Lancée en 1991, la campagne des 16 jours d’activisme vise à dévoiler et décourager les violences faites aux femmes. Au Burundi, différentes ONG féminines et associations locales ont entrepris des actions pour dénoncer les abus faits aux femmes. En tant que passionnée des droits de la femme, je n’ai raté aucune publication ni les commentaires.
C’est le cœur en morceaux que je lisais ces commentaires hostiles. Certes, je savais qu’il existe des violences basées sur le genre, mais j’ignorais combien ma société est misogyne. Au départ, j’essayais de me convaincre que ce n’était là que quelques commentaires des gens qui n’ont encore rien compris, mais après ces 16 jours d’activisme, mon espoir s’est estompé à petit feu.
Le viol, ce n’est pas un crime burundais
La loi n°1/013 du 22 septembre 2016 portant prévention, protection des victimes et répression des violences basées sur le genre définit la violence à l’égard des femmes comme « tout acte dirigé contre le sexe féminin causant ou pouvant causer aux femmes un préjudice ou des souffrances physiques, sexuels, psychologiques y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou privée ». Pourtant très peu de Burundais savent qu’il y a cette loi, encore moins ce qu’elle dit. Pour certains, les violences faites aux femmes sont une affaire des « bakoloni » et un groupe de femmes rebelles qui s’opposent à la culture burundaise. Les commentaires en disent long.
Le « faux » débat sur la femme violée et les habits qu’elle portait lors du crime ne se terminera jamais. Ainsi, la femme a toujours sa carte à jouer pour prévenir le viol. « C’est simple, ni yambare yikwize, sinon bazomusimbirako nyene » (Ndr : Qu’elle mette de longue jupes, sinon les hommes ne vont pas s’abstenir de la violer). Okay ! Comme si l’homme est un animal qui ne peut pas contrôler ses pulsions sexuelles. Et la femme rurale qui a été violée par le motard et son client, portait-elle une mini-jupe ? « Non mais pourquoi, est-elle montée sur la moto avec deux hommes déjà ? », diront certains commentaires. Comme si tout le monde ne se déplace pas à trois, voire plus à moto à l’intérieur du pays. En lisant les commentaires ici et là, une question me taraude : la femme restera-t-elle la victime coupable qui devra toujours souffrir silencieusement par peur d’être incomprise ?
Vise pas loin femme !
« Une femme ne doit pas viser très haut, car elle sera superbe et pas soumise à son homme et bienvenus les dégâts ». Que j’étais choquée de lire ce genre de commentaires ! Et ils étaient nombreux à s’accorder que la femme qui a beaucoup d’argent ou des responsabilités dans le pays ne respecte pas son mari. Quand j’ai surpris deux hommes en train de discuter à propos des femmes dans l’administration, j’en suis restée coi. «Abo bagore mwishinga mutora murikwegera, ubu nta n’uwugifise uruhusha rwo gukubita umugore baca bamushengeza agahanwa » (Ndr : gare à vous qui votez pour les femmes. Maintenant l’homme n’a même plus le droit de battre sa femme, il se voit puni par la loi).
Après un tour sur les réseaux sociaux comme une petite évaluation sur les 16 jours d’activisme, je suis sidérée. Serai-je étonnée si demain un mari tue sa femme à cause d’une simple dispute ? Espérons qu’il y a une majorité silencieuse qui ne pense pas comme nos commentateurs sinon, comme dirait mon ancien prof de math, « nous avons encore à faire ».