Depuis 2015, le manque de devises est d’une ampleur sans précédent dans notre pays. Le conseil national de sécurité a maintes fois averti les cambistes qui haussaient le prix de devises. Mais ni la nouvelle réglementation de changes ni la fixation du taux de changes ne semblent résoudre le problème de devises. L’État doit prendre des mesures d’urgence pour atténuer les conséquences de cette crise des devises.
Au moins d’août de cette année, la BRB a rendu publique une nouvelle réglementation de changes. En plus, il a mis en garde les cambistes qui ne respectent pas à la lettre le taux de change fixé par la banque des banques. Après quelques jours, certains cambistes ont été arrêtés et jugés.
Aujourd’hui, cette pénurie persiste. D’ici peu, je crains qu’elle puisse contraindre les entreprises à suspendre voire cesser leurs activités. Au total, les conséquences de cette pénurie sont désastreuses pour les entreprises et pour l’économie en général.
Il est donc urgent que l’État prennent des mesures d’urgence pour atténuer les conséquences de cette crise des devises. Pour cela, il doit d’abord suspendre temporairement l’importation de certains produits, limiter l’importation aux produits essentiels et régler les importations des secteurs stratégiques.
Et si ces trois solutions conservatoires ne produisent pas les effets escomptés, le gouvernement devra prendre d’autres mesures d’accompagnement pour renforcer leur efficacité. Ces solutions pragmatiques et concrètes font appel à la compensation.
15% des échanges mondiaux se font par la compensation
La compensation est une opération commerciale par laquelle le vendeur prend l’engagement de réaliser ou de faire réaliser dans le pays de son client, des achats, des transferts de biens et de services ou toute opération d’échange d’une vente qui n’est obtenue qu’à cette condition.
Actuellement, ce mécanisme ne cesse de prendre de l’ampleur. Il représente 15% des échanges mondiaux. La compensation est subdivisée en trois composantes : commerciale, industrielle et technologique et financière.
Pour profiter de la compensation commerciale, le Burundi doit négocier avec les pays partenaires. Il s’agit de mettre en place un mécanisme de compensation internationale permettant aux entreprises burundaises et à celles des pays concernés d’effectuer entre elles des transactions légales sécurisées d’importation et d’exportation sans recourir aux devises.
À titre d’exemple, une société de cimenterie pourrait payer en BIF sur place des intrants importés à un exportateur de la farine tandis que l’exportateur étranger des intrants recevrait son règlement en monnaie locale par l’importateur étranger de la farine burundaise.
Une autre stratégie qui pourrait marcher est appelée « le troc d’État ». Ce mécanisme consiste à délivrer une licence d’importation à un importateur de produits non-essentiels. Cette licence serait subordonnée à la production par ce dernier de la preuve d’exportation ou de soutien à une opération d’exportation d’un produit burundais bien identifié.
Cas pratique : par exemple, un importateur de motos et « tuktuk » ou de produits d’origine chinoise ou indienne verserait une commission à un exportateur burundais de café torréfié avec lequel il s’associe, ce qui lui permettrait de devenir un exportateur officiel du café torréfié.
Enfin, l’État doit utiliser la compensation industrielle. Ladite stratégie est une forme de contrats permettant à l’acheteur d’exiger en contrepartie d’une commande, des contreparties économiques.
Cette pratique constitue un avantage, car le Burundi doit profiter de l’opportunité présente qu’offre la carence des devises pour tirer véritablement profit des projets et des marchés publics de grande envergure, gagnés par des entreprises étrangères, souvent au détriment des entreprises locales.
Absence du cadre légal pour assurer son efficacité
Cependant, la pratique de la compensation industrielle doit être ancrée comme réflexe spontané et immédiat dans les appels d’offres internationaux, en imposant aux fournisseurs des montants de compensation et en utilisant la commande publique comme levier pour soutenir le tissu industriel.
Il sied de mettre en place un véritable dispositif qui rendrait obligatoire cette pratique. Par exemple, la création d’une agence dédiée à la compensation industrielle permettrait d’assurer une réelle efficacité à un tel mécanisme.
Il existe aussi des pistes de solutions alternatives à explorer, à combiner, à évaluer et à valider, permettant d’atténuer dans une mesure appréciable la dépendance vis-à-vis des devises. Le pays pourrait même transformer les problématiques spécifiques non résolues en sources accrues de transactions de compensation internationales entre le Burundi et les partenaires extérieurs.
Faute de sortir des sentiers battus et de certaines limites de lois, textes, accords dans lesquelles nous nous sommes enfermés et d’envisager d’implémenter avec prudence de telles solutions alternatives, il est à craindre que l’économie burundaise ait à subir plus durement encore les conséquences de la pénurie actuelle des devises.