont rejoint les lieux de meetings à pieds, affamés, épuisés, … 

Des leçons du passé

Juin 1993, Melchior Ndadaye, candidat du parti Frodebu gagne les élections présidentielles. Pierre Buyoya, président en exercice et candidat du parti Uprona accepte la défaite. Les Burundais espèrent entrer dans une ère nouvelle : Uburundi bushasha. Un espoir qui ne va pas durer. Car, le 21 octobre 1993, le nouveau président et ses proches sont assassinés dans un coup d’État militaire. Le pays sombre. Des tueries interethniques, des pillages, …s’en suivront. 

Ce qui nous fera arriver à ce qu’on a appelé « balkanisation de la ville de Bujumbura ». Des groupes de jeunes d’autodéfense sont constitués, formés : des sans-échecs pour les Tutsi, des sans défaites pour les Hutus. Certains jeunes deviennent des machines à tuer : l’alcool, la drogue, etc. Sylvestre Ntibantunganya est président de la République après la mort de Cyprien Ntaryamira, dans un accident de l’avion du président Juvénal Habyarimana, du Rwanda, en avril 1994.

Entre-temps, le mouvement rebelle Cndd-Fdd est déjà très actif sur terrain. Des affrontements entre rebelles et militaires de l’Etat sont fréquents. Le Palipehutu aussi est très actif surtout dans les montagnes de l’Ouest du pays, dans Bujumbura dit rural.

Dans la ville de Bujumbura, les sans-échecs (des jeunes Tutsi) font la loi à Musaga, Nyakabiga, Ngagara, Bwiza, etc. Kamenge, Kinama étant qualifiés de quartiers Hutus, des rebelles. Derrière ces machines à tuer (sans-échecs, sans défaite), des politiciens bien installés dans les salons climatisés de Kiriri, dans les hôtels, etc. Ils leur (jeunes) fournissent des armes, de la drogue, de l’alcool, de l’argent. Certaines écoles deviennent des centres d’entraînement  paramilitaire, d’organisation des villes mortes, des grèves.

Le 25 juillet 1996, le président Sylvestre Ntibantunganya est renversé. Le président Pierre Buyoya revient au pouvoir pour la deuxième fois. Comme un coup magique, les sans-échecs vont s’effacer petit à petit. Certains sont arrêtés, emprisonnés. Certains quartiers, endroits comme le centre-ville de Bujumbura redeviennent vivables pour les Hutus. 

Les survivants de cette opération de « ratissage » des sans-échecs errent aujourd’hui dans les rues de Bujumbura. Le chômage, l’escroquerie, la consommation des drogues, l’alcoolisme est devenu leur style de vie.

À bon entendeur salut. 

 

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