Quand il y avait des guéguerres dans le pays, ou quand les rois étaient menacés, ils fuyaient vers Cankuzo. Selon les habitants, cette région n’a jamais connu de conflits. La commune à laquelle on attribue le plus le surnom de Buhumuza, c’est Cankuzo, qui porte aussi le nom de la province.
Des équipes sportives, des hôtels, et même un campus universitaire, portent le nom de Buhumuza (réconfortant/rassurant, ndlr). Avant même de poser les pieds sur le sol de la commune Cankuzo, j’avais déjà entendu différentes anecdotes, sur la légendaire province surnommée « Buhumuza ». Pour la petite histoire, les habitants de ladite province se vantent eux même de la quiétude qui a toujours caractérisé cette province.
Un mardi ensoleillé, je me promène pour découvrir les lieux. En chemin, j’aperçois un Centre de Lecture et d’Animation Culturelle (CLAC). Ce dernier attire mon attention. J’y rencontre deux jeunes élèves qui discutent dehors, cahiers en main. Ils viennent tous du quartier Ihumure. Fiacre, le teint clair, un peu mince, la vingtaine, est très souriant. Je leur demande s’ils viennent lire souvent. Son ami, Melchiade, un peu costaud, me répond : « La lecture et moi, nous avons pris deux chemins parallèles. Si je viens ici, c’est uniquement pour réviser mes cours. Ce que je partage avec d’autres jeunes d’ici d’ailleurs, ils ne lisent pas beaucoup ».
Ihumure avant tout !
Après quelques minutes de discussion, je décide de les laisser continuer leur révision. Fiacre, un peu gêné, sort un bout de papier de sa poche. Il me demande si je peux l’aider à corriger une lettre qu’il a écrite à sa petite amie. Ce que je fais sans hésiter : « Nous n’avons pas la chance comme vous autres citadins. Notre commune n’est pas si développée et nous ne sommes pas très ouverts au monde. La technologie n’est pas du tout avancée par ici ». Même s’il aimerait que sa commune soit développée, la paix est primordiale pour lui. « J’aimerais voir un candidat, en 2020, qui pense au développement de notre commune. Mais avant tout, qui va pérenniser cette paix qu’on a toujours connue ! ».
Malgré le manque criant de boulot…
Ce que ne nie pas Michelle, jeune maman originaire de Bujumbura. Avec sa licence en informatique, elle peine à trouver du boulot dans cette région où elle a migré quand elle s’est mariée. Pour elle, Cankuzo est une commune calme et sereine. C’est aussi un endroit touristique, et des fois, il accueille des pèlerins qui viennent pour prier spécialement à la paroisse de Muyaga (à 4km de Cankuzo). Hélas, il y a un grand contraste qui est le chômage des jeunes.
« S’il y a une opportunité de boulot qui s’annonce, les natifs et les jeunes du parti au pouvoir sont les premiers à être privilégiés. ». Pour elle, un bon leader serait celui qui recrute à base des compétences sans distinction de leur provenance, mais aussi qui aide à la création de l’emploi.
Harahita ?
Un autre jour, je prends une moto pour me rendre dans une autre commune. Le motard, Vincent, me prévient qu’il peut dévier si des policiers sont dans la rue. Et juste quelques minutes sur la grande route, il rencontre un homme à pied, et lui demande : « Harahita? (Ça passe ?) », ce dernier lui répond : « Burije (il fait nuit) », alors qu’on est en pleine mi-journée. Je comprends que c’est un code, pour dire que les policiers sont là, et stoppent tout engin qui passe. Il me dit que même s’ils sont en règle, les policiers n’en ont rien à cirer, tout ce qu’ils veulent, c’est l’argent. Et des fois, il est difficile de leur échapper, car ils travaillent avec la population, qui les trompe, en disant qu’ils ne sont pas là alors que ce n’est pas vrai. Vu les contraventions qu’on leur impose, pour Vincent, un bon politicien qui leur enlèverait ce fardeau et éradiquerait la corruption qui gangrène ces policiers, serait plus que bienvenu en 2020.
Un peu de volonté politique ne tuerait pas
Janvier, un enseignant à l’école secondaire, se lamente du niveau d’éducation dans leur province. « Des écoles ont été construites, les enfants ne sont plus obligés de faire des kilomètres pour aller étudier, mais le niveau n’a jamais été aussi bas ». Il pense qu’un bon leader est celui qui a la volonté politique de rehausser le niveau d’éducation. Quand il me parle du leader qu’il aimerait avoir en 2020, il croise ses jambes, lève la tête et martèle : « En 2020, nous avons besoin des politiciens ouverts à la coopération avec d’autres pays. Nous le savons tous, tous ceux qui ont développé leurs pays, sont passés indéniablement par la coopération avec autrui ». Et de continuer : « Qu’ils aient revu la période du mandat présidentiel, je ne le prends pas mal ». Pour lui, la population devrait avoir un temps pour préparer les élections, et un temps pour penser à construire son avenir. « Sur une période de 5 ans, il n’y a pas eu le temps de répit. C’était préparer les élections, subir les conséquences de celles-ci, et ne pas vivre entre les deux, alors qu’en 7 ans, on aura le temps de faire un petit projet », conclut-il.