La politique a culturellement pris une place de choix dans notre société. Mais pourquoi s’intéresse-t-on à la politique ? Pourquoi nombre de gens sont attirés par le pouvoir politique ? Pour comprendre et interpréter ce phénomène, postulons quelques tendances qui sous-tendent la gestion du pouvoir au Burundi.
Dans nombreux des États africains, la politique constitue un tremplin pour accéder aux autres ressources en particulier économiques et/ou symboliques. Cette source permettant in fine « la guérison sociale », selon l’expression du politologue Julien Nimubona.
Ainsi, le fond de la densité et l’intensité des crises que le Burundi a connues depuis son indépendance, résulte d’une lutte pour le contrôle des ressources matérielles et symboliques tout en impliquant que ces ressources sont le soubassement de la conquête et du monopole du pouvoir politique. Le pouvoir politique n’étant qu’un moyen et non une fin.
Officiellement, notre personnel politique ne peut en aucun moment accepter le présent argumentaire. Ce qui est normal.
Le politique détermine l’économique
Joseph, membre du parti au pouvoir et aspirant à occuper un poste politique, déclare qu’aussi longtemps que les secteurs de la vie économique demeurent moins performants et déséquilibrés, le pouvoir politique restera, pour lui, le seul moyen sûr de gagner le pain quotidien. Une fois là, tous les moyens seront bons pourvu qu’il y reste.
Jean occupe un poste parce qu’il est membre du parti de Rwagasore. Il avoue qu’il a la peur de ne pas avoir une autre source de revenu considérable à cause du niveau bas d’instruction. Il considère que quitter ce poste impliquerait sa mort matérielle et/ou symbolique.
Fabien, partisan de la transhumance politique, aujourd’hui membre du parti CNL, se montre plus réaliste. Pour lui, l’enjeu de la conquête du pouvoir et de sa conservation est l’enrichissement. D’autres viennent pour se greffer au premier. Avant d’ajouter : « Il faut être aveugle pour ne pas constater ici et la, les fortunes emmagasinées après un laps de temps d’exercice du pouvoir. »
Pratique et signification
Le système politique burundais autorise cet état de fait. En réalité, les élus et les gouvernants doivent leur élection aux responsables des partis politiques qui les ont placés en position utile. Ceux-ci les choisissent de façon discrétionnaire, organisent la hiérarchie et décident unilatéralement de leurs orientations.
Dans ce contexte, les compétences et connaissances intellectuelles et professionnelles acquises à l’école et ailleurs importent peu pour accéder et gravir les échelons de la structure administrative. Seul l’accès au réseau l’autorise et l’obéissance aveugle dont il faudra faire preuve auprès de celui de contrôle. Ce faisant, l’État devient un lieu d’accumulation et de partage de richesses organisé autour des réseaux clientélistes et hiérarchisés.
Déconstruction
Ces pratiques produisent des effets pervers sur le fonctionnement des institutions burundaises. Au niveau ministériel par exemple, le nombre de ministères est allé crescendo. Cette pléthore a un impact politique et économique négatif. Du point de vue politique et pratique, étant trop nombreux, les ministres ne travaillent pas correctement. Cela est d’autant plus visible que quand certains parmi eux entrent dans l’équipe non pas par mérite, mais plutôt par des recrutements sur base ethnique, régionale, clanique, voire familiale en lieu et place des critères objectifs de compétence et de mérite. Dans ce cas, le principe de solidarité ministérielle en pâtit. Sur le plan économique, la prolifération des ministères est contre-productive au Burundi. Elle occasionne des dépenses élevées liées notamment aux salaires, voitures, logements et autres avantages. Serait-ce une erreur de dire que le surdéveloppement administratif et ministériel est « budgétivore » ?
Mais cela ne constitue pas non plus une fatalité. Autant ces pratiques se sont construites dans le temps, autant leur déconstruction se fait dans le temps. Je ne prétends pas dire que toute la classe politique est au même diapason. Pour venir à bout de ces pratiques, trois solutions sont envisageables : le renouvellement de classe politique, la diversification des secteurs économiques et l’instruction qui ne vise pas seulement le fonctionnariat.