Visite guidée dans la plus grande prison du Burundi qui compte actuellement plus de 4 000 détenus, pratiquement le tiers de la population carcérale de tout le pays.
Par un samedi matin, je prends la direction de la prison centrale de Mpimba pour voir un proche à moi. Dans ma tête, je calcule les mots que je vais lui dire, ne sachant pas par où commencer, ni quoi lui dire. Que peut-on dire, qui le pourrait quand on se retrouve en face de qui la liberté est devenue une notion évanescente ?
Quand j’arrive sur place, je dépose ma carte d’identité comme les autres. Quelques temps après, un policier fait appel et nous énumère la liste des choses qu’il ne faut pas emmener à l’intérieur. J’en profite pour regarder autour de moi. Il y a des femmes qui emmènent des paniers contenant des vivres, du charbon, des habits. Il y a aussi des hommes avec leurs enfants. Après avoir appelé ceux qui ont déposé leurs pièces d’identité, un autre policier nous fait signe de nous diriger à l’intérieur.
Entre mi-sourires et chagrins
Une fois à l’intérieur, la première chose qui m’émeut, ce sont les prisonniers faisant signe aux nouveaux arrivants à travers les barreaux, dans l’espoir de voir les leurs, ou d’éventuels bienfaiteurs. Je vois mon cousin, parmi la foule, qui m’a reconnu aussi. Il se dirige vers une sorte de petit parloir, dont un grillage sépare les prisonniers et les visiteurs. Il arrive avec un petit sourire, qu’il n’a pas perdu d’ailleurs, et c’est lui qui lance la conversation, comme si j’étais venue lui rendre visite chez lui.
À coté, il y a toujours des gens que personne n’est venu voir, qui vous tendent des bouts de papier, pour que vous leur laissiez un peu de sous. Difficile de ne pas leur en donner même la petite monnaie réservée pour le bus.
Les quelques minutes qu’on nous avait données s’écoulent vite. Une fois dehors, je me rends compte qu’il y a une autre section de prisonniers, de l’autre coté, des femmes et des enfants. Ma curiosité l’emporte, j’ai envie de voir à quoi ça ressemble.
Dans la « cour » des femmes
J’ai envie de voir où vont ces papas, tenant dans leurs mains des enfants en bas âge. Une fois à l’intérieur, quelle ne fut ma surprise en remarquant l’absence du vert, tant présent chez les hommes. Moins agitées que les hommes, elles viennent maquillées, toutes propres, le sourire ne quitte pas leurs lèvres. Elles sont aussi moins nombreuses que les hommes.
Un court instant, j’ai de la peine à croire qu’elles vivent dans cet endroit clôturé, privées des leurs et surtout de leurs enfants. J’ai du mal à retenir mes larmes quand je vois une maman avec son bébé dans ses bras. Elle lui parle d’une voix si douce. Sur le côté, de petites adolescentes, l’air perdu, sont assises sur un banc, attendant leur mère. J’ai envie d’aller parler à toutes ces détenues, demander pourquoi elles sont si calmes, comme si c’est elles qui sont venues consoler leurs visiteurs. Hélas, il est temps pour moi de partir. Sur le chemin de retour, je rencontre aussi un ancien détenu. « Quand tu sors d’ici, tu te rends compte de la chance que tu as d’être libre, alors je sais ce qu’ils ressentent à l’intérieur. Quand je le peux, je passe au moins les saluer, et des fois, c’est tout ce dont ils ont besoin », me dit -il.