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SOCIETE

Mon fils, cet être innocent et éternelle victime de la société 

Quatrième après mes trois filles, Noël, était tant attendu. Il est venu comme un cadeau du ciel. Après avoir mis au monde trois filles, un garçon était plus que le bienvenu, surtout dans notre société. Sauf que, deux jours avant l’accouchement, toute la joie et l’espoir se sont transformés en cauchemar. 

Tout commence par des complications incessantes, je me rends à l’hôpital. Une clinique privée tout près. Après les consultations d’urgences, le docteur fait un constant : « Le liquide amniotique est devenu insuffisant, et on doit programmer une césarienne d’urgence ». D’ailleurs, je me rappelle, c’était la première césarienne qu’on faisait dans cette clinique privée. Les médecins m’informent que j’ai un toxoplasme, qui n’a pas été traité à temps. 

Six jours après l’accouchement, mon bébé eut une forte fièvre, ce qui inquiéta les médecins. Ils lui injectent la novalgine, et la fièvre au lieu de baisser augmente encore. Ils détectent une méningite très grave. Et ce n’est que le début d’une longue descente aux enfers pour nous deux.

« Prie pour qu’il marche seulement »

Quand les médecins ont détecté la maladie, ils l’ont également diagnostiqué une hydrocéphalie qu’ils ont réussi à maîtriser. Sa tête a la forme normale jusqu’à maintenant, mais son cerveau n’a point évolué. En mai 1998, quand il avait juste cinq mois, il avait déjà une pile de médicaments à prendre au quotidien, subissait d’injections incessantes. Jeune maman, je trouvais que c’était trop pour une si petite créature. Comme si cela ne suffisait pas, le docteur m’annonça que mon fils, Noël, aura un retard mental. « Il a subi une souffrance fœtale qui a endommagé le cerveau ». Je priais à ce que ce ne soit pas vrai, au fond de moi, restait un petit espoir, qui s’évanouit quand, à 11 mois, un autre docteur m’avoua la même chose. « Prie pour qu’il marche seulement ! Et sachez qu’il devra prendre des médicaments toute sa vie ». Et d’ajouter qu’on va tout faire pour lui, sa toilette, le faire manger, bref, il doit être assisté tout le temps et pour toute sa vie. 

Vers l’âge de 3 ans, comme par miracle, mon fils commence à marcher, bien qu’il ait eu une hypertrophie de la jambe droite. Il s’appuie fort sur sa jambe gauche, ce qui fait qu’il se fatigue vite quand il marche. Comme son cerveau n’arrive pas à commander tous les organes de son corps, il n’a jamais pu parler. Aujourd’hui, à ses 22 ans, il sait reconnaître les gens qui l’entourent, mais ne peut pas leur parler. Il sait esquisser un sourire. C’est un enfant qui sourit la plupart du temps, ce que l’entourage ne lui rend pas, ni ne le comprend pas assez.

« Ehe ca ki débile »

« Idiot ». C’est malheureusement le premier qualificatif que l’entourage lui colle. Assis, tranquille, les gens pourraient croire qu’il est normal. C’est quand il commence à sourire, se lever, s’agiter,… qu’ils commencent à lui lancer des regards fugaces. Il veut communiquer avec ceux qui l’entourent mais les gens sursautent, ils ont soudain peur de lui.

Petite anecdote. Un jour, on marche dans la rue, tous les deux, on fait une petite promenade.  Noël est si excité de voir le monde extérieur mais il se fatigue vite. Je le mets sur mon dos, et un passant, apparemment choqué, me lance : « Comment peux-tu mettre sur ton dos un grand garçon comme ça, n’ukumurekereza (c’est le gâter inutilement) ». Il ne pouvait pas comprendre et il n’est pas le seul. Ça me fend le cœur à chaque fois que les gens traitent mon fils comme un alien et lancent des commentaires outrageux.

Oui, ils ne comprennent pas

Je ne pourrais citer combien de fois on l’a humilié, traité de tous les noms, mais surtout des gens qui ont peur de lui, comme si j’élevais un monstre. Quand il voit les gens, il est tout joyeux, il a même envie de les embrasser, en retour, il ne reçoit que des sourires gênés, et plus de retenue. 

Quand il est sous le coup d’une émotion vive, il a des convulsions, qui finissent par le jeter par terre, affaibli, lessivé. Je ne saurais dire combien de fois cette scène s’est passée devant des invités qui réagissent différemment. Certains compatissent, osent demander ce qu’il y a, d’autres ont tout juste envie de rentrer, pour ne plus assister à ce genre de scènes. Je me sens frustrée, écartée, blessée de voir le fruit de mes entrailles être traité de la sorte. Qu’est-ce que j’aimerais que les gens soient informés, sur la situation des enfants pareils, que porter un jugement sur eux ne soit pas la première chose qu’ils font !

 

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