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Les derniers moments du Prince : récit

À l’âge de 29 ans, le prince Louis Rwagasore, leader de l’indépendance du Burundi, meurt inopinément quelques mois avant l’émancipation de son pays. Retour sur les écrits relatant la mort du héros.

Quelques semaines après la victoire de l’Uprona (Union pour le progrès national) dans les élections législatives du 18 septembre 1961, Rwagasore et son gouvernement tiennent une première réunion à Bujumbura dans l’après-midi du vendredi 13 octobre 1961 et finissent par partager un verre dans la soirée, aux environs du lac Tanganyika.

« Après une longue journée de Conseil de Cabinet, le Premier ministre et six de ses amis […] dînaient sur la terrasse du restaurant Tanganyika, non loin du lac. Soudain, un coup de feu partit d’un bosquet voisin. Une balle de gros calibre traversa la gorge de Rwagasore. La mort fut instantanée », raconte Jean-Paul Harroy, le Résident Général (R.G) du Rwanda-Urundi à travers son livre Burundi 1955-1962 : Souvenirs d’un combattant d’une guerre perdue (p. 576).

Le Docteur René-Albert van Bellinghen, directeur de l’Hôpital Rodhain (actuel Clinique prince Louis Rwagasore) constate le décès, car il est sur place. C’est lui qui va prévenir le Résident Général et qui transporte le corps à la morgue dudit Hôpital, où Harroy va rencontrer Thérèse Kanyonga, la mère de Rwagasore, ainsi que le mwami Mwambutsa Bangiricenge.

Attitude du Résident Général

Harroy continue à révéler le déroulement des faits via son livre cité ci-haut à partir de la page 577. Selon lui, sa première réaction est de déplacer le corps du défunt vers Gitega avant que la nouvelle soit connue de tous, pour éviter de dangereuses manifestations. Le transfert s’effectue avant l’aube du 14 octobre sous le consentement de Mwambutsa et son gendre André Muhirwa, le ministre de l’Intérieur.

« Le lendemain du meurtre, un discours du mwami et du R.G fut diffusé sur les ondes de Radio-Burundi, dans lequel le mwami Mwambutsa s’adressait aux Burundais en leur demandant de conserver leur calme, et quelques jours plus tard un hélicoptère le transporta pour des visites destinées à apaiser les esprits en différents points du territoire », écrit Christine Deslaurier dans sa thèse de doctorat de 2002 : Un monde politique en mutation : le Burundi à la veille de l’indépendance (±1956 – 1961) à la page 1100.

Enquête 

Même si la Tutelle fait tout pour garder Bujumbura calme, il reste toujours à faire l’enquête criminelle et les funérailles. Dans la même nuit du drame, Jacques Bourguignon, le procureur du Roi, ouvre immédiatement l’enquête criminelle. Sans tarder, les enquêteurs reçoivent un témoin oculaire qui a pu reconnaître un véhicule, avec quatre hommes à bord dont un Blanc, démarrer brusquement sitôt le coup de feu.

Par conséquent, trois Burundais sont mis dernière les barreaux : Jean-Baptiste Ntakiyica, ancien secrétaire d’État à la fonction publique, son frère Henry Ntakiyica, ancien député du PDC (Parti Démocrate Chrétien) et Antoine Nahimana, bourgmestre de la commune Muruta. Ce sont eux qui, à leur tour, dénoncent le tireur, le Grec Jean Kageorgis. Grâce à ces quatre personnes, les principaux responsables du complot sont dénoncés et arrêtés. C’est par exemple le deux leaders du PDC, donc les fils du prince Charles Baranyanka, qui sont Joseph Birori et Jean Ntidendereza, sans oublier Michel Iatrou, l’employeur de Kageorgis.

Organisation des funérailles

Le matin du 14 octobre, le corps du défunt est déjà à Gitega et les obsèques sont prévues dans l’après-midi de ce jour-là. Ce samedi matin, différentes autorités commencent la montée vers Gitega pour les cérémonies funéraires. À 16 heures, la levée du corps devrait déjà avoir eu lieu, mais tout le monde attend toujours, en plus de cela, le mwami n’est même pas là.

On reproche au roi d’avoir décidé, tout seul, du lieu et de la date de l’enterrement. En plus, certaines personnalités burundaises doutent si c’est réellement le corps de Rwagasore que contient le cercueil. Ils demandent même la réouverture du cercueil pour vérification, ce qui est fait, tandis que les invités continuent à attendre les cérémonies proprement dites.

À ce propos, Damasi Gihugu, dans son livre Ubuzima bw’umuganwa Ludoviko Rwagasore n’ukwikukira kw’Uburundi, 1932-1961 à la page 203, montre que cela s’explique par l’absence du consensus concernant un lieu propice pour l’enterrement du prince Rwagasore. Certains proposaient Gitega tandis que d’autres étaient pour Muramvya. Le consensus tombe finalement sur Bujumbura, mais où exactement ? On pense d’abord au lieu de l’assassinat, mais c’est la colline de Vugizo surplombant la ville de Bujumbura qui est privilégiée pour l’édification du mausolée. Au final, l’enterrement est ajourné pour la semaine suivante.

« La Tutelle belge voulait faire de Bujumbura une zone franche, raison pour laquelle les nationalistes insistaient beaucoup plus sur l’inhumation du martyr Rwagasore sur le sol de Bujumbura, une preuve démontrant que c’est un territoire 100 % burundais », précise Docteur Déo Nsavyimana, historien et enseignant à l’université du Burundi.

Les obsèques

Dimanche 15 octobre. À Gitega, l’Assemblée désigne le beau-frère de Rwagasore, André Muhirwa, comme son successeur à la tête du gouvernement. Et c’est dans la journée du mardi suivant que s’effectue le transfert du cercueil vers Bujumbura.

Mercredi 18 octobre. À l’Église Saint-Michel, le cercueil posé sur un catafalque, le service funèbre commence, présidé par Monseigneur Michel Ntuyahaga. Les funérailles proprement dites auront lieu dans l’après-midi sur la colline Vugizo aménagée pour ça, en présence d’une foule estimée en milliers.

À cette occasion, quatre discours se succèdent dont les intervenants sont Pierre Ngendandumwe, ministre des Finances, André Muhirwa, le nouveau Premier ministre, Jean Paul Harroy, le Résident Général et Thaddée Siryuyumusi, le Président de l’Assemblée.

 

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