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Buja Sans Tabou, jour 2 : à la fac comme à la rue, la résistance

Pour son deuxième jour, le festival Buja Sans Tabou a mis à l’honneur le numéro de lecture du comédien Burkinabè Etienne Minoungou à l’Université du Burundi ainsi que la pièce de théâtre « Sekuse » du Shakespearean theatre company sur l’histoire du quartier asiatique.

« J’ai conquis la parole, elle m’avait été longtemps refusée ». Voici les premiers mots de la lecture de Traces, discours aux nations africaines. Le texte de l’intellectuel sénégalais Felwin Sarr dont le livre Afrotopia est devenu une référence de la nouvelle génération panafricaniste est accompagné de la flûte, l’inanga et l’umuduri de Joseph Torobeka. 

Dans l’amphithéâtre, l’auditoire est pendu aux lèvres d’Étienne Minoungou. Normal, d’autant plus que le texte est aussi une exhortation à la jeunesse africaine à forger « une pensée du futur avec la conscience du passé ». 

Une heure de voyage au centre de soi, de remise en question de sa propre identité. Sans victimisation ni chauvinisme parce que, clame Sarr par la voix de Minoungou, « nous ne retrouverons pas l’Égypte d’antan, mais nous pouvons encore choisir le meilleur pour faire de l’Afrique sa propre puissance sans forcément calquer les modèles de développement d’ailleurs ».

Dans le rôle de modérateur du débat, l’écrivain Jean Marie Ngendahayo, revient sur la résistance aux influences étrangères qui nous déconnectent de nos racines. Il n’ira pas loin pour trouver un exemple illustratif. Avec une voix qui feint mal son amertume face à la situation, il jugera de scandaleux que Torobeka ne soit pas dans une académie d’art pour transmettre ses savoirs sur les instruments de musique traditionnelle à la jeune génération. Pour lui, « ce n’est rien qu’une façon de se perdre ».

Fidèle à la philosophie de l’art résistant, Ngendahayo demandera une minute de silence en mémoire de l’artiste Rwandais Kizito Mihigo. « Diverses versions circulent sur les mobiles de sa mort. Peu importe, saluons l’homme qui a su véhiculer par sa musique l’amour du prochain, les valeurs d’Ubuntu », soulignera-t-il.

Quartier asiatique, une histoire de résistance

Après les exposés académiques, place au jeu. Dans la rue Rojo, l’ambiance est détendue. Amusés, les habitants du quartier s’en donnent à cœur joie aux blagues. « Hey, tu vas être viré si tu crames les haricots de ton boss », lance d’un air plaisant un boy à son ami. « Pas du tout, nous avons des invités de marque, je prends le risque, tu vois qu’il y a aussi des bazungu ? »

Y rester, ça en vaut effectivement la chandelle. Le génie du metteur en scène Arthur Banshayeko a eu le flair d’aménager une carcasse d’autobus pour décor central.

Un retour dans le passé du quartier asiatique qui était en réalité un quartier exclusivement habité par des Burundais à sa naissance. 

Nous sommes aux balbutiements de la création de Bujumbura. Les premiers Burundais qui descendent pour peupler la nouvelle ville s’installent dans une broussaille sur les rives du Tanganyika. La vie est dure. Après des longues journées de dur labeur sur les chantiers, il faut faire face aux moustiques et autres bestioles qui pullulent dans les parages. 

Il faudra attendre le tristement célèbre Muhammad Bon Khalfan dit Rumaliza pour les premiers contacts avec les Arabes. Ses suppôts tentent de pénétrer le Burundi de la Tanzanie en passant par le lac mais ils rencontreront une résistance farouche. Malgré quelques dissensions, le colonisateur goûtera aussi à la coupe de la fierté burundaise. En témoigne la scène finale où les Barundi réunis recollent des morceaux de carton pour en faire une carte du Burundi. Une allégorie d’un Burundi indépendant, résistant.

La résistance n’est pas non plus le refus catégorique de l’autre, bien au contraire. La preuve, les danses indiennes et burundaises réunies dans une même chorégraphie épatera le public, à l’hotel Makech. On était au quartier asiatique à Bujumbura, c’est tout sauf un mariage contre nature.

 

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