Lorsqu’on parle de la rébellion contre la colonisation, c’est la résistance de Mwezi Gisabo contre les Allemands qui vient à l’esprit. Mais l’on devrait savoir que les colons belges et leurs soutiens locaux, quand bien même longtemps après leur arrivée, ont eux aussi fait l’objet de la contestation. Lors d’un débat, jeune et moins jeunes se sont penchés sur la question.
Il y a quelques jours, on vous parlait d’une réforme administrative amorcée par la Belgique et qui devait régir le Ruanda-Urundi. Et comme on le disait, cette réforme, elle ne sera pas sans conséquences. Les contestations qui suivront et dont Inamujandi, Runyota entre autres, sont des chantres se comptent parmi ces conséquences. Mais alors, qui sont ces contestataires qui donneront du fil à retordre aux agents de la colonisation belges et leurs soutiens burundais ?
Des « rebelles » ?
Dit aussi Kanyarufunzo, « Runyota est cet homme qui s’opposera aux pratiques de la colonisation belge. Lui qui, avec Inamujandi, mobilisera les Burundais pour se révolter contre les Belges », fait savoir Vincent Nzobonimpa, résident à Kayanza.
Et à en croire Jean Claude Manirakiza, lui-même de Kayanza, Kanyarufunzo héritera du surnom de Runyota, en référence à ses actions contre la Belgique alors colonisateur du Burundi. Il est dit, nous apprend toujours Manirakiza, qu’il aurait préféré son pays en cendre plutôt que de le voir dans les mains des étrangers.
C’est aussi le cas d’une certaine Inamujandi qui se verra taxée de sorcière par les colonisateurs. En réalité, c’était une femme de Ndora qui mobilisera la population pour s’opposer aux Belges. Elle ne s’imaginait pas un seul instant le Burundi sous le joug de la colonisation. C’est Yvette Nizeyimana, elle aussi de Kayanza qui nous l’apprend.
À côté de ces surnoms pour le moins dégradants, les Belges appelaient Inamujandi et Runyota des rebelles (abagarariji). Des rebelles contre les colonisateurs et leurs alliés burundais. C’est ce qu’éclaire l’historien Émile Mworoha. « Et c’était symbolique comme rébellion », continue ce professeur d’université actuellement à la retraite. Pour Inamujandi, nous sommes dans la région de Nkiko-Mugamba, le Nord-ouest du Burundi actuellement. Car il faut bien noter que cela se passe dans l’un des endroits stratégiques de la royauté. C’est d’abord dans la région des inganzo (des tombeaux des rois). C’est aussi dans la région qui avait connu la rébellion de Kilima, avec sa capitale à Munanira près du barrage de Rwegura. C’est enfin à la frontière avec le Rwanda. Ceci pour dire l’importance du territoire concerné par la rébellion d’Inamujandi et qui n’allait pas passer inaperçue.
La rébellion contre la Belgique, c’est aussi au centre du pays avec Runyota (Ntirwihisha de son vrai nom), un surnom que lui-même se collera en référence au devin de Ntare Rugamba qui portait le même nom, fait savoir Mworoha.
Inamujandi, la sorcière ?
Par rapport à la question, Léonard Kabwebwe a une réponse pour le moins particulière : Inamujandi héritera du surnom de sorcière parce que ne pouvant pas être saisie ni appréhendée par les Belges qui se diront qu’elle devait avoir des pouvoirs cachés, d’où le surnom.
Pour Claver Hakizimana, il faut d’abord se situer par rapport à l’époque. En pleine colonisation et évangélisation, être qualifiée de sorcière, ce n’était pas du tout enviable. Les Belges la surnommeront donc en connaissance de cause. Hakizimana parle donc du dénigrement tout simplement.
Une idée dont il ne détient pas le monopole car partagée par Athanase Ndayumviyubusa.
Mais pour Mworoha, il faut une distinction. Inamujandi n’était pas appelée sorcière dans le sens de devin (umupfumu), car dans les traditions burundaises, un devin, c’était quelqu’un de respecté. Au contraire, ils l’appelleront sorcière dans le sens d’umurozikazi, celle qui ensorcelle les gens, ce qui a été toujours dégradant. Les Belges savaient donc ce qu’ils faisaient en la surnommant ainsi.
On le voit donc, Inamujandi et Runyota dit Kanyarufunzo sont des personnages importants de l’histoire du Burundi. Deux personnages (il y en a d’autres toutefois), des rebelles qui finiront par être mâtés, mais dont les convictions et motivations bien peaufinées ne seront pas sans affecter l’administration coloniale. On y reviendra.